À la tête du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Richard Prasquier estime que l’agression dont ont été victimes trois jeunes juifs à Paris est un acte d’antisémitisme caractérisé. Il l’explique dans un entretien à paraître samedi dans le Figaro. (article du vendredi 19 sept. 2008)
LE FIGARO. - Le procureur n’a pas retenu « l’antisémitisme » comme motif de l’agression subie, le 6 septembre dernier, dans le XIXe arrondissement de Paris, par trois jeunes juifs. Qu’est-ce qui vous permet de soutenir le contraire ?
Richard PRASQUIER. - Trois jeunes juifs marchent dans la rue Petit, reconnaissables à leur kippa. On leur tire dessus avec une arme à billes. Il y a beaucoup de monde ce samedi après-midi, et c’est sur eux que les projectiles sont lancés. C’est à partir de ce fait qu’on doit légitimement évoquer le motif antisémite. Le fait que l’un des agresseurs, d’ailleurs intervenu dans un deuxième temps, soit juif ne change pas le problème : l’acte antisémite vient du choix de la cible et non de la personne qui l’accomplit.
Et si c’était une confrontation entre bandes rivales ?
Je m’élève fermement contre cette interprétation ! Un des garçons qui a reçu un projectile demande des explications au groupe d’où viennent les tirs. Une bagarre commence, elle est secondaire par rapport au jet de projectile initial. Dans cette bagarre, les jeunes juifs se trouvent en grande minorité, trois contre une douzaine, car d’autres se sont associés aux premiers agresseurs. Ces jeunes gens n’ont jamais appartenu à une bande. Ce sont de bons élèves, sans histoires. Ils ont une vie sociocommunautaire exemplaire. Ils ne comprennent pas pourquoi ils ont été non seulement blessés physiquement, mais salis moralement par ces insinuations de combats de bandes, alors que leur comportement a été irréprochable. Certes, il y a des violents parmi les jeunes juifs et nous ne devons pas les excuser, mais ces trois-là n’ont rien à voir avec cela. Il faut leur rendre leur honneur.
L’agression simulée par une jeune femme dans le RER D, il y a quelques années a rendu tout le monde prudent sur la qualification antisémite ?
Je comprends cette prudence. Mais on ne peut pas comparer cette agression avec l’affaire du RER, où rien ne s’est passé car elle fut une entière simulation. Or ces trois garçons ont subi des dommages physiques : l’un a le nez cassé ; l’autre une pommette enfoncée… En quel état se seraient-ils retrouvés si les agresseurs ne s’étaient pas enfuis…
Les chiffres de 2008 démontrent pourtant une baisse des actes antisémites en France ?
La baisse des actes antisémites est réelle, mais leur nombre reste élevé - 82 actes pour les quatre premiers mois de 2008 - et sans commune mesure avec des violences qui frappent des membres d’autres religions. Ce sont bien les juifs qui sont les victimes essentielles de ce type d’agression, physiques ou verbales. Mais le plus inquiétant est de voir que les thèses de l’antisémitisme le plus classique sont aujourd’hui recyclées. Et ce nouveau terreau antijuif agit comme une vulgate, une sorte de normalisation de l’antisémitisme. Un antisémitisme au quotidien pour lequel les juifs ne portent même plus plaintes tant il est devenu courant.
Que faire pour l’endiguer ?
Au-delà des indispensables mesures de sécurisation et de renforcement de la présence policière, et je rends hommage à la réactivité des services de police, il faut mettre en place pour l’avenir des programmes de formation. Les responsables de ce pays, ministère de l’Intérieur, de l’Éducation, la Préfecture et la Mairie de Paris ont vraiment pris la mesure du problème. Tous montrent leur volonté de ne pas minimiser ces événements.
Vous avez accepté d’accompagner Rachida Dati en Israël, mais vous critiquez le rapprochement de la France avec la Syrie…
La Syrie reste un adversaire intraitable au passé terroriste épouvantable. Elle ne change pas. Ce rapprochement diplomatique avec la Syrie vise à la désolidariser de l’Iran, ce dont je doute. Il ne remet pas en cause l’amitié du président Sarkozy pour Israël. Son soutien est clair, indubitable. Depuis sa visite en Israël et l’empathie qu’il démontre, un sentiment relativement nouveau anime les Israéliens : ils ont maintenant l’impression d’être compris à Paris quant à leurs difficultés concrètes, existentielles.
