Les évêques d’Algérie ont été reçus par le ministre des Affaires religieuses pour exprimer leur inquiétude face aux expulsions, radiations et condamnations qui ciblent l’Église depuis l’adoption, en février 2006, de la loi réglementant les cultes non musulmans.
Les difficultés ont débuté il y a deux ans, avec l’expulsion d’une vingtaine d’étudiants africains qui avaient participé à une rencontre biblique à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Au même moment, les autorités invitaient les religieux chrétiens à quitter le pays « pour raison de sécurité ». En novembre 2007, des volontaires brésiliens sollicités par M gr Teissier, l’archevêque d’Alger, pour s’occuper des étudiants lusophones ont été expulsés à leur tour. Un mois plus tard, un directeur d’école et un instituteur, Algériens de confession chrétienne, ont été radiés de l’Éducation nationale pour « prosélytisme ». L’association des parents d’élèves qui soutient les deux enseignants rappelle que l’école a eu 100 % de réussite à l’examen d’entrée en sixième pour les deux dernières années.
Depuis quatre mois, les visas sollicités par l’archevêché sont délivrés au compte-gouttes, souvent en retard. « Ceci compromet gravement notre avenir, car sans la visite des responsables religieux des congrégations, nous n’obtiendrons aucun soutien pour les religieux travaillant en Algérie et aucun renouvellement », déplore Mgr Teissier.
Un nouveau pas est franchi le 30 janvier 2008 lorsque le père Pierre Wallez, du diocèse d’Oran, est condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal de Maghnia (près la frontière marocaine). On lui reproche d’avoir prié, un mois plus tôt, avec des migrants clandestins camerounais « hors d’un lieu de culte », un « délit » puni par la loi fixant les « conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans ». Le médecin qui accompagnait le prêtre, accusé de les avoir soignés avec des médicaments d’un centre de santé publique, a été condamné à deux ans de prison ferme. « Les médicaments ont toujours été payés par l’Église catholique à titre d’aide humanitaire », atteste pourtant l’évêque d’Oran.
Officiellement, cette loi adoptée en février 2006 visait à garantir « la tolérance et le respect entre les différentes religions ». Dans les faits, elle prévoit une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros), contre toute personne qui « incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ». Révélateur d’une volonté répressive, les représentants des ministères de la Défense et de l’Intérieur, et ceux de la police et de la gendarmerie, sont majoritaires dans la commission chargée de « veiller au respect du libre exercice des cultes ».
« Âmes vendues à Jésus »
Pour les autorités, ce « bouclier spirituel » vise à protéger la société contre « les menées subversives d’évangélistes américains, prélude à une intervention militaire ». Des Rambo du goupillon dont la présence est montée en épingle par la presse national-islamiste, mais que personne n’a jamais rencontrés. En deux mois, une trentaine d’« enquêtes » et autres dossiers ont été consacrés aux « agressions contre l’islam dans sa propre maison ». Ce « prosélytisme », dit-on, aurait déjà converti des dizaines de milliers de jeunes désœuvrés, qui auraient « vendu leur âme à Jésus » pour 5 000 euros ou un visa pour l’étranger ! Même si le nombre total de chrétiens reste symbolique et limité à quelques milliers de fidèles. Le père Gilles Nicolas, du diocèse d’Alger, ne cache pas son inquiétude : « Cette levée de boucliers n’a rien à voir avec le prosélytisme. C’est une lutte idéologique de ceux qui veulent épurer le pays de toute présence non musulmane. »
Sur fond de luttes d’influence dans le sérail, cette « croisade » tend à faire diversion, alors que les partisans du président Bouteflika s’agitent pour imposer une révision à la hussarde de la Constitution, et permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat. Dans la propagande officielle, on stigmatise la Kabylie, de tout temps hostile au régime, comme un « maillon faible en voie d’évangélisation ». Depuis quelques mois, des imams salafistes sont injectés dans la région par le ministère des Affaires religieuses ; leur mission : lutter contre la « menace chrétienne », les « traditions païennes » du cru, et secouer l’islam ancestral des montagnards jugé trop tiède.
Hier, les évêques d’Algérie ont été reçus par le ministre des Affaires religieuses. Ils lui ont remis une lettre exprimant leur inquiétude face aux tracasseries qui ciblent l’Église. Ils ont aussi réaffirmé leur solidarité avec le pasteur protestant Hugh Johnson, menacé d’expulsion. « Après avoir reçu toutes les questions que nous avons exposées, le ministre nous a assuré que l’État n’avait pas la volonté de gêner l’Église catholique », affirme Mgr Teissier.
