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Comment l’Egypte devint une néo-colonie

En succédant à Nasser, le président Anouar el-Sadate engagea l’Egypte sur une voie fort différente : limogeage des nasséristes aux postes-clés de l’Etat, hache de guerre enterrée avec Israël, rapprochement avec les Etats-Unis et surtout, privatisation de l’économie. La révolution qui a eu raison de Moubarak doit-elle porter notre regard sur ce tournant de l’histoire égyptienne ?

Sous la direction de Gamal Abdel Nasser, l’Egypte parvenait à faire face à 85 % de ses besoins alimentaires grâce à la révolution industrielle et agricole. En outre, elle est parvenue à lancer plus de 1.200 projets industriels divers en plus du développement d’une industrie d’armement lourd visant à renforcer ses capacités de défense. Selon la banque mondiale, durant cette période, la valeur des productions de ces entreprises s’élevait à 1.400 milliards de dollars US. Le produit intérieur brut de l’Egypte dépassait alors celui des pays du G-7 de l’époque de 4 à 5 %.

Quarante ans plus tard, l’Egypte est un pays incapable de faire face à moins de 10 % de ses besoins en nourriture et est devenu le premier importateur mondial de céréales. Aujourd’hui aussi, ce pays reçoit annuellement 3 milliards de dollars US de subsides. Malgré cela, on note avec surprise qu’il souffre d’un chômage massif et que ses citoyens vivent dans une profonde pauvreté. La soi-disant politique d’ouverture qu’il a observée au cours des 40 années qui ont suivi le décès de Gamal Abdel Nasser n’a été d’aucun secours.

Avant de s’interroger sur le point de savoir pourquoi il en est ainsi, il conviendrait d’analyser les stratégies politiques et militaires qui se sont déployées après la mort de Nasser et qui ont conduit le pays à une telle impasse.

Anouar el-Sadate, qui était vice-président à la mort de Nasser, a assumé la succession. Le fait que l’apparemment obscur Sadate écarte du pouvoir nombre de hauts officiers qui occupaient les postes-clef en 1971 a surpris beaucoup d’observateurs. Quand Sadate prit ses fonctions, la population qui était en colère contre l’occupation par Israël de territoires égyptiens depuis la guerre de 1967 n’était pas seulement prête à reprendre le combat mais exerçait aussi de fortes pressions sur le gouvernement pour prendre toutes les actions nécessaires contre le parti de l’agresseur.

Néanmoins, Anouar el-Sadate, à l’encontre de la pression populaire, ne voulut pas reprendre la guerre. En outre, il déclara officiellement que l’Egypte n’avait aucune intention belliqueuse et sollicita le retrait d’Israël des territoires égyptiens occupés. Mais Israël fit la sourde oreille.

A l’époque, Israël était armé jusqu’aux dents de matériel militaire US. L’assistance militaire soviétique à l’Egypte ne soutenait pas la comparaison. En outre, les dirigeants israéliens soutenaient l’idée très chauvine de l’incapacité de l’Egypte à lancer des actions militaires à la suite de sa défaite de 1967.Entretemps, Anouar el-Sadate menait pourtant des discussions secrètes avec la Syrie, dont des territoires étaient aussi occupés depuis 1967, pour attaquer Israël.

En septembre 1973, l’Egypte et la Syrie lancèrent une attaque surprise contre Israël. L’armée égyptienne démantela rapidement les lignes de défense israéliennes et s’enfonça profondément dans la péninsule du Sinaï. De même, l’armée syrienne reprit le contrôle d’une partie des hauteurs du Golan. Néanmoins, ni la Syrie ni l’Egypte ne purent consolider leur avantage sur le terrain.

Rapidement, Israël réorganisa ses forces avec l’aide immédiate des USA et déclencha la contre-offensive. Au cours de la féroce guerre ininterrompue des 18 jours qui suivit, Israël délogea les forces égyptiennes des territoires qu’elles contrôlaient et réussit à franchir le canal de Suez dont elle prit le contrôle de la rive ouest. Cette situation amena à une confrontation des deux superpuissances - l’Union Soviétique et les Etats-Unis- au sein du Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité adopta alors une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat des trois parties et à l’engagement de négociations.

Dans la foulée du cessez-le-feu, le secrétaire d’Etat US de l’époque, Henry Kissinger, conduisit pendant de longs mois des négociations secrètes pour convaincre le premier ministre Israélien Golda Meir et le président égyptien Anouar el-Sadate de conclure un accord. Cet objectif fut atteint en janvier 1974. Il prévoyait le retrait d’Israël des deux rives du canal de Suez et l’instauration d’une zone démilitarisée dans la péninsule du Sinaï, séparant les armées des deux pays, tout en autorisant les navires israéliens à franchir le canal de Suez sous contrôle égyptien.

