Dans un État catholique, un adversaire politique du système pourrait certes contester les valeurs fondatrices de la société, mais il ne pourrait dénoncer l’inconséquence d’un pouvoir qui entendrait protéger la vie innocente, garantir la stabilité du mariage, encourager la vertu plutôt que le vice ; car un tel pouvoir serait en accord avec les valeurs qu’il proclame.
L’État français, et c’est habituel dans les sociétés décadentes, est frappé d’inconséquence. Il fait de la Déclaration de 1789 la loi suprême, qui dans son article 10 affirme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions » ; or de plus en plus de nos compatriotes n’osent plus penser librement. Il y a quelques années on disait couramment : « Le Pen dit tout haut ce que les Français pensent tout bas ». De fait, de plus en plus de nos compatriotes pensent tellement bas qu’ils finissent par ne plus même oser penser ! Un État qui serait fidèle à l’article 10 devrait non seulement ne pas inquiéter les Français pour leurs pensées, mais, bien au contraire, réprimer ceux qui voudraient empêcher les citoyens de penser en toute liberté.
L’article 11 de la même déclaration proclame : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». S’il est des plus précieux, il doit être des plus protégé. Certes, ce droit n’est pas sans limites, nous, catholiques, sommes les premiers à le reconnaître ; mais en ce domaine, pour qui se réclame de l’idéologie des droits de l’homme, la liberté doit être la règle et la limite l’exception. Or, d’année en année, la liberté s’amenuise et les exceptions se multiplient. De nouveaux dogmes apparaissent : en histoire, en philosophie, en génétique, en biologie… et tout cela au nom des droits de l’homme !
La démocratie suppose un peuple souverain, et donc un citoyen libre de donner son avis, quel qu’il soit, dans le débat politique. Ce débat doit se faire dans le respect des personnes, certes, mais ce n’est pas respecter les personnes que de leur interdire certaines idées. Il ne faut pas empêcher mais convaincre. Autrement le souverain n’est plus le peuple, mais celui qui fixe ce que le peuple peut dire ou penser. D’aucuns nous disent que l’on peut tromper le peuple avec des idées fausses, peut-être ; mais c’est admettre alors que le peuple est faillible et donc reconnaître que la démocratie est un leurre.
Un État démocratique ne doit pas empêcher de penser, mais bien au contraire encourager les citoyens à penser. Cela suppose des auteurs capables de conduire une vraie réflexion personnelle. À l’heure du politiquement correct et du prêt-à-penser, de tels hommes sont rares donc extrêmement précieux. Indubitablement Alain Soral est de ceux-là. Il ne devrait pas être emprisonné, mais décoré.
Ceux qui ont la Déclaration des droits de l’homme à la bouche et font la chasse à tout ce qui ne pense pas comme eux sont des Tartuffes.
Hugues Petit
Président du Conseil scientifique de Civitas
Rédacteur en chef de la revue Civitas