Nous vous entretenons régulièrement des événements en cours au Bahreïn. Parce qu’ils ont une dimension géostratégique évidente, car c’est comme un front intérieur qui s’ouvre chez l’ »ennemi » pétro-monarchique.
Une dimension morale aussi : la révolte chiite au Bahreïn est une sacrée pierre dans le jardin des monarchies du Golfe qui dénoncent la répression en Syrie, et ont tout fait pour pousser Bachar vers la sortie, et le remplacer par des islamistes sunnites.
Or, la révolte populaire menace aujourd’hui le Bahrein, un allié et un voisin du Qatar et de l’Arabie Séoudite, qui peuvent se trouver très rapidement menacés, eux aussi, par un nouveau printemps, ou un été, arabe (voir notre article « Et pendant ce temps-là au Bahrein, mis en ligne le 17 février).
Contestation d’une ampleur sans précédent
Car, depuis quelques semaines, et un an après le « Printemps de la Perle » qui a fait vaciller la dynastie sunnite en place, sauvée alors in extremis par l’armée séoudienne, la contestation de la « minorité majoritaire » chiite (70% des nationaux du royaume) prend de l’ampleur : vendredi 9 mars, le royaume a même connu la plus grande manifestation de son histoire.
Des dizaines de milliers de personnes – 100 000 prétend l’opposition, une estimation confirmée par un reporter de Reuters – sont descendues sur la principale artère de la capitale