Le Figaro
Les difficultés ont débuté il y a deux ans, avec l’expulsion d’une vingtaine d’étudiants africains qui avaient participé à une rencontre biblique à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Au même moment, les autorités invitaient les religieux chrétiens à quitter le pays « pour raison de sécurité ». En novembre 2007, des volontaires brésiliens sollicités par M gr Teissier, l’archevêque d’Alger, pour s’occuper des étudiants lusophones ont été expulsés à leur tour. Un mois plus tard, un directeur d’école et un instituteur, Algériens de confession chrétienne, ont été radiés de l’Éducation nationale pour « prosélytisme ». L’association des parents d’élèves qui soutient les deux enseignants rappelle que l’école a eu 100 % de réussite à l’examen d’entrée en sixième pour les deux dernières années.
Depuis quatre mois, les visas sollicités par l’archevêché sont délivrés au compte-gouttes, souvent en retard. « Ceci compromet gravement notre avenir, car sans la visite des responsables religieux des congrégations, nous n’obtiendrons aucun soutien pour les religieux travaillant en Algérie et aucun renouvellement », déplore Mgr Teissier.
Un nouveau pas est franchi le 30 janvier 2008 lorsque le père Pierre Wallez, du diocèse d’Oran, est condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal de Maghnia (près la frontière marocaine). On lui reproche d’avoir prié, un mois plus tôt, avec des migrants clandestins camerounais « hors d’un lieu de culte », un « délit » puni par la loi fixant les « conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulmans ». Le médecin qui accompagnait le prêtre, accusé de les avoir soignés avec des médicaments d’un centre de santé publique, a été condamné à deux ans de prison ferme. « Les médicaments ont toujours été payés par l’Église catholique à titre d’aide humanitaire », atteste pourtant l’évêque d’Oran.
Officiellement, cette loi adoptée en février 2006 visait à garantir « la tolérance et le respect entre les différentes religions ». Dans les faits, elle prévoit une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros), contre toute personne qui « incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ». Révélateur d’une volonté répressive, les représentants des ministères de la Défense et de l’Intérieur, et ceux de la police et de la gendarmerie, sont majoritaires dans la commission chargée de « veiller au respect du libre exercice des cultes ».
« Âmes vendues à Jésus »
Pour les autorités, ce « bouclier spirituel » vise à protéger la société contre « les menées subversives d’évangélistes américains, prélude à une intervention militaire ». Des Rambo du goupillon dont la présence est montée en épingle par la presse national-islamiste, mais que personne n’a jamais rencontrés. En deux mois, une trentaine d’« enquêtes » et autres dossiers ont été consacrés aux « agressions contre l’islam dans sa propre maison ». Ce « prosélytisme », dit-on, aurait déjà converti des dizaines de milliers de jeunes désœuvrés, qui auraient « vendu leur âme à Jésus » pour 5 000 euros ou un visa pour l’étranger ! Même si le nombre total de chrétiens reste symbolique et limité à quelques milliers de fidèles. Le père Gilles Nicolas, du diocèse d’Alger, ne cache pas son inquiétude : « Cette levée de boucliers n’a rien à voir avec le prosélytisme. C’est une lutte idéologique de ceux qui veulent épurer le pays de toute présence non musulmane. »
Sur fond de luttes d’influence dans le sérail, cette « croisade » tend à faire diversion, alors que les partisans du président Bouteflika s’agitent pour imposer une révision à la hussarde de la Constitution, et permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat. Dans la propagande officielle, on stigmatise la Kabylie, de tout temps hostile au régime, comme un « maillon faible en voie d’évangélisation ». Depuis quelques mois, des imams salafistes sont injectés dans la région par le ministère des Affaires religieuses ; leur mission : lutter contre la « menace chrétienne », les « traditions païennes » du cru, et secouer l’islam ancestral des montagnards jugé trop tiède.
Hier, les évêques d’Algérie ont été reçus par le ministre des Affaires religieuses. Ils lui ont remis une lettre exprimant leur inquiétude face aux tracasseries qui ciblent l’Église. Ils ont aussi réaffirmé leur solidarité avec le pasteur protestant Hugh Johnson, menacé d’expulsion. « Après avoir reçu toutes les questions que nous avons exposées, le ministre nous a assuré que l’État n’avait pas la volonté de gêner l’Église catholique », affirme Mgr Teissier.
Le Figaro