Emplois mal payés, loyers inabordables, banques alimentaires : de plus en plus de Londoniens sont dans une situation précaire en dépit de la reprise économique en Grande-Bretagne.
À mi-chemin de la campagne électorale britannique, les manchettes des journaux londoniens portaient cette semaine sur les banques alimentaires ! Plus d’un million de personnes les ont fréquentées à un moment ou l’autre au cours de la dernière année en Grande-Bretagne.
C’est une hausse spectaculaire de près de 20 % au sein d’une population d’un peu plus de 60 millions d’habitants. Ce qui signifie que de plus en plus de familles où au moins une personne travaille ont besoin des organismes de charité pour combler leurs besoins en alimentation.
Depuis la crise financière de 2008, la Grande-Bretagne est citée en exemple pour avoir si bien réussi à relever son économie. Son taux de croissance est le meilleur de l’Union européenne, à 2,6 %. Son taux de chômage est parmi les plus bas des pays riches, avoisinant les 5 %. Ce qui revient à dire que la reprise profite davantage aux mieux nantis. Et que les nouveaux emplois créés sont de piètre qualité.
Les contrats zéro-heure
« C’est à cause de ces fameux zero hour contracts », dit le directeur général de la Fondation Trust for London, Bharat Mehta, un organisme de charité londonien fondé en 1891 pour combattre la pauvreté.
Ces contrats permettent aux employeurs d’embaucher sans garantir un minimum d’heures de travail. Ils demandent une grande flexibilité aux travailleurs et laissent beaucoup de marge de manoeuvre aux patrons. Ce genre d’emplois est la plupart du temps mal payé. Le salaire minimum au Royaume-Uni est de 6,15 livres sterling l’heure (11,35 $).
« Les nouveaux emplois sont de type autonome comme chez UBER ou dans les RB and B. [...] L’Angleterre innove en Europe avec ce type d’emplois », explique Pascal Boris, président de la Chambre de commerce française à Londres et administrateur de grandes banques internationales.
« La reprise est là, mais ça ne paraît pas dans le portefeuille des Britanniques. »
— Pascal Boris, président de la Chambre de commerce française à Londres.
N’empêche, il y a maintenant un enfant sur trois qui vit sous le seuil de la pauvreté dans la grande région de Londres. La pauvreté se vit maintenant aussi dans les familles propriétaires de leur petite maison en banlieue. La capitale anglaise et ses environs sont devenus une des sociétés les plus inégalitaires d’Europe. L’écart se creuse davantage de jour en jour entre riches et pauvres, selon l’organisme Trust for London, qui commandite régulièrement des recherches sur ce type de sujet.
Le manque de logements
Autre cause de ce déclin de la classe moyenne, le manque de logements.
« Il n’y a tout simplement pas assez de logements disponibles dans la grande région de Londres », affirme Bharat Mehta directeur de Trust for London. Il y a donc une majorité de familles pauvres qui doivent consacrer plus de 60 % de leurs revenus pour se loger.
Les familles de classe moyenne inférieure doivent rogner sur les achats de vêtements, sur les vacances, bien sûr, et... sur l’alimentation, d’où la popularité de plus en plus grande des banques alimentaires.
Selon Bharat Metha, la responsabilité de ce fiasco n’est pas seulement celle du gouvernement précédent. Elle remonte aux années Thatcher (de 1979 à 1990).
Que feront les électeurs ?
À quelques jours du scrutin du 7 mai, tous les partis sont conscients de la gravité de la situation. Le premier ministre conservateur sortant, David Cameron, a promis de faciliter l’accès à la propriété pour les familles à revenus modestes. Son rival le plus sérieux, Ed Miliband, le chef travailliste, critique le programme conservateur, le jugeant irréaliste, mais promet encore davantage d’aide au logement social.
Le rédacteur en chef de la section Europe du journal The Economist, John Peets, pense pour l’instant que les conservateurs vont réussir à obtenir un autre mandat minoritaire, mais il avoue que l’opinion populaire est très sévère envers le premier ministre sortant.
« Les Britanniques n’aiment pas beaucoup Cameron, qui est hautain et donne l’impression de ne représenter que les riches. »
— John Peets, du journal The Economist
Pour le spécialiste de l’Europe à la London School of Economics, Iain Begg, l’économie et le système de santé sont encore et toujours les deux priorités qui vont guider le choix final des électeurs britanniques. Il pense lui aussi que la pente est actuellement plus abrupte pour les conservateurs.
« Les Britanniques se méfient toujours des conservateurs à cause de Margaret Thatcher qui a été très dure pour les contribuables... Et dans le moment, l’économie va bien, mais on n’est pas plus riches qu’on était. »