Plus de 2 100 militaires américains et 1 080 engagés sous la bannière de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) ont perdu la vie en Afghanistan depuis 2001. Ce bilan n’a pourtant pas empêché le président afghan, Hamid Karzaï, de tenir des propos pour le moins polémique, au lendemain de deux attentats suicide perpétrés le 9 mars par les taliban, l’un à Kaboul, lors d’une visite du nouveau chef du Pentagone, Chuck Hagel, l’autre à Khost (est du pays).
« Nous voulions envoyer le message que nous sommes toujours capables de viser Kaboul, même quand un responsable de haut rang de la Défense américaine est présent », a expliqué un porte-parole du mouvement taleb, en faisant référence à la présence de Chuck Hagel dans la capitale afghane.
« L’Amérique dit que les talibans ne sont pas ses ennemis et qu’elle n’est pas en guerre contre eux. Pourtant, les talibans, sous ce nom, intimident chaque jour notre peuple » a, de son côté, réagi le président Karzaï. « Les bombes qui ont été activées n’ont pas servi à montrer leur force à l’Amérique, mais à la servir. Cela a servi leur slogan pour 2014, qui nous effraie et dit que s’ils (l’armée américaine) ne restent pas ici, notre peuple sera éliminé », a-t-il ajouté.
Bien évidemment, de tels propos n’ont pas manqué de faire réagir. « C’est catégoriquement faux, nous n’avons aucune raison d’être de mèche avec les talibans », a rétorqué le général américain Joseph Dunford, le commandant de l’ISAF, déployée en Afghanistan sous l’autorité de l’Otan. « Nous avons combattu trop durement ces 12 dernières années, versé trop de sang (…) pour que l’on puisse penser que la violence et l’instabilité soient à notre avantage », a-t-il insisté.
Et la conférence de presse qui aurait dû être donnée conjointement par Chuck Hagel et Hamid Karzaï a été annulée. Pour des « raisons de sécurité », a-t-on expliqué côté américain. Sauf que les autorités afghanes ont indiqué que cette décision était liée à des impératifs de calendrier…
Le secrétaire américain à la Défense a cherché toutefois à relativiser les propos du président afghan. Il a « sa façon d’agir » et des « problèmes politiques » que « nous ne pouvons pas régler » a-t-il affirmé. Seulement, les déclarations d’Hamid Karzaï viennent s’ajouter à d’autres mesures qui entravent l’action de la coalition internationale.
La dernière en date est l’interdiction qui lui est faite d’arrêter les « étudiants ». Auparavant, il avait demandé aux forces spéciales américaines de quitter de la province du Wardak, où les insurgés sont pourtant très actifs. Et c’est sans oublier la consigne données aux troupes afghanes de ne plus demander de soutien aérien auprès de l’ISAF, qui aura quitté le pays d’ici la fin 2014.
Dans ces conditions, l’on voit mal comment un accord stratégique entre Kaboul et Washington pourra être trouvé. Et le maintien d’un contingent réduit de soldats américains en Afghanistan après le retrat de l’ISAF est encore plus incertain étant donné que leur immunité juridique est loin de leur être accordée. Les propos et les décisions d’Hamid Karzaï laissent à penser que les États-Unis, et plus généralement l’Otan, ne seront pas les bienvenus après 2014. Et cela, malgré les milliards de dollars qui ont été donnés à son pays – et qui le seront encore dans les années qui viennent.