Bien que le point marqué par l’armée égyptienne dans le démantèlement des lignes israéliennes en 1973 ait pu rendre au peuple égyptien un relatif sentiment de dignité et une certaine confiance en soi, l’incapacité à conserver l’avantage dans les combats qu suivirent eut un impact négatif sur les développements politiques ultérieurs.

Avant la guerre de 1973, Anouar el-Sadate n’était pas satisfait de l’assistance militaire qu’il recevait de l’Union Soviétique et qui était sans commune mesure avec l’énorme soutien militaire apporté par les USA à Israël. Après la signature de l’accord conclu entre l’Egypte et Israël sous la médiation de Kissinger, Sadate opta pour le camp de Washington.

Il annonça aussi officiellement que son pays n’entrerait désormais plus en guerre avec Israël et s’efforcerait d’établir avec lui des relations de bon voisinage, tout cela dans le but de renforcer ses relations avec Washington. En procédant ainsi, Sadate se plaçait sous le joug de la domination US. Par la suite, les anciens ennemis de toujours devinrent les marionnettes de l’hégémonie US.

Dans un discours du 6 novembre 1970, à l’occasion du quarantième jour de la mort de Nasser, Sadate s’était engagé hypocritement à conserver intact l’immense héritage de Gama Abdel Nasser. Tout à l’inverse, il se rendit en Israël le 20 novembre 1977. Au cours de sa visite, il déclara dans un discours au parlement Israélien - la Knesset-, qu’il « posait le pied sur le sol bien-aimé d’Israël pour demander la paix et un cessez-le-feu. »

Après sa reddition à Israël et sa transformation en laquais des Etats-Unis, le président US de l’époque, Jimmy Carter, invita Anouar el-Sadate et le premier Israélien Begin à se rendre aux USA pour une visite au cours de laquelle les deux parties signèrent l’accord final de Camp David en septembre 1978. L’accord prévoit le retrait complet par étapes d’Israël de la péninsule du Sinaï et le renforcement des relations diplomatiques entre l’Egypte et Israël. Le fait que l’Egypte, une nation considérée comme le porte-étendard du combat arabe contre le sionisme, devienne un valet des USA et d’Israël répandit dans tout le monde arabe et plus particulièrement en Egypte un sentiment d’humiliation et de honte. Alors que dans le même temps, ce scénario apparaissait comme une grande victoire diplomatique et politique pour les USA et Israël.

Après que Washington eut placé l’Egypte sous sa domination, il lui imposa une stratégie qui n’apportait aucune compensation. Les USA firent de leur mieux pour que l’Egypte ne soit jamais en mesure de représenter la moindre menace pour Israël. Par la suite, Washington continua à veiller à ce que l’Egypte se réduise à un pays incapable de subvenir à ses besoins tant sur le plan militaire que sur le plan économique.

La première demande formulée à Sadate après qu’il soit tombé sous la coupe des US fut le changement de ses politiques antérieures. Il fut contraint de modifier ses politiques économiques et étrangères. La politique d ‘ouverture économique que SADAT poursuit pour se concilier les bonnes grâces des pays occidentaux était en profonde contradiction avec les politiques suivies au cours de vingt années précédentes. « L’économie ouverte » consistait essentiellement à restreindre le rôle du gouvernement dans l’orientation des programmes de développement et à placer tout le secteur économique national sous l’autorité du secteur privé en excluant le gouvernement de la gestion de toutes les institutions économiques.

Cette politique était parfaitement en accord avec les programmes des institutions financières internationales telles que la banque mondiale et le Fonds Monétaire International qui visaient à imposer leurs vues à tous les pays en développement au cours de ces dix dernières années. Les politiques de ce type font toute la place pour l’ouverture des marchés aux producteurs occidentaux et font ainsi le lit des influences extérieures, de l’exploitation, de la corruption et autres actes de conspiration.

La politique d ‘économie ouverte de Sadate a globalement torpillé les grands principes de la révolution de juillet qui visait à transformer le statut socio-économique du peuple et de la nation. Certains considèrent sa démarche comme une énorme trahison de la Révolution du Peuple. Cette politique d’ouverture économique s’est pleinement traduite dans les faits pendants les années de règne de Hosni Moubarak.

 






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