Le NDAA (National Defense Authorization Act ) sera-t-il à l’attentat de Boston ce que le Patriot Act fut pour la catastrophe du 11 Septembre ? Qui sait…
Précisons que l’acte criminel qui a frappé le marathon de Boston endeuille les États-Unis alors que le débat fait rage autour de la section 1021 de la loi de l’année fiscale 2012 du gouvernement fédéral américain, destinée à établir le budget du Département de la Défense US pour la période, certains de ces opposants y voyant une grave atteinte à la démocratie voire une étape dangereuse vers la création d’un État arbitraire outre-Atlantique.
Rappelons qu’en décembre 2011, Barack Obama a ratifié la section 1021 du projet de loi intitulé National Defense Authorization Act (NDAA), lequel donne au final pouvoir au gouvernement fédéral de mettre et de garder en détention pour une durée indéfinie n’importe quelle personne, y compris des citoyens américains… Pas de procédure régulière, pas d’accès à un avocat, les détenus ne disposant d’aucun élément leur permettant même de savoir s’ils seront à nouveau libres un jour …
En effet, cette partie du NDAA fait table rase de certaines des protections constitutionnelles les plus importantes. Elle permet ainsi au pouvoir exécutif d’ordonner l’arrestation de tout citoyen US soupçonné d’activités terroristes ou d’association avec des terroristes. (Vous commencez à comprendre le lien avec Boston ?)
Les personnes placées en garde-à-vue par l’armée – désormais chargée de faire respecter la législation nationale soit dit en passant – peuvent perdre leur droit à une procédure et à un habeas corpus réglementaires, et être maintenues en détention pour une durée indéfinie dans les bâtiments… de l’armée.
Cette loi permet de menacer activistes et dissidents, dont les droits étaient jusque-là protégés par le Premier Amendement, d’une incarcération à durée indéterminée dans les prisons militaires, y compris dans les colonies pénitentiaires maritimes. D’où la référence à Guantanamo établie par certains opposants.
L’intitulé de la loi lui-même, « the Homeland Battlefield Bill » (loi sur le champ de bataille de la Patrie) affiche un air de totalitarisme qui ne présage rien de bon. Permettant de faire fi des droits les plus élémentaires sous prétexte que ladite patrie soit en danger…
Dans le cadre du procès intenté par le journaliste Chris Hedges, les avocats Me Carl J. Mayer et Me Bruce I. Afran à l’encontre du président Barack Obama et de son secrétaire de la Défense, Leon Panetta, Me Mayer a quant à lui déclaré que « l’objectif principal du NDAA est de créer un système judiciaire violant la séparation des pouvoirs ». Estimant que « l’administration Obama a retiré la détention de la branche judiciaire pour la placer sous la responsabilité de la branche exécutive ».
En mai 2012, la juge Katehrine Forrest, chargée du dossier a rendu une ordonnance annulant temporairement la section 1021, en raison de sa violation des Premier et Cinquième Amendements de la constitution. Ordonnance rendue par la suite permanente le 12 septembre dernier.
Précisons que l’administration Obama a fait appel contre la première ordonnance de Mme Forrest… preuve s’il en est, pour certains, que cette administration n’agira pas en faveur de la protection des droits constitutionnels des citoyens US.
Le journaliste Chris Hedges note par ailleurs :
« L’échec supplémentaire de l’administration à restaurer le habeas corpus, son utilisation de l’Espionage Act à six reprises pour faire taire les lanceurs d’alarme du gouvernement, son soutien au FISA Amendment Act “qui permet de mettre sur écoute téléphonique, de surveiller et d’écouter les conversations privées des citoyens états-uniens sans aucune justification”, ainsi que son ordre d’assassiner des concitoyens en vertu de l’Authorization to Use Military Force (AUMF) de 2001, montrent que malgré toute sa rhétorique, B. Obama, à l’instar de ses adversaires républicains, est déterminé à supprimer tout obstacle se dressant devant le pouvoir illimité de l’état sécuritaire et de surveillance. »
Éléments importants à noter alors que l’attentat de Boston n’a toujours pas été revendiqué : toujours selon Chris hedges, correspondant à l ’étranger pendant près de 15 ans de The Christian Science Monitor, National Public Radio, The Dallas Morning News et du New York Times « le projet de loi est rédigé de manière extrêmement vague ». Il définit la « personne concernée, sujette à détention » comme « toute personne ayant fait partie de ou ayant soutenu de manière significative Al-Qaïda, les Talibans, ou n’importe quelle autre force associée engagée dans des hostilités à l’égard des États-Unis ou de ses alliés, en ce compris toute personne ayant commis un acte de belligérance ou ayant soutenu de manière directe les dites hostilités en faveur de telles forces ennemies ».
