Bombardé premier secrétaire de l’aile gauche de l’UMPS par Martine Aubry, Harlem Désir semble aujourd’hui occuper le rôle de porte-flingue qui était dévolu à Frédéric Lefebvre et Nadine Morano lors des années Sarkozy. On l’a entendu récemment s’entretenir avec Frédéric Haziza sur le meilleur moyen de museler les dissidents [1].
Le reste du temps, Harlem (Jean-Philippe de son vrai prénom [2]) Désir multiplie les petites phrases destinées à appuyer le suivisme atlantiste de l’administration Hollande [3] ou, le plus souvent, à maintenir dans l’opinion l’illusion d’une opposition de fond entre les ailes gauche et droite du système en place.
Le contexte phocéen
Ce dernier point peut être illustré par les réactions qui ont accompagné une nouvelle escalade de violences survenue dans l’agglomération marseillaise au cours des six derniers mois. Interrogé le 21 août dernier au sujet du nombre particulièrement élevé de règlements de comptes, Harlem Désir défendit au micro de RTL l’action de Manuel Valls tout en accusant le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin de « non-assistance à Marseillais en danger [4] ».
Il ne s’agit évidemment pas ici de défendre Jean-Claude Gaudin, authentique potentat du système, probablement franc-maçon et admirateur déclaré de Jules Ferry [5], mais simplement de rappeler la lourde responsabilité portée par Harlem Désir et ses camarades de parti dans la dégradation de la situation ayant mené au contexte actuel. Car la criminalité organisée ne prospère pas dans une société tenue par des responsables politiques intègres et désintéressés. Plus qu’ailleurs en France métropolitaine, le cas marseillais illustre la façon dont l’incurie des responsables locaux et leur association à des pratiques mafieuses ont alimenté un terreau devenu favorable à l’économie souterraine et aux bandes armées.
Des notables locaux corrompus
Géographiquement située à l’exact opposé du Pas-de-Calais, la fédération PS des Bouches-du-Rhône n’a pourtant rien à envier à sa cousine nordiste : elle a en effet été dirigée jusqu’en 2013 par Jean-Noël Guérini, également président du conseil général, sénateur et ancien conseiller municipal à Marseille.
Dès la fin 2010 et jusqu’au milieu de l’année 2011, plusieurs dizaines de personnalités locales sont entendues par la justice et certaines mises en examen dans le cadre de l’« affaire Guérini » qui mêle attribution frauduleuse de marché publics, association de malfaiteurs et trafic d’influence [6]. Parmi ces dernières, on retiendra les noms d’Alexandre Guérini, frère du précédent et président d’une entreprise de ramassage d’ordures [7], de Jean-Marc Nabitz [8], ancien haut fonctionnaire du Conseil général chargé de l’aménagement du territoire, fugitif en Israël puis incarcéré à son retour en France, ou encore d’Alain Belviso, ex-président de l’agglomération d’Aubagne.
- Jean-Noël Guérini, gestionnaire désintéressé à la tête d’une fédération PS vertueuse et transparente...
Les plus naïfs ne manqueront pas de rétorquer qu’Harlem Désir a demandé puis obtenu la mise à l’écart de Guérini du Parti socialiste, puis la mise sous tutelle de la fédération des Bouches-du-Rhône. Si cette prise de conscience est effectivement à mettre à l’actif de l’actuel premier secrétaire du PS, elle est pour le moins tardive : Harlem Désir n’est intervenu qu’en septembre 2011 après une polémique interne au PS survenue à la suite de la publication d’un rapport par Arnaud Montebourg [9].
Plus récemment, c’est la députée PS des quartiers nord de Marseille, Sylvie Andrieux, qui était condamnée par le tribunal correctionnel à un an de prison ferme, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité [10] pour avoir détourné des deniers publics en vue d’asseoir son influence électorale dans son fief. Mise en examen depuis juillet 2010, la députée franc-maçonne membre de la loge « Le Droit Humain » finançait via des associations-écran un groupe de caïds, lesquels s’impliquaient en retour dans sa campagne de terrain. Harlem Désir, membre du bureau national du PS, ne pouvait ignorer le caractère mafieux de ce type de pratiques en vigueur dans l’une des plus puissantes fédérations de son parti.
- Sylvie Andrieux, députée PS, versait des subventions à des associations fictives des quartiers nord
Gestion associative frauduleuse et dérives idéologiques
Harlem Désir, donc, joue aujourd’hui le père-la-vertu en dépit de sa complicité passive (ou tout du moins de sa sévérité très relative) dans des scandales qui émaillent l’actualité socialiste. Toutefois, ces faits récents paraîtraient presque anecdotiques si l’on dressait un bilan des années qui ont vu le Jean-Philippe Désir de 1984 devenir le Harlem d’aujourd’hui.
