Plus encore que les bonnets rouges bretons, le "Peuple des fourches" a fédéré de nombreux contestataires : chômeurs, étudiants, syndicats et groupuscules extrémistes. Ils défilent de Gènes à Bari, de Naples à Milan, de Florence à Vintimille… en attendant de marcher sur Rome.
Mouvement apparu l’an dernier en Sicile, il popolo dei forconi (le peuple des fourches) rassemblait à l’origine des agriculteurs, des pêcheurs et des routiers en colère contre l’austérité du gouvernement de technocrates de Mario Monti.
Sur sa page Facebook, le mouvement se présente aujourd’hui comme "une association d’agriculteurs, de bergers, d’éleveurs fatigués de la politique mise en place par les institution et leur manque d’intérêt envers le peuple". Ce n’est pas tout à fait vrai. A l’instar des bonnets rouges, les Fourches (Forconi) regroupent tous les types de contestataires.
A commencer par les étudiants qui reprochent au gouvernement son inertie en matière d’investissements ciblés. Et puis les routiers, les chômeurs, les vendeurs ambulants et les ultras des équipes de football du Torino et de la Juventus. Sans parler des représentants des galaxies d’extrême-droite comme Forza Nuova, Casa Pound et le Mouvement social européen.
La Digos sur les dents
Le mouvement inquiète les services secrets italiens de la Digos (sécurité intérieure), qui tirent la sonnette d’alarme. Comme chez les bonnets rouges, certains syndicats ont rejoint le mouvement des Fourches. C’est le cas notamment des syndicats autonomes, les Cobas (comités de base) ou des associations de routiers.
En ce qui concerne leurs revendications, là encore, les similitudes sont nombreuses. Les bonnets rouges bretons réclament le droit à l’expérience de l’autonomie régionale, s’inspirant peut-être des modèles introduits en Espagne et en Italie où quatre régions ont un statut spécial, notamment en matière de gestion financière des ressources. Les Fourches parlent à leur façon d’autonomie en réclamant "le droit des peuples à leur souveraineté monétaire et le retour de la démocratie".
Certains demandent l’abandon de l’euro, d’autres un référendum pour instituer une monnaie locale. Sur un point, tous les membres du mouvement sont d’accord : le gouvernement des "faux élus" doit rendre son tablier et des législatives doivent être organisées au plus tôt. Leur slogan est éloquent et efficace : "Bloquons l’Italie et reprenons notre avenir en main".
Gènes, Turin, Florence, Milan... en attendant Rome
L’écho des protestations bretonnes qui a retenti jusqu’à Rome a inspiré les leaders du mouvement. Ils veulent donner une voix aux victimes de la récession - toutes catégories confondues -, en bloquant toute la péninsule, cette semaine, pendant cinq jours de suite. Depuis ce lundi 9 décembre, le programme est serré : défilés dans les grandes villes comme Gênes, Bari, Turin, Naples et Milan, blocus de routiers et pour conclure, une marche sur Rome.
Les routiers, pour leur part, avaient annoncé le blocus total de la péninsule et l’interruption des approvisionnements pour protester conter la loi de stabilité qui pénalise les petits camionneurs. Mais le manque d’adhésion de la profession a fait échouer le blocus. En attendant de marcher sur Rome, ce samedi 14 décembre, pour demander la démission du gouvernement d’unité nationale, le mouvement des Fourches multiplie les manifs.
Le drapeau de la révolution
A Ventimille, ville frontière franco-italienne qui touche Menton, deux cortèges formés d’étudiants et de commerçants ont défilé pour dénoncer les politiques fiscales. A Milan, les manifestants occupent la place Loreto où le cadavre de Benito Mussolini fut pendu par les pieds. A Florence enfin, les manifestants ont traversé le centre historique en criant "nous représentons le drapeau de la révolution".
Du coté de la classe politique, tous les regards sont tournés vers les Fourches. Le comique populiste Beppe Grillo, leader du mouvement 5 étoiles, les soutient : elles pourraient apporter de l’eau à son moulin. A droite, Silvio Berlusconi se dit prêt à rencontrer les représentants du mouvement dont "il comprend la colère dans un contexte économique difficile". Les démocrates tonnent contre les incidents provoqués par les franges extrémistes et promettent de tout mettre en œuvre pour « isoler les éléments subversifs qui menacent la démocratie et veulent détruire le pays en profitant d’un contexte difficile. »
Si les bonnets rouges paraissent s’essouffler en France, les Fourches se prennent à rêver de nouvelles "vêpres siciliennes" [1]
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