Le 10 avril, après avoir décuplé en un peu plus de trois mois, le prix des Bitcoin baissait brutalement de 20% suite à un problème de logiciel de l’entreprise qui gère environ 80% des transactions avec cette monnaie virtuelle. Un avertissement sans frais sur les dangers des monnaies virtuelles.
Les monnaies virtuelles, enfants de la banque libre
Les Bitcoins ont été lancés en 2009. Il y en a environ dix millions en circulation et les créateurs ont annoncé qu’ils limiteraient leur nombre à 21 millions. The Economist affirme que le système de création et d’échange est encore plus sûr que les monnaies réelles et que des entreprises normales commencent à les accepter. L’avantage de ces monnaies virtuelles serait qu’elles réduisent les frais de transaction, notamment pour les échanges internationaux, ce qui aide leur développement.
Néanmoins, l’hebdomadaire britannique souligne également que cette monnaie, utilisée anonymement, est aussi largement utilisée par les organisations criminelles. En outre, sa valeur varie de manière totalement irrationnelle et exubérante puisqu’une même unité, qui valait 15 dollars en début d’année, est montée à plus de 200 dollars courant avril. Bitcoin n’est pas la seule monnaie virtuelle : outre quelques monnaies internes à certaines entreprises (Facebook), deux autres entreprises ont lancé des monnaies concurrentes : Litecoin et surtout Ripple, émis et limités à cent milliards par leurs créateurs.
The Economist évoque le possible développement d’autres monnaies, par exemple Visa. On pourrait aussi penser à des entreprises comme Amazon ou Ebay. Naturellement, se pose la question de la réglementation de ces monnaies : une agence étasunienne s’est emparée de la question mi-mars mais ne donne pas de signe indiquant qu’elle pourrait les interdire. D’une certaine manière, il s’agit d’une renaissance limitée des banques libres, qui émettaient leur propre monnaie.
Des monnaies qu’il faut interdire
Bien sûr, les plus libéraux des libéraux s’enthousiasmeront de cette expérimentation du marché, sans la contrainte étatique. Mais sur le fond, ces monnaies virtuelles posent des problèmes qui justifient largement leur interdiction. Tout d’abord, leur conception, garantissant parfois un anonymat complet, peut permettre le recyclage d’argent sale. Ensuite, il s’agit d’un flux monétaire sur lequel l’Etat a moins de maîtrise, ce qui peut faciliter la désertion fiscale des entreprises qui les utilisent.
Mais surtout, la monnaie est un pilier des sociétés mordernes, à la fois unité nécessaire à l’échange, mais aussi unité de compte qui permet l’épargne ou le prêt. En cela, il est difficile de ne pas comprendre qu’il s’agit d’un service public, qui relève éminemment de l’Etat pour garantir la valeur de cette monnaie. Confier cela au marché aboutit précisément aux errements constatés avec Bitcoin, à savoir une variation totalement erratique de sa valeur, qui peut faire du mal aux citoyens.
En outre, l’exemple de Bitcoin amène à se poser la question de qui profite de la création de ces monnaies virtuelles. En effet, les dix millions d’unités créées ne sont pas gagées sur quoique ce soit. Du coup, il faut reconnaître que quelqu’un profite de la création ex nihilo de ces monnaies et l’absence de régulation en ce domaine pose également problème. Bref, rien ne justifie que de la monnaie soit créé de la sorte par des entreprises privées. C’est l’Etat qui doit gérer la monnaie.
L’expérience Bitcoin montre à nouveau tous les dangers du « laisser-faire » en matière monétaire. Non seulement, les marchés seuls sont incapables d’assurer la stabilité nécessaire à la monnaie, mais les bénéfices de la création de la monnaie doivent rester dans le giron public.