Son nom est Ali Bin Mussallam. Sur ses rares photos, il porte indifféremment le « thobe », la longue tunique blanche des pays du Golfe, ou le strict costume noir des hommes d’affaires occidentaux.
Décédé en 2004 à Genève dans des conditions assez floues, ce Saoudien d’origine yéménite, paré du titre de « grand chambellan », était l’homme des « missions difficiles » du roi Fahd d’Arabie saoudite.
Au milieu des années 80, son nom apparaît dans les ramifications saoudiennes du scandale américain de l’Irangate où la BCCI, une sulfureuse banque pakistanaise, joue un rôle central. En 2002, « Cheikh Ali » est l’objet d’une note de l’administration américaine du Trésor qui le désigne comme l’un des pourvoyeurs de fonds d’Oussama Ben Laden quand celui-ci combattait contre les Russes en Afghanistan.
Fin 1994, le richissime Saoudien, pro-priétaire à Paris du palace Prince de Galles, est l’homme clé de Sawari 2, le colossal contrat d’armement (près de 3 milliards d’euros) signé par la France avec l’Arabie saoudite pour la vente de trois frégates lance-missiles. Curieusement, dans Sawari 2, on retrouve à peu près les mêmes intervenants – la DCN, Direction des constructions navales, et le « réseau K » de deux autres intermédiaires moyen-orientaux – que dans le marché des trois sous-marins Agosta (800 millions d’euros) vendus deux mois plus tôt par le gouvernement Balladur au Pakistan.
85 % des commissions du contrat pakistanais avaient déjà été encaissées
L’affaire se corse début 1996 quand Jacques Chirac, nouvellement installé à l’Elysée, décide de tirer un trait sur les commissions occultes des contrats Sawari 2 et Agosta. Ali Bin Mussallam est la victime numéro 1 de ce grand ménage. D’une part en raison des sommes en jeu, bien plus importantes dans Sawari 2 que dans Agosta. Ensuite parce que le Saoudien n’avait alors reçu qu’une partie de ses « frais commerciaux ». Tandis que Mercor Finance, la société panaméenne des intermédiaires du contrat pakistanais, avait déjà encaissé 85 % des commissions prévues.
L’attentat de Karachi, le 8 mai 2002 – trois jours après la réélection de Jacques Chirac –, pourrait-il avoir été commandité par certains de ces intermédiaires, mécontents de ne pas avoir touché leurs commissions ? « L’hypothèse est plausible tant le monde très discret de l’intermédiation commerciale est parfois dur », estime Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission parlementaire sans toutefois prendre parti. Cette possibilité figure aussi dans « Le contrat » (éd. Stock), le livre-choc publié ce jeudi par les journalistes de Mediapart Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme. Auditionné par les parlementaires, Frédéric Bauer, l’ancien policier mandaté pour bloquer les versements occultes, va plus loin. Pour lui, « s’il y avait un lien entre les commissions et l’attentat de Karachi, ce sont celles de Sawari 2.