Plus de 50 sociétés de 20 pays, notamment la Turquie, les États-Unis et les Pays-Bas, ont produit, vendu et fait transiter des centaines de composants, tels que détonateurs, câbles et fils, utilisés par Daech pour produire des engins explosifs.
Les terroristes de Daech ont fabriqué et déployé des bombes artisanales à une échelle « quasi-industrielle », indique l’ONG britannique Conflict Armament Research (CAR) dans un rapport publié après une enquête longue de 20 mois [rapport financé par l’Union européenne, NDLR]. D’après cette étude, les bombes artisanales fabriquées à l’aide de composants bon marché et facilement accessibles sont devenues « la signature » de l’État islamique.
Le rapport de 107 pages indique que plusieurs éléments entrant dans la fabrication de bombes artisanales, tels que la poudre d’aluminium et l’urée, ne sont soumis à aucun contrôle, comme des licences d’exportation par exemple. Par conséquent, leur livraison dans la région n’est pas réglementée et reste faiblement surveillée. D’autres composants importants, tels que détonateurs et cordons détonateurs, sont soumis au contrôle des autorités, mais sont également utilisés pour des activités commerciales, notamment dans l’industrie et l’extraction minière et pétrolière. « L’octroi de licences n’est pas suffisant pour empêcher leur acquisition par les forces de Daech », indique le bureau de recherche, en ajoutant que les réseaux d’acquisition de l’État islamique s’appuient sur des importations légales dans les pays voisins des territoires qu’ils contrôlent.
« La proximité est une raison importante pour que les biens vendus par les sociétés irakiennes et turques apparaissent dans les chaînes d’approvisionnement des composants que les forces de Daesh utilisent pour fabriquer leurs bombes artisanales. L’Irak et la Turquie ont tous les deux de grands secteurs agricole et minier dans lesquels de tels produits chimiques et explosifs sont employés », indique le rapport.
Au total, 13 sociétés turques se sont révélées être impliquées dans la chaîne d’approvisionnement des djihadistes. « La Turquie est le centre de transit le plus important pour les composants utilisés dans la fabrication de bombes artisanales par les forces de Daech. Ces composants comportent des précurseurs chimiques, des bidons, des cordons détonateurs, des câbles et des fils que des sociétés turques ont fabriqué ou vendu avant que les forces de Daech n’en fassent l’acquisition en Irak ou en Syrie », lit-on dans le rapport.
Le gouvernement turc a refusé de coopérer avec l’enquête de CAR, a confié à Reuters James Bevan,le directeur exécutif de l’organisation. C’est pourquoi l’ONG n’a pas pu déterminer l’efficacité des normes d’Ankara concernant le suivi des composants.
Ces composants ont été découverts sur les champs de bataille autour des villes irakiennes de Mossoul, Rabia, Kirkouk, Tikrit et la ville syrienne de Kobani. CAR a pu rassembler ces preuves grâce à la collaboration de ses partenaires kurdes syriens, de la police fédérale irakienne et du gouvernement régional du Kurdistan.
Les auteurs du rapport ont déclaré avoir essayé de contacter les sociétés liées aux composants, mais ces dernières n’ont pas répondu ou ont simplement mentionné ne pas se soucier du destinataire final de leurs produits. Des entreprises basées au Brésil, en Roumanie, au Japon, en Chine, en Suisse, en Autriche et en République tchèque ont également aussi impliquées, toujours d’après le rapport.