Ce reportage de France 24 est révélateur de l’importance sous-estimée du front musical. Si la guerre doit toujours se gagner avec des fantassins sur le terrain, les soldats ne peuvent se battre sans le soutien de leur population. Ainsi la guerre se gagne-t-elle aussi et surtout dans les opinions publiques.
À l’heure d’Internet, ce front est bien connu des décideurs qui contrôlent soigneusement toute forme d’expression musicale et il est impossible d’organiser un concert de musique dissidente depuis des décennies. Les groupes de RIF (rock identitaire français) s’en souviennent : depuis l’attentat à la bombe de Vitrolles en 1998, traques et attaques des antifas, jusqu’aux interdictions récentes du chanteur Millésime K.
Dans le répertoire classique, alors que la musique instrumentale n’exprime pas d’idéologie, avec la guerre en Ukraine, on a vu se multiplier les interdictions de musiciens russes et les déprogrammations de compositeurs russes.
Ce reportage s’en prend à Shaman, un chanteur russe inconnu dans l’ouest de l’Europe, où il n’a jamais été en tournée. La promotion qui lui est ainsi faite est révélatrice de son audience en Russie, mais aussi à l’international.
Au début de l’« opération spéciale », il avait lancé la chanson Levons-nous, qui a immédiatement connu un énorme succès au point d’être reprise par d’autres artistes, des chorales ou des soldats (elle affiche actuellement 44 millions de vues sur YouTube).
Il a lancé un nouveau titre patriotique remarqué par les journalistes de France 24 car il est explicite : Я русский (Je suis Russe).
En septembre 2022, le chanteur avait été choisi pour lancer l’hymne russe sur la place Rouge avec Vladimir Poutine.
Les Russes n’innovent pas, ils ne font que reprendre un usage séculaire déjà exploité pendant la Révolution française et à l’origine de notre hymne national. En réponse, les journalistes se contentent de dénoncer, accordant une légitimité et une reconnaissance à la chanson russe. Or la chanson est un moyen d’expression, elle engage un dialogue. Il faut donc y répondre par d’autres chansons, mais à l’Ouest les créations musicales ne semblent pas exister. Quelles chansons soutiennent les soldats ukrainiens et les armées qui les équipent ? La mobilisation des opinions publiques à l’Ouest se limite à la censure et la dénonciation. Un aveu de faiblesse ?
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