La Commission européenne a plaidé mercredi en faveur de salaires minimums décents dans toute l’Union européenne, dans un appel du pied à l’Allemagne, et indiqué voir d’un bon oeil leur différenciation par secteurs, un point qui suscite un début de controverse en France.
L’exécutif européen cherche à se positionner dans un domaine où il a pourtant peu de compétences - elles relèvent pour l’essentiel des Etats - alors que le taux de chômage moyen en Europe est désormais installé au-dessus du seuil de 10% et que les gouvernements sont accusés d’êtres obnubilés par l’austérité en oubliant la croissance.
"Les niveaux de chômage actuels dans l’Union européenne sont dramatiques et inacceptables, les créations d’emplois doivent devenir une vraie priorité européenne", a indiqué dans un communiqué le commissaire chargé de l’Emploi et des Affaires sociales, Laszlo Andor.
L’exécutif européen identifie trois secteurs considérés comme les plus porteurs, l’économie verte, la santé et les nouvelles technologies. Il estime ainsi que 20 millions de personnes pourraient trouver un emploi d’ici à 2020 dans le premier.
Bruxelles milite aussi pour faciliter la mobilité transfrontalière des salariés. La Commission demande aux pays d’ouvrir leurs professions réglementées réservées aux "nationaux", dans le public notamment. Elle plaide pour que les chômeurs puissent aller chercher un emploi dans un autre pays de l’UE tout en gardant leurs droits d’indemnisation pendant six mois.
Bruxelles jette enfin un pavé dans la mare en demandant de lever sans délai les dernières restrictions à l’arrivée des Roumains et Bulgares sur les marchés du travail de plusieurs pays rétifs, dont la France. "Nous avons besoin d’un vrai marché de l’emploi européen, nous devons faire tomber les barrières", a dit M. Andor.
Mais c’est une autre proposition qui a particulièrement retenu l’attention : la Commission relance le débat sensible sur les salaires minimums dans l’UE en amorçant un début de tournant idéologique. Alors que l’exécutif européen avait plutôt tendance jusqu’ici à les considérer comme un frein à l’embauche, il juge à présent que les salaires minimums sont utiles.
"Nous faisons un pas en avant", a reconnu devant la presse M. Andor, qui juge que "le salaire minimum est un bon instrument pour lutter contre la pauvreté" mais aussi pour rendre certains emplois "plus attractifs".
Surtout, Bruxelles demande que ces salaires aient un niveau "approprié". Cet avis "vise notamment l’Allemagne", glisse un fonctionnaire européen, où certains salaires sont jugés insuffisants eu égard aux performances économiques de la première économie de la zone euro.
L’Allemagne fait partie des dix pays de l’UE n’ayant pas de salaire minimum unifié et national. Certaines branches professionnelles en ont négocié pour elles, mais pas toutes. Et de l’avis de Bruxelles ils ne sont pas toujours suffisamment élevés, souligne la source.
La Commission juge toutefois favorablement le principe de "salaires minimums différenciés" par secteurs, comme en Allemagne. Ce qui a déjà commencé à soulever des protestations en France, en pleine campagne pour l’élection présidentielle. La candidate d’extrême droite, Marine Le Pen, a accusé la Commission de vouloir "l’explosion du SMIC", le salaire minimum unique français, et a dénoncé un "cocktail de mesures ultralibérales".
Le sujet sera discuté mardi et mercredi au cours d’une réunion informelle des ministres européens de l’Emploi au Danemark.