Le projet de loi s’abstenant de donner plus amples précisions quant à la teneur des termes « ayant soutenu de manière significative », « ayant soutenu de manière directe » ou « n’importe quelle autre force associée ». Au mépris de nombreuses lois établies concernant le maintien de l’ordre interne, n’importe quel membre d’un groupe soupçonné par le gouvernement d’être une organisation terroriste pourrait être saisi et détenu par l’armée. Or, le flou régnant autour des « justifications » et « motivations » de l’attentat de Boston permet – élément notable et non des moindres – de ramener dans le « droit chemin » et donc du côté de l’administration Obama toute brebis « égarée » qui aurait pu s’effrayer de tant d’arbitraires et du pouvoir accru de l’exécutif… L’absence de toute référence à une éventuelle implication d’Al-Qaïda, de taliban ou autres groupes terroristes internationaux permettant de démontrer aux citoyens US que le danger peut être partout… et qu’il est donc justifié de se méfier de tout le monde… voire même d’emprisonner tout présumé coupable sans autre forme de procès… qui plus est avec le soutien de l’armée… puisque la patrie est en danger. Et par la même tout citoyen US, ce dernier étant extrêmement vulnérable en tant que représentant de ladite patrie aux yeux des terroristes.
Rappelons que la définition que donnait le département de la Justice d’un terroriste potentiel dans le Patriot Act – récemment jugé inconstitutionnel par la justice américaine – était déjà extrêmement large. Incluant tout individu ayant des doigts manquants, possédant des munitions et des armes à feu imperméables ou ayant accumulé de quoi se nourrir pendant plus d’une semaine…
Or, simple hasard de calendrier ? Le 9 avril dernier, le comité chargé de la sécurité publique de l’Assemblée de l’État de Californie a approuvé à l’unanimité un projet de loi préservant le droit fondamental des Californiens à une procédure régulière et à l’habeas corpus.
Le texte, AB 351, déposé par le député Tim Donelly garantit le droit aux citoyens de l’État de Californie de s’affranchir de toute loi fédérale qui autoriserait leur détention indéfinie en violation de l’habeas corpus, y compris le National Defense Authorization Act (NDAA). Ce qui a le mérite d’être clair… Connu sous le nom de California Liberty Preservation Act, le texte est soutenu par une coalition réunissant plusieurs courants politiques tels que Taxpayers for Improving Public Safety (Contribuables pour l’amélioration de la sécurité publique), Bill of Rights Defense Committee, le Comité sur l’Amendement n°10, California American Civil Liberties Union.
Si l’amendement est approuvé, le projet de loi permettra de faire bouclier contre les assauts de l’État fédéral menaçant la garantie constitutionnelle des libertés civiles individuelles.
Dans un communiqué de presse publié après l’approbation de son projet de loi par le Comité, le député Donnelly a reconnu « son devoir de résister aux tentatives de Washington de dénier aux Américains leurs droits aux libertés les plus basiques ».
Selon Donnelly, le NDAA donne au pouvoir exécutif – non seulement à Barack Obama mais également à tout futur président américain – un pouvoir sans précédent de maintenir en détention des citoyens US sans aucune forme de procès. Selon lui, « cela va à l’encontre des principes mêmes qui rendent l’Amérique grande, et viole l’engagement de notre pays à la primauté du droit ». « Quand protections constitutionnelles sont ignorées, l’hystérie raciste permet que des groupes vulnérables soient ciblés », a-t-il par ailleurs ajouté.
Mais la Californie n’est pas le seul État à réagir par rapport au « totalitarisme » du NDAA.
Dans le Montana, l’Assemblée de l’État a voté à l’unanimité un projet de loi (HB522) visant à interdire à toutes instances dudit État de fournir un « soutien matériel » ou « de participer à la mise en œuvre » des dispositions sur la détention indéfinie de la NDAA. Le Sénat de l’État du Michigan a quant lui établi un même projet de loi. Lequel a fait l’objet d’un examen le 9 avril dernier par un Comité de l’Assemblée. En 2012, le gouverneur de Virgine, Bob McDonnell a signé l’adoption d’une loi allant dans le même sens. En mars dernier, le Conseil des Superviseurs de San Fransisco a adopté à l’unanimité une résolution basée sur des principes similaires, incluant notamment le refus de se conformer au texte fédéral.
Au final, si ces projets de loi sont adoptés, un nombre de plus en plus important d’États feront sécession. Selon les analystes, la position des États de Californie et du Texas devraient créer des ondes de choc et pousser d’autres États à les suivre. Rendant de plus en plus difficile à l’État fédéral de maintenir en détention pour une durée indéterminée…
À moins que des attentats (à Boston…), des catastrophes (dans une usine d’engrais de même type que celle d’AZF à Toulouse), des courriers suspects aux relents d’Anthrax ne changent la donne, « permettant » ainsi de justifier devant les citoyens US la nécessité d’instaurer de lois autorisant à incarcérer toute personne suspectée de les mettre en danger, en tant que représentants de la patrie. Tuant ainsi toute notion de présomption d’innocence …
Elisabeth Studer, 18 avril 2013
Sources : The New American, Tenth Amendement Center, Chris Hedges , Resistance71