« Il était agréable, plein d’énergie. On l’a cru, ajoute Gisèle Delamare. On s’est dit que c’était formidable, qu’on repartait pour très longtemps ». Mais à peine dix mois plus tard, l’homme d’affaires ferme plusieurs usines, dont celle de Lisieux, malgré une grève d’une semaine de l’ensemble des salariés. Dans cette ville normande, 244 personnes se retrouvent sans emploi. L’action de Wonder, elle, a pris 560 % en quelques mois, relate France 3 Normandie. Gisèle Delamare estime qu’elle et les salariés de Wonder ont été victimes d’une « trahison » de Bernard Tapie, et dénonce son « manque d’honnêteté ». « On a été très déçus », se rappelle-t-elle.
Avec Tapie, très enjôleur, très bon vendeur, les ouvriers français naïfs ont découvert dans les années 80, celles de la crise industrielle, le vrai capitalisme financier. Celui qui se fout des gens et qui gagne des montagnes de fric sur la mort sociale d’une ville, d’une région.
Tapie n’a jamais été un créateur de richesses, seulement de chômage. Comme le frigo produit de la chaleur dehors pour faire du froid dedans, Tapie produisait du chômage pour enrichir son compte en banque et son pouvoir. La télé faisait le reste, pour nettoyer et consolider son image de sauveur.
Hélas, plus tordus que lui, les socialistes de l’époque l’ont utilisé (contre le FN et avec l’OM, le club très populaire qui cartonne au niveau européen), enrichi, pressuré, puis balancé à la déchetterie sociale. On est toujours le naïf de quelqu’un, dans l’hypercapitalisme. Sarkozy et Lagarde lui permettront de récupérer près d’un demi-milliard, mais à quel prix...
La cour d’appel de Paris a reporté au 24 novembre sa décision dans l’affaire de la revente d’Adidas par le Crédit Lyonnais. Les héritiers de Bernard Tapie, décédé le 3 octobre dernier, ont quatre mois pour décider s’ils acceptent ou renoncent à l’héritage : trois maisons, 607 millions d’euros de dettes, 90 000 euros d’intérêts par jour et une foule de procédures judiciaires… (Marianne)
André Bercoff, lui, reste un fidèle tapiste :
Des louanges pour l’homme, mais aussi quelques coups de griffe pour l’entrepreneur. De nombreux Français et personnalités honorent la mémoire de Bernard Tapie depuis sa mort, dimanche 3 octobre, à l’âge de 78 ans. Ils saluent son audace, son panache, sa personnalité entière. Emmanuel Macron a même estimé que « l’ambition, l’énergie et l’enthousiasme » de l’ancien président de l’OM « furent une source d’inspiration pour des générations de Français ».
Mais d’autres se montrent plus mesurés. Notamment d’anciens salariés d’entreprises rachetées, puis revendues par l’homme d’affaires, où il n’a pas forcément laissé un souvenir agréable : Manufrance, Terraillon, Wonder, Testut, Look, Adidas… L’ancien ministre de la Ville de François Mitterrand a acquis de nombreuses sociétés durant sa carrière, laissant parfois des salariés déçus par ses engagements non tenus et ses méthodes de management. Franceinfo donne la parole à ces anciens employés.
Chez Wonder, « il a trahi les gens »
En 1984, Bernard Tapie rachète cette entreprise française basée à Lisieux (Calvados), pour 30 millions de francs. La société, spécialisée dans la production de piles, est alors en difficulté depuis deux ans. Le personnel se montre enthousiaste de l’arrivée du nouveau patron, se souvient Gisèle Delamare, alors employée administrative. « On était ravis quand on l’a vu arriver. On a cru voir le messie », raconte-t-elle à franceinfo.
« Nous mettrons les moyens qu’il faut pour que [l’entreprise] de Lisieux fonctionne. Je ne suis pas inquiet pour l’avenir de Wonder. Je suis sûr que l’an prochain, nous ferons de l’argent », affirme Bernard Tapie en novembre 1984, rapporte Actu.fr.
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L’alliance de Bernard Tapie avec Bouygues lui permet de racheter Saft-Mazda en 1985 et d’élargir le groupe. La même année, la fermeture du siège historique de Wonder, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), est annoncée : 270 personnes doivent être licenciées. En 1988, l’homme d’affaires se lance en politique. Il revend alors Saft-Mazda-Wonder à l’Américain Ralston Energy Systems, devenu Energizer. Au passage, Bernard Tapie récupère 480 millions de francs.
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Chez Testut, « il fonçait dans le tas, ce qui n’a pas plu à certains »
Bernard Tapie prend les commandes de Testut, une entreprise spécialisée dans le matériel de pesée, pour un franc symbolique, en 1983. Comme souvent, il impressionne. « Un personnage comme celui-là, qu’on l’aime ou pas, on ne peut qu’en être qu’admiratif. On se dit : “Mince, si j’avais son bagout, je pourrais faire des choses extraordinaires” », se souvient auprès de franceinfo Richard Attagnant, responsable syndical Force ouvrière chez Testut de 1977 à 2003. « En face-à-face, je l’ai vu retourner des gens qui le détestaient en arrivant », ajoute-t-il.
Mais les méthodes de Bernard Tapie créent de la crispation. « Il fonçait dans le tas, ce qui n’a pas plu à certains », relate Richard Attagnant. L’homme d’affaires pouvait aussi facilement se montrer « familier » ou « grossier » avec le personnel. Sur le front de l’emploi, des salariés sont licenciés dès l’année de son arrivée : 46 en mai, 56 en juillet, rappelait un député communiste en 1995, alors qu’il s’était engagé à maintenir les 300 emplois de Béthune (Pas-de-Calais) et à créer deux ateliers. Certains n’ont pas retrouvé d’emploi et en veulent toujours à Bernard Tapie, près de quarante ans après. « J’ai reçu des e-mails hargneux » après l’annonce de la mort de l’ancien ministre, relate Richard Attagnant.
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