Dix jours après les attaques du 11 septembre 2001 de New York et Washington, le 21 septembre, l’usine AZF à Toulouse était le théâtre d’une catastrophe qui fit 31 morts et des milliers de blessés… Mais rares sont ceux qui ont conscience que ce bilan aurait pu se compter en milliers de morts si les cuves contenant les produits toxiques du pôle chimique, que beaucoup ont prétendu mal entretenu, n’avaient pas résisté à l’onde de choc phénoménale produite par l’explosion du dépôt de nitrate d’ammonium.
A la fin de cette année, cela fera dix ans que les Toulousains attendent que justice soit faite. Une instruction de huit ans suivie d’un procès de quatre mois se terminant fin 2009 par une relaxe générale des prévenus au bénéfice du doute, ne leur auront pas apportés de réponses satisfaisantes. Et ce n’est pas le procès en appel qui s’ouvrira le 3 novembre prochain qui en apportera plus si les autorités s’entêtent à privilégier l’improbable suivies sur ce terrain par des parties civiles qui se laissent influencer par leurs préjugés ou d’autres motivations peu avouables plus que par les faits !
Pour rappel, au cours du procès, deux pistes majeures ont été abordées, celle de l’accident industriel et celle de l’acte intentionnel. En ce qui concerne la première, la communauté scientifique n’a jamais entériné le scénario du mélange chimique établi par l’instruction. Quant à la seconde, elle a manifestement été écartée sans que soient menées toutes les investigations qui s’imposaient. Pourquoi un tel acharnement des pouvoirs publics à justifier, jusqu’à prendre des libertés avec la science, une hypothèse chimique invalidée par les reconstitutions tentées ? Et pourquoi une telle volonté des mêmes d’escamoter la piste terroriste dans le contexte du 11 Septembre ?
L’histoire nous montre pourtant que les contentieux entre états peuvent se terminer par des représailles violentes, rappelons-nous l’affaire Eurodif dans les années 80 ou plus récemment les soupçons de cet ordre qui pèsent sur l’attentat de Karachi, al Qaeda avait bon dos ! Enfin de même que les Etats-Unis avant le 11 Septembre avaient reçu des avertissements de ce qui se préparait, les services français connaissaient les risques d’attentats qui pesaient sur notre pays et sur Toulouse en particulier, et de nombreux éléments démontrent qu’ils étaient bien en alerte.
Comment expliquer alors le semblant d’investigation que cette piste a suscité pendant l’instruction ainsi que lors du procès ? Le peu de cas faits des témoignages visuels sans parler des graves intimidations que des témoins ont subi et le discrédit jeté sur leurs récits pendant les audiences du procès ? Les menaces sur les journalistes entêtés à suivre cette piste ainsi que le cambriolage de leur domicile ? La négation des deux explosions entendues par de nombreux toulousains et fixées sur une bande d’enregistrement ? La dissimulation des revendications ? L’impasse de l’enquête autour de l’intérimaire « islamiste » ? La pression sur les enquêteurs ?
Et comment expliquer que les ténors du barreaux engagés par Total n’aient pas mieux exploité toutes les possibilités que la piste de l’acte intentionnel leur offrait pour défendre leurs clients ? Pourquoi n’ont-ils pas exigé des compléments d’enquête au vu des insuffisances de l’instruction qu’ils ne pouvaient pas ignorer ? Sinon à soupçonner une entente entre le pétrolier et l’état, le premier n’insistant pas trop sur la thèse de l’attentat sans pour autant en endosser la responsabilité et tout en indemnisant les victimes, le second compensant le préjudice subi d’une façon qu’il est facile d’imaginer.
Seule la raison d’état donne une cohérence à tout cela. Une raison d’état qui peut aussi se comprendre à l’aulne de la déclaration historique de Dominique de Villepin devant le conseil de sécurité de l’ONU en 2003. En effet comment interpréter l’injonction de Jacques Chirac sur le tarmac de l’aéroport de Blagnac lorsqu’il arrive à Toulouse au lendemain de la catastrophe et qu’il dit : « Je ne veux pas entendre parler d’attentat ! » aux officiels qui l’accueillent, alors que l’enquête n’avait pas même été ouverte, autrement que par une mise en demeure ?! Chirac n’avait-il pas été le premier chef d’état à rencontrer G.W. Bush le 18 septembre 2001 ? Une semaine après le 11 Septembre et trois jours avant AZF !
Dans cet entretien, réalisé par Julien Teil, Pierre Dortiguier aborde ces questions et plus encore.