Serge Malik, dans son Histoire secrète de SOS-Racisme [11] a parfaitement décrit la façon dont l’association à la main jaune a servi de tremplin à l’ascension politique de jeunes carriéristes issus pour la plupart de l’UNEF et du MJS. Harlem Désir et Julien Dray incarnent mieux que quiconque cette génération parvenue en quelques années aux plus hautes sphères du Parti socialiste. Lors de la « fête des potes » de 1985 à la Concorde, prenant la parole au micro devant les dizaines de milliers de participants, Désir prononçait un discours dont des extraits sont visibles sur le site de l’INA [12] :
« Rien ne nous a été épargné. Toutes les embûches, tous les bruits, toutes les fausses informations ont eu cours. Récupération par ci [...] Et pourtant vous êtes là ! »
Les observateurs perspicaces auront évidemment relevé le formidable culot avec lequel Harlem Désir suggère que SOS Racisme et le concert des potes seraient le résultat de la lutte acharnée d’une bande d’étudiants contre vents et marées, prétendument en butte à un système supposé leur être hostile. En réalité, SOS Racisme avait bénéficié dès le début de l’année 1985 de puissants relais médiatiques, tant sur TF1 que dans les colonnes du Nouvel Observateur ; un décollage médiatique dû entre autres, selon les informations regroupées par Philippe Juhem dans sa thèse de doctorat [13], au carnet d’adresses de Bernard-Henri Lévy et de Marek Halter. Les accusations de récupération étaient quant à elles portées par les leaders du mouvement beur de 1983-1984, parmi lesquels Farida Belghoul, très tôt écartés pour cause d’incompatibilité politique et idéologique avec la matrice, PS et sioniste, du SOS Racisme naissant [14].
- Harlem Désir, bien entouré par Bernard Kouchner (à gauche) et Bernard-Henri Lévy (à droite) lors d’une marche SOS Racisme, en 1989
Les années 90 verront le discours « SOS » des origines, empreint de paternalisme et de bons sentiments, perdre de son influence dans les banlieues au profit d’un rap plus revanchard mais partageant en partie son contenu victimaire [15]. L’évolution de la situation favorisa une aggravation progressive des problèmes de délinquance et de communautarisation, et en parallèle une prise de recul vis-à-vis des dérives de l’antiracisme, à tel point qu’au cours des années 2000 des prises de positions dénonçant les effets pervers de l’antiracisme institutionnalisé finirent progressivement par avoir droit de cité (sous réserve d’être exemptes de considérations trop judéocritiques) dans les médias mainstream [16].
Parallèlement à ses activités de président de SOS Racisme, Harlem Désir occupa, pour arrondir ses difficiles fins de mois, un emploi parfaitement fictif à l’Arfem (une agence lilloise de formation des migrants, subventionnée par le Conseil régional PS) entre 1988 et 1991. Cette situation lui valut d’être condamné en 1998 par le tribunal correctionnel de Lille à dix-huit mois de prison avec sursis et 30 000 francs d’amende [17].
Mais on ne saurait résumer les affaires de gestion douteuse autour de la nébuleuse antiraciste à Harlem Désir : citons encore deux autres cadres de l’association connus du grand public, Julien Dray et Dominique Sopo. Le premier s’est vu « rappelé à la loi » au terme d’une enquête sur les mouvements de fonds issus des parrainages de SOS-Racisme [18], et le second, lors de sa présidence de l’association, s’est rendu co-responsable de licenciement abusif et de non-respect du code du travail dans l’affaire Charlotte Allégret. Cette jeune collaboratrice de la FIDL (Fédération indépendante et démocratique des lycéens), après avoir travaillé plusieurs mois sans salaire, avait fait l’objet de pressions et d’intimidations de la part de dirigeants de l’association lorsqu’elle avait menacé de révéler sa situation ainsi que ses découvertes concernant la gestion opaque des comptes de la FIDL [19].
La FIDL, en réalité ni indépendante ni démocratique puisque directement affiliée et chapeautée par SOS Racisme et l’UNEF, a joué au cours des années 1990 et 2000 un rôle de tremplin politique pour de jeunes loups aux dents longues (citons entre autres François Delapierre, aujourd’hui secrétaire national du Parti de gauche, ou encore Delphine Batho, un temps ministre de l’Écologie dans le gouvernement Hollande-Ayrault).
- Julien Dray, l’homme qui murmurait à l’oreille des parrains
Une posture morale illégitime
Revenons donc au contexte sécuritaire marseillais : il apparaît évident qu’Harlem Désir ne saurait donner de leçons d’altruisme à l’équipe municipale de Jean-Claude Gaudin, dans la mesure où lui-même et des membres proches de son entourage affichent des carrières politiques jalonnées de malversations financières, de manipulations et de déformations des réalités sociales.
Tout porte à croire que les citoyens marseillais sont de moins en moins dupes, grâce entre autres au travail de réinformation entrepris par les dissidents et porté sur le terrain local par Salim Laïbi, candidat aux législatives, ainsi que par la Communauté arabo-berbère de Marseille (COBEMA), qui invitera prochainement Farida Belghoul [20]. Nous ne pouvons que souhaiter que ce travail débouche à terme sur une décrédibilisation totale, aux yeux de la population, des éléments les plus impliqués dans l’escroquerie SOS Racisme...