Des chercheurs français ont fait tester des milliers de produits en laboratoire, analysé les données fournies par plusieurs agences expertes et croisé leurs résultats avec les déclarations de consommations alimentaires d’environ 100 000 concitoyens.
Leurs résultats ont été publiés dans la revue scientifique Scientific Reports et sont sans appel : nous consommons en moyenne 155,5 milligrammes d’additifs par jour et par kilogramme de poids corporel, soit pour le poids moyen de 72,4 kg, la moyenne quotidienne de 11,3 grammes d’additifs (l’équivalent de deux carrés de sucre par jour) soit donc 4 kg par an. Pire, les 5 % de Français les plus exposés (malbouffe, en particulier chez les jeunes et les classes sociales défavorisées) en ingèrent en moyenne 25 grammes par jour, soit près de 10 kilogrammes par an.
Parmi les additifs ingérés le plus fréquemment, on retrouve l’acide citrique, sans danger connu, l’amidon modifié, dont certaines formes sont suspectées de favoriser les maladies rénales et cardiovasculaires, mais aussi les mono- et diglycérides d’acides gras (E471), le nitrite de sodium (E250), le glutamate de sodium (E621) ou encore les di-, tri- et polyphosphates (E450, E451 et E452), tous potentiellement dangereux.
Une traduction E&R
Les additifs alimentaires (par exemple les édulcorants artificiels, les émulsifiants, les colorants, etc.) sont ingérés quotidiennement par des milliards d’individus. Des résultats inquiétants, provenant principalement d’études expérimentales sur des animaux et/ou des cellules, ont récemment émergé, suggérant des effets néfastes potentiels de plusieurs additifs largement consommés.
Les profils d’exposition aux additifs ainsi que l’impact potentiel à long terme d’une exposition multiple sur la santé humaine sont peu documentés. Ce travail visait à estimer la consommation habituelle d’additifs alimentaires parmi les participants de la cohorte française NutriNet-Santé et à identifier et décrire les profils d’exposition (substances uniques et mélanges).
Au total, 106 489 adultes de l’étude de cohorte française NutriNet-Santé (2009 à maintenant) ont été inclus. La consommation de 90 additifs alimentaires principaux a été évaluée à l’aide d’enregistrements alimentaires répétés sur 24 heures comprenant des informations sur les marques des produits commerciaux. Les informations qualitatives (présence/absence) de chaque additif dans les produits alimentaires ont été déterminées en utilisant 3 bases de données de composition à grande échelle (OQALI, Open Food Facts, GNPD), en tenant compte de la date de consommation du produit.
Les doses quantitatives ingérées ont été estimées en combinant des tests de laboratoire sur des matrices alimentaires (n= 2677) et des données de l’EFSA et du JECFA. L’exposition a été estimée en mg par kg de poids corporel par jour. Les profils d’exposition aux mélanges d’additifs alimentaires ont été extraits à l’aide d’une factorisation matricielle non négative (NMF) suivie d’un partitionnement en k-moyennes et d’un Graphical Lasso (terme technique de statistique - NDT).
La comparaison sociodémographique et alimentaire des groupes de participants a été effectuée par des test du χ² ou des régressions linéaires. Les données ont été pondérées en fonction du recensement national.
Résultats
Quarante-huit additifs étaient consommés par plus de 10% des participants, les amidons modifiés et l’acide citrique étant consommés par plus de 90%.
Le top 50 comprenait également plusieurs additifs alimentaires dont les effets négatifs potentiels sur la santé ont été suggérés par des études expérimentales récentes : lécithines (86,6% des consommateurs), mono- et diglycérides d’acides gras (78,1%), carraghénane (77,5%), nitrite de sodium (73. 9 %), di-, tri- et polyphosphates (70,1 %), sorbate de potassium (65,8 %), métabisulfite de potassium (44,8 %), acésulfame K (34,0 %), cochenille (33,9 %), nitrate de potassium (31,6 %), sulfate d’ammoniaque caramel (28,8 %), bixine (19,5 %), glutamate monosodique (15,1 %) et sucralose (13,5 %).
Nous avons identifié et décrit cinq groupes de participants plus spécifiquement exposés à cinq mélanges d’additifs distincts et un groupe supplémentaire rassemblant des participants globalement peu exposés aux additifs. Les additifs alimentaires, y compris plusieurs d’entre eux pour lesquels les problèmes de santé sont actuellement débattus, étaient largement consommés dans cette étude basée sur la population. En outre, les principaux mélanges d’additifs ont été identifiés. Leur impact sur la santé et leurs effets cocktail potentiels devraient être explorés dans de futures études épidémiologiques et expérimentales.
L’étude complète est consultable sur le site de Nature