Ce lundi 05 novembre vers 11 heures 30, une naissance a eu lieu. Tels des Rois mages, les médias et les politiques se sont penchés tendrement sur le berceau du nouveau-né.
Ce tendre chérubin répond au doux nom de Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, mais les proches lui avaient déjà donné le sobriquet de rapport Gallois. Les félicitations et les éloges dithyrambiques ont remplacé l’or, la myrrhe et l’encens. Cette naissance, tant espérée, va illuminer toute la maisonnée et apporter bonheur et prospérité pour des siècles et des siècles.
Cependant, à regarder le rejeton de plus près, il apparait clairement qu’il s’agit d’une commande pour cautionner la politique libérale du gouvernement et donner le change quant à sa capacité à agir efficacement dans l’intérêt du peuple français.
Dès la première proposition, Louis Gallois préconise de garder des mesures phares du gouvernement précédent, notamment le crédit d’impôt recherche. Il ne s’agit en aucun cas de critiquer ces mesures mais elles donnent très vite le ton du rapport. Si le gouvernement de gauche comptait encore dans ses rangs quelques irréductibles keynésiens, ces derniers devront passer leur chemin.
En effet, ce rapport entend créer « un choc de compétitivité » en proposant une baisse rapide des charges sociales pour 30 milliards d’euros, dont les deux tiers affecteront les charges patronales. Le patronat, par ses représentants, s’est bien entendu félicité de cette proposition. Il ne reste plus qu’à espérer que cette baisse de charges ne constituera pas un effet d’aubaine et permettra d’investir réellement dans l’appareil productif. Pour satisfaire à l’injonction de réduire les déficits publics, le rapport recommande de compenser cette baisse par une augmentation de la TVA, payée par tous les consommateurs, et de la CSG, financée par les revenus du capital et du travail.
Cette citation de Colbert trouve ici toute sa vigueur : « L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. » La classe moyenne, qui n’a cessé de voir son niveau de vie se dégrader depuis des années, constitue cette majorité silencieuse et peu revendicative qui tient bien son rôle d’oie à plumer.
Le rapport envisage aussi de mettre un terme aux velléités du gouvernement en matière de politique énergétiques en préconisant l’exploitation du gaz de schiste. Pris entre les intérêts des groupes industriels et les cris d’orfraie des écologistes, l’actuel gouvernement renâcle à ouvrir un vrai débat public sur ce sujet, débat qui permettrait de mesurer réellement les enjeux écologiques et aussi les effets sur l’emploi dans nos régions économiquement sinistrées. Cécile Duflot, l’actuelle ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, n’hésite pas à enfiler une cagoule pour soutenir la fausse subversion des Pussy Riot en Russie, mais ne montre aucune compassion pour ses compatriotes vivant dans les zones sinistrées de notre pays. Les atermoiements du gouvernement finiront par mettre sous le boisseau les propositions de Gallois.
La croissance des PME fait l’objet de toutes les attentions dans le rapport, par exemple, en proposant d’orienter la commande publique vers elles. Cette politique serait certainement accompagnée d’une modification substantielle du Code des marchés publics, et ce sous la censure du juge et de la commission européenne qui trancheraient en dernier ressort. Il s’agit ni plus ni moins de s’inspirer du dynamisme des PME allemandes en oubliant que ce dynamisme s’est construit au fil des décennies, notamment grâce à des mesures de normalisation techniques (DIN) qui constituaient, dans les faits, autant de dispositifs protectionnistes. Sous le dogme de la libre concurrence et de la libre circulation des capitaux et des marchandises, ces propositions n’ont aucune chance de voir le jour.
Il est aussi prévu un droit à la formation tout au long de la vie, lié à la personne et non pas à son statut et à ses droits sociaux. Inscrit dans le marbre par une loi de 1971 et très favorable aux salariés, le droit à la formation a constamment reculé ces dernières décennies, notamment sous les lois Fillon. Même la très célèbre loi de modernisation sociale, sous le gouvernement Jospin en 2002, a été loin de tenir toutes ses promesses quant à la formation continue. Dans les faits, la formation est un coût que rechignent à assumer pleinement l’État et les partenaires sociaux.
Dans une France décentralisée, ouverte à la libre concurrence et dépossédée de ses prérogatives financières et bientôt budgétaires, les propositions de Gallois donneraient à croire que l’on vit encore à l’époque des grandes politiques publiques de l’époque gaullienne, menées par un État souverain et centralisé.
En entretenant cette illusion, le rapport a pour objectif de masquer la politique libérale de Hollande et son impuissance face aux marchés financiers. À cette mascarade, le petit peuple de France préférerait la citation de Jaurès : « À celui qui n’a plus rien, la Patrie est son seul bien » !