Source : http://www.lefigaro.fr
LE FIGARO. - Le procureur n’a pas retenu « l’antisémitisme » comme motif de l’agression subie, le 6 septembre dernier, dans le XIXe arrondissement de Paris, par trois jeunes juifs. Qu’est-ce qui vous permet de soutenir le contraire ?
Richard PRASQUIER. - Trois jeunes juifs marchent dans la rue Petit, reconnaissables à leur kippa. On leur tire dessus avec une arme à billes. Il y a beaucoup de monde ce samedi après-midi, et c’est sur eux que les projectiles sont lancés. C’est à partir de ce fait qu’on doit légitimement évoquer le motif antisémite. Le fait que l’un des agresseurs, d’ailleurs intervenu dans un deuxième temps, soit juif ne change pas le problème : l’acte antisémite vient du choix de la cible et non de la personne qui l’accomplit.
Et si c’était une confrontation entre bandes rivales ?
Je m’élève fermement contre cette interprétation ! Un des garçons qui a reçu un projectile demande des explications au groupe d’où viennent les tirs. Une bagarre commence, elle est secondaire par rapport au jet de projectile initial. Dans cette bagarre, les jeunes juifs se trouvent en grande minorité, trois contre une douzaine, car d’autres se sont associés aux premiers agresseurs. Ces jeunes gens n’ont jamais appartenu à une bande. Ce sont de bons élèves, sans histoires. Ils ont une vie sociocommunautaire exemplaire. Ils ne comprennent pas pourquoi ils ont été non seulement blessés physiquement, mais salis moralement par ces insinuations de combats de bandes, alors que leur comportement a été irréprochable. Certes, il y a des violents parmi les jeunes juifs et nous ne devons pas les excuser, mais ces trois-là n’ont rien à voir avec cela. Il faut leur rendre leur honneur.
L’agression simulée par une jeune femme dans le RER D, il y a quelques années a rendu tout le monde prudent sur la qualification antisémite ?
Je comprends cette prudence. Mais on ne peut pas comparer cette agression avec l’affaire du RER, où rien ne s’est passé car elle fut une entière simulation. Or ces trois garçons ont subi des dommages physiques : l’un a le nez cassé ; l’autre une pommette enfoncée… En quel état se seraient-ils retrouvés si les agresseurs ne s’étaient pas enfuis…
Les chiffres de 2008 démontrent pourtant une baisse des actes antisémites en France ?
La baisse des actes antisémites est réelle, mais leur nombre reste élevé - 82 actes pour les quatre premiers mois de 2008 - et sans commune mesure avec des violences qui frappent des membres d’autres religions. Ce sont bien les juifs qui sont les victimes essentielles de ce type d’agression, physiques ou verbales. Mais le plus inquiétant est de voir que les thèses de l’antisémitisme le plus classique sont aujourd’hui recyclées. Et ce nouveau terreau antijuif agit comme une vulgate, une sorte de normalisation de l’antisémitisme. Un antisémitisme au quotidien pour lequel les juifs ne portent même plus plaintes tant il est devenu courant.
Que faire pour l’endiguer ?
Au-delà des indispensables mesures de sécurisation et de renforcement de la présence policière, et je rends hommage à la réactivité des services de police, il faut mettre en place pour l’avenir des programmes de formation. Les responsables de ce pays, ministère de l’Intérieur, de l’Éducation, la Préfecture et la Mairie de Paris ont vraiment pris la mesure du problème. Tous montrent leur volonté de ne pas minimiser ces événements.
Vous avez accepté d’accompagner Rachida Dati en Israël, mais vous critiquez le rapprochement de la France avec la Syrie…
La Syrie reste un adversaire intraitable au passé terroriste épouvantable. Elle ne change pas. Ce rapprochement diplomatique avec la Syrie vise à la désolidariser de l’Iran, ce dont je doute. Il ne remet pas en cause l’amitié du président Sarkozy pour Israël. Son soutien est clair, indubitable. Depuis sa visite en Israël et l’empathie qu’il démontre, un sentiment relativement nouveau anime les Israéliens : ils ont maintenant l’impression d’être compris à Paris quant à leurs difficultés concrètes, existentielles.
Source : http://www.lefigaro.fr