L’Histoire se répète d’étrange manière. L’Argentine est passée par un processus semblable aux années post-1999, après que Boris Eltsine a démissionné et que Vladimir Poutine a pris sa place au Kremlin en tant que président de la Fédération de Russie. Tandis qu’il luttait pour se libérer du joug de l’étranger, le gouvernement fédéral argentin a consolidé son pouvoir économique et politique.
Diverses fractions de l’ancien régime et des oligarques collaborant avec les États-Unis se sont toutefois opposés au nouveau pouvoir à Buenos Aires. Ces forces ont combattu de grands projets nationaux, la renationalisation de grandes compagnies et le renforcement de l’Exécutif du gouvernement. À cet égard, les confrontations de la présidente de l’Argentine, Cristina Fernández de Kirchner, avec ses opposants sont similaires à celles qui ont opposé Vladimir Poutine aux oligarques et aux politiciens russes qui voulaient subordonner la Russie à Wall Street et à Washington, ainsi qu’au capitalisme et aux centres financiers ouest-européens. [...]
AMIA est un prétexte et l’Argentine est un front dans une guerre mondiale à multiples facettes
L’affaire de l’AMIA a été politisée sur deux fronts. L’un est une lutte intérieure, l’autre se déroule sur le plan des relations internationales. Un groupe d’oligarques argentins instrumentalise le cas de l’AMIA pour reprendre le contrôle du pays, tandis que les États-Unis l’utilisent comme un instrument de pression – comme dans l’affaire des fonds vautours contre l’Argentine – sur le gouvernement argentin et pour interférer dans les affaires intérieures du pays.
Les opinions sont survoltées en Argentine et les lignes se sont durcies. La mort d’Alberto Nisman est utilisée par les opposants politiques pour diaboliser le gouvernement. L’opposition parle même de Nisman comme d’un martyr tombé dans la lutte pour la démocratie et la liberté dans un pays dirigé par un régime de plus en plus autoritaire.
Les positions politiques en Argentine sur l’attaque de l’AMIA, et les enquêtes menées, reflètent quelque chose de beaucoup plus important. L’Iran n’est pas la seule cible dans la polarisation autour du cas de l’AMIA. Il ne s’agit pas non plus de rechercher réellement la justice pour les victimes des bombes sur l’AMIA. La Chine, la Russie, Cuba, le Brésil, le Venezuela, l’Équateur, la Bolivie, et une série de pays indépendants, sont aussi des cibles dans ce qui est en réalité une bataille mondiale entre les États-Unis et une coalition de pays indépendants qui résistent à l’influence nord-américaine.
Les objectifs ultimes des États-Unis sont de regagner l’influence perdue sur l’Argentine, de réorienter ses relations commerciales et contrôler sa politique étrangère. Cela implique la fin des mesures prises par Buenos Aires pour reprendre aux Britanniques le contrôle sur les Malouines (les Falklands), une zone riche en énergie dans l’Atlantique Sud.
En plus de la guerre pour les ressources incluant les réserves énergétiques, la guerre mondiale à multiples facettes menée par les États-Unis contre ses rivaux passe aussi par la préparation d’un assaut sur l’agriculture, qui se traduira par la déstabilisation des prix alimentaires et même la provocation de famines. À part ses réserves inexploitées de pétrole et de gaz naturel, l’Argentine est une grande puissance agricole. Contrôler Buenos Aires serait utile aux États-Unis.