L’ex-cadre de l’établissement financier suisse Reyl Pierre Condamin-Gerbier, témoin dans l’affaire Cahuzac, a été arrêté en Suisse début juillet, peu après avoir affirmé avoir remis à la justice française des informations sur des personnalités ayant détenu un compte en Suisse.
Dans un mail à l’AFP, le ministère public de la Confédération helvétique a indiqué que M. Condamin-Gerbier avait été arrêté le 5 juillet et placé en détention provisoire, précisant qu’une instruction avait été ouverte.
Dans un communiqué, la banque Reyl avait auparavant annoncé le dépôt d’une plainte le 17 juin contre M. Condamin-Gerbier notamment pour vol, falsification de document (faux dans les titres) et violation du secret professionnel et commercial. Cette plainte est également déposée au nom de sa filiale Reyl Private Office.
Les nombreuses déclarations mensongères maintenues en dépit des démentis catégoriques de la Banque, la falsification d’un mémorandum interne de Reyl Private Office, et sa remise à un média français, n’ont laissé d’autre choix à la banque que de sortir de sa réserve et d’agir à l’encontre de Pierre Condamin-Gerbier, avait ajouté l’établissement qui avait indiqué avoir déposé tous les éléments de preuve auprès du ministère public de la Confédération.
L’arrestation de M. Condamin-Gerbier est intervenue deux jours après son audition par la commission d’enquête parlementaire française sur l’affaire Cahuzac.
Il avait alors affirmé aux députés français avoir transmis la veille à la justice les éléments d’informations dont il avait fait état dans les médias sur des personnalités ayant détenu un compte en Suisse.
En 20 ans d’expérience, j’ai été le témoin direct ou indirect d’un certain nombre de dossiers – j’aime peu la terminologie de liste car s’il s’agit de sortir une feuille A4 avec 15 noms dessus, cela ne vaut que le papier sur lequel c’est imprimé, avait-il précisé.
Il s’agit de dossiers techniques et, vu la sensibilité de certains des noms inclus, les praticiens ont fait preuve d’une volonté d’obscurité importante et donc l’écheveau pour les enquêteurs est très complexe. Il a donc fallu faire un travail qui continue de mise en relation, de consolidation, de liens de ces informations pour qu’elles soient exploitables par la justice, avait déclaré M. Condamin-Gerbier.
Une source proche de l’enquête avait confirmé que le responsable financier n’avait pas, à proprement parler, transmis une liste de noms de détenteurs de comptes aux juges d’instruction chargés de l’enquête.
M. Condamin-Gerbier avait affirmé en juin devant des sénateurs disposer d’une liste d’une quinzaine de noms d’ex-ministres ou d’actuels ministres détenteurs d’un compte en Suisse, estimant que l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac n’était qu’un fusible.
Une information judiciaire a été ouverte fin mai pour blanchiment de fraude fiscale visant l’établissement Reyl à la suite des déclarations de M. Condamin-Gerbier, entendu comme témoin dans l’affaire Cahuzac.
Elle est instruite par les juges parisiens Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui conduisent déjà l’enquête Cahuzac.
Devant les députés, M. Condamin-Gerbier avait refusé de dévoiler les noms des personnes pouvant figurer sur cette liste, estimant qu’elle était désormais du seul ressort de la justice et que des gens sont juges et parties à l’intérieur du Parlement.
M. Cahuzac a démissionné en mars après avoir reconnu avoir menti sur l’existence d’un compte bancaire secret à l’étranger.
La principale hypothèse est que le compte de M. Cahuzac a été ouvert en 1992 dans l’agence de la banque UBS de Genève, puis que les fonds ont été transférés à la fin des années 1990 chez Reyl avant d’être déplacés en 2009 à Singapour, par Reyl, chez Julius Baer.
Revoir l’audition de Pierre Condamin-Gerbier au Sénat le 12 avril 2013 :