La famille, dans la bouche de Franck Ribéry, c’est les potes de Knysna, les racailles de l’équipe de France, les bad boys. C’est le crew, le posse, le clan. Quand la presse lui a demandé si en tant que chef de bande, il harcelait Gourcuff dans les vestiaires, sa réponse a été simple : « Yoann, c’est la famille ». En vérité, c’était pas la famille.
Aujourd’hui, la famille n’a plus le sens qu’elle avait avant 1968. Pendant presque 2 000 ans, elle a fait partie du trio sur lesquels notre société tenait, avec le travail et l’Église (on voulait ajouter le Roi mais on ne sait pas si quadrio est accepté par Finky et sa bande de l’Académie). Et puis la patrie a remplacé le combo Église-Roi, ensuite la République a remplacé la patrie. Mais tout ne s’est pas fait dans la douceur, il y a eu des résistances.
Après la destruction du travail dans les années 70-80 (ça rapportait moins que la finance ou les services à l’oligarchie), donc du prolétariat et du vote communiste, voici venu le tour de la famille. Qui morfle depuis Mai 68, et se déstructure à vitesse grand V. Le mot d’ordre est à l’indépendance, pas à l’interdépendance, sauf avec l’entité supérieure de la Marchandise, qui décide de tout à la place du père, et de la mère.
Le père a été attaqué, la mère a été libérée (de l’emprise du père, ce salaud), puis les enfants ont été libérés de l’emprise des parents. Là où il y avait un noyau, on a des individus en conflit latent qui se consolent avec la marchandise : la drogue pour papa, la conso pour maman, et les écrans pour les gosses. Fin du constat.
Peut-on, doit-on revenir en arrière ? Pas forcément à papa qui viole maman bonniche et tape les enfants, mais il nous semble que l’expérience woko-noélib va vers l’abîme. Il y aura nécessairement un retour en arrière : au lieu de regarder un programme télé fait pour ramollir le bulbe au profit de la pub, on lira une histoire aux enfants. Car de l’image reine il ne reste presque rien, qu’un vide quantique, retour à l’angoisse existentielle.
Quand on regarde un écran, on ne fabrique pas d’images, elles sont préfabriquées. Quand on lit, on crée des images mentales qui pénètrent au fond de l’âme. L’âme raffole des phrases, elle s’en délecte. Lire ou regarder, c’est la différence entre faire la cuisine et commander une pizza.
On peut lire une histoire à un enfant, ou lire une histoire à soi-même, auquel cas on s’adresse à son enfant intérieur.
La question : peut-on arracher son portable à un gosse, qui fait partie de lui comme le bras, ou l’oreille, et lui refiler un livre à la place ? Oui, en intervenant avec une certaine autorité, et pas avec autoritarisme. Quand vous allez au Festival de la Réconciliation, vous voyez des enfants qui ne sont pas déglingués, c’est donc possible. Quand les parents sont de vrais parents, présents et structurants, pas ceux qui refourguent aux mômes une console ou une tablette pour s’en débarrasser, et fabriquer des connards, égoïstes et malsains, des larbins du Système.
Il en va des enfants comme d’un jardin : on peut laisser pousser les mauvaises herbes (les instincts), et finir en famille bobo avec chiards hyperpénibles qui commandent un papa paumé et une maman toute-puissante, on en voit des paquets comme ça, victimes des séquelles de 68, perdus dans les ronces de leur propre jardin. On peut aussi tenir son jardin, couper les branches mortes, retirer les fleurs fanées, tailler harmonieusement, sans tomber dans le jardin à la Versailles.
C’est ça, élever.