"La révolution ne prend pas de vacances." La phrase de Lénine, slogan officiel de l’édition 2008 du camp des jeunes de la IVe Internationale trotskiste, s’affiche sur tous les tee-shirts. Et pourtant... la piscine découverte, la discothèque et le parterre de tentes multicolores donnent à ces Rencontres internationales de jeunes (RIJ), qui se sont tenues pendant une semaine jusqu’à samedi dernier (article du 5 août 2008, ndlr E&R), des airs de club de vacances.
A quelques kilomètres de Gérone, en Catalogne, l’emplacement exact du campement alternatif est tenu secret "pour des raisons de sécurité". Quelques discrets panneaux marqués "Camp 4" transforment le trajet en jeu de pistes pour le profane. A l’entrée, pas de gentils organisateurs, mais un service d’ordre dont les jeunes membres, talkie-walkie au poing, contrôlent les arrivants. "La Quatre", créée par Léon Trotski il y a soixante-dix ans, et dont fait partie la LCR, propose depuis vingt-cinq ans aux "camarades" en herbe de se retrouver dans un pays d’Europe pour échanger dans un camp "autogéré". Cette année, 550 jeunes en provenance d’une quinzaine de pays, dont un fort contingent de 200 Français, ont fait le déplacement.
Le camping, situé en pleine campagne, est composé d’une bâtisse en pierre et d’une vaste étendue de pelouse brûlée. L’ensemble, plutôt sommaire, est égayé par les banderoles et drapeaux accrochés ici et là. Les classiques "Régularisation de tous les sans-papiers !" ou "Non à la Constitution européenne !", et leurs équivalents dans toutes les langues, le disputent aux pancartes plus originales ("Pour une alimentation égalitaire, consommez moins de viande"). L’engagement s’affiche aussi sur les vêtements, où l’indémodable Che Guevara partage la vedette avec les faucille et marteau en tous genres. Vous êtes venu sans garde-robe militante ? Aucun problème. Vous pouvez vous procurer sur place tee-shirts, badges, stylos siglés. A condition d’avoir des "Poum"*. Grâce à un calcul savant, la monnaie officielle du camp permet aux participants de tous les pays d’avoir le même pouvoir d’achat.
Un rythme effréné
Mais nombre de militants n’ont pas le temps de faire leurs emplettes. Formations, ateliers, commissions, meetings : le marathon commence avec le lever du soleil. Ici, pas de leçons de salsa, mais un cours de "désobéissance civile" ou comment apprendre à "résister à la police lors des manifestations". Le professeur, un transsexuel flamand, apprend à un public motivé les moyens d’éviter de se faire déloger d’une occupation grâce à un tuyau et un mousqueton. La leçon se termine par une course-poursuite police-manifestants, jouée par les jeunes. Mais déjà, il est temps de se rendre à la chorale révolutionnaire où, livret de chants en main, on entonne les classiques, L’Internationale, Bella Ciao, Hasta Siempre — Che Guevara.
Autour de la piscine, les militants lisent Convergences révolutionnaires, Rouge et le meilleur de Karl Marx. Une militante a bien un Cosmo, mais il reste dissimulé dans son sac. Dans l’eau, les jeunes trotskistes lancent le ballon en chantant des slogans contre la guerre en Irak. Elsa, elle, se contente de barboter : "Parfois, on a besoin d’aller se détendre, sinon ça n’est plus possible de prendre part au débat." Et la militante LCR de 20 ans de s’esclaffer : "Après tout, on est pour la semaine de 32 heures !" A l’inverse, Elodie, 24 ans, qui vient de faire son entrée au NPA (le Nouveau Parti anticapitaliste, lancé par Olivier Besancenot), est "frustrée" : "Il y a tellement de débats intéressants qu’on ne peut pas assister à tout." Mais elle a du mal à garder les paupières ouvertes. Comme beaucoup de "nouveaux" du NPA, elle peine à suivre le rythme effréné de la semaine.
L’orientation sexuelle mise en avant
Il est vrai qu’aux RIJ, la politique ne s’arrête pas avec le coucher du soleil. Ici, même les fêtes sont des "lieux d’expérimentation". Ainsi, la journée sur le féminisme est clôturée par une "fête femmes", non mixte. A l’abri des regards mâles, dans un espace fermé, les femmes jouent et dansent entre elles pour leur "permettre de se libérer de la pression des hommes et déconstruire les normes de la société patriarcale", explique Fanny, 22 ans, membre de la direction féministe du camp. "Nous avons fait un concours, un relais boisson, je n’avais jamais vu des filles se conduire de cette manière. On aurait presque dit des mecs !" jure Catherine, 21 ans, enchantée par l’expérience.
Le lendemain soir, l’exercice de "déconstruction des normes" se poursuit avec la soirée LGBT (lesbiennes-gays-bi-transsexuelles). Objectif : découvrir qu’"une autre sexualité est possible". Pour cette nuit, les couples hétérosexuels sont priés de ne pas s’afficher. Au rythme des tubes, les anticapitalistes se trémoussent en se faisant passer des glaçons de bouche en bouche. Au final, le bilan de la fête sera mitigé : "Beaucoup de camarades n’ont pas vraiment joué le jeu", confie Robin, maquillé comme une femme pour l’occasion. Mathilde, membre du bureau national des JCR (Jeunesses communistes révolutionnaires), en convient : "Nous ne pouvons pas créer la société de nos rêves en une semaine, dans un camping. Pour cela, il faudra attendre la révolution."
Source : http://www.lejdd.fr
* De l’acronyme du Parti ouvrier d’unification marxiste, organisation révolutionnaire active lors de la guerre civile espagnole en 1936.
A quelques kilomètres de Gérone, en Catalogne, l’emplacement exact du campement alternatif est tenu secret "pour des raisons de sécurité". Quelques discrets panneaux marqués "Camp 4" transforment le trajet en jeu de pistes pour le profane. A l’entrée, pas de gentils organisateurs, mais un service d’ordre dont les jeunes membres, talkie-walkie au poing, contrôlent les arrivants. "La Quatre", créée par Léon Trotski il y a soixante-dix ans, et dont fait partie la LCR, propose depuis vingt-cinq ans aux "camarades" en herbe de se retrouver dans un pays d’Europe pour échanger dans un camp "autogéré". Cette année, 550 jeunes en provenance d’une quinzaine de pays, dont un fort contingent de 200 Français, ont fait le déplacement.
Le camping, situé en pleine campagne, est composé d’une bâtisse en pierre et d’une vaste étendue de pelouse brûlée. L’ensemble, plutôt sommaire, est égayé par les banderoles et drapeaux accrochés ici et là. Les classiques "Régularisation de tous les sans-papiers !" ou "Non à la Constitution européenne !", et leurs équivalents dans toutes les langues, le disputent aux pancartes plus originales ("Pour une alimentation égalitaire, consommez moins de viande"). L’engagement s’affiche aussi sur les vêtements, où l’indémodable Che Guevara partage la vedette avec les faucille et marteau en tous genres. Vous êtes venu sans garde-robe militante ? Aucun problème. Vous pouvez vous procurer sur place tee-shirts, badges, stylos siglés. A condition d’avoir des "Poum"*. Grâce à un calcul savant, la monnaie officielle du camp permet aux participants de tous les pays d’avoir le même pouvoir d’achat.
Un rythme effréné
Mais nombre de militants n’ont pas le temps de faire leurs emplettes. Formations, ateliers, commissions, meetings : le marathon commence avec le lever du soleil. Ici, pas de leçons de salsa, mais un cours de "désobéissance civile" ou comment apprendre à "résister à la police lors des manifestations". Le professeur, un transsexuel flamand, apprend à un public motivé les moyens d’éviter de se faire déloger d’une occupation grâce à un tuyau et un mousqueton. La leçon se termine par une course-poursuite police-manifestants, jouée par les jeunes. Mais déjà, il est temps de se rendre à la chorale révolutionnaire où, livret de chants en main, on entonne les classiques, L’Internationale, Bella Ciao, Hasta Siempre — Che Guevara.
Autour de la piscine, les militants lisent Convergences révolutionnaires, Rouge et le meilleur de Karl Marx. Une militante a bien un Cosmo, mais il reste dissimulé dans son sac. Dans l’eau, les jeunes trotskistes lancent le ballon en chantant des slogans contre la guerre en Irak. Elsa, elle, se contente de barboter : "Parfois, on a besoin d’aller se détendre, sinon ça n’est plus possible de prendre part au débat." Et la militante LCR de 20 ans de s’esclaffer : "Après tout, on est pour la semaine de 32 heures !" A l’inverse, Elodie, 24 ans, qui vient de faire son entrée au NPA (le Nouveau Parti anticapitaliste, lancé par Olivier Besancenot), est "frustrée" : "Il y a tellement de débats intéressants qu’on ne peut pas assister à tout." Mais elle a du mal à garder les paupières ouvertes. Comme beaucoup de "nouveaux" du NPA, elle peine à suivre le rythme effréné de la semaine.
L’orientation sexuelle mise en avant
Il est vrai qu’aux RIJ, la politique ne s’arrête pas avec le coucher du soleil. Ici, même les fêtes sont des "lieux d’expérimentation". Ainsi, la journée sur le féminisme est clôturée par une "fête femmes", non mixte. A l’abri des regards mâles, dans un espace fermé, les femmes jouent et dansent entre elles pour leur "permettre de se libérer de la pression des hommes et déconstruire les normes de la société patriarcale", explique Fanny, 22 ans, membre de la direction féministe du camp. "Nous avons fait un concours, un relais boisson, je n’avais jamais vu des filles se conduire de cette manière. On aurait presque dit des mecs !" jure Catherine, 21 ans, enchantée par l’expérience.
Le lendemain soir, l’exercice de "déconstruction des normes" se poursuit avec la soirée LGBT (lesbiennes-gays-bi-transsexuelles). Objectif : découvrir qu’"une autre sexualité est possible". Pour cette nuit, les couples hétérosexuels sont priés de ne pas s’afficher. Au rythme des tubes, les anticapitalistes se trémoussent en se faisant passer des glaçons de bouche en bouche. Au final, le bilan de la fête sera mitigé : "Beaucoup de camarades n’ont pas vraiment joué le jeu", confie Robin, maquillé comme une femme pour l’occasion. Mathilde, membre du bureau national des JCR (Jeunesses communistes révolutionnaires), en convient : "Nous ne pouvons pas créer la société de nos rêves en une semaine, dans un camping. Pour cela, il faudra attendre la révolution."
Source : http://www.lejdd.fr
* De l’acronyme du Parti ouvrier d’unification marxiste, organisation révolutionnaire active lors de la guerre civile espagnole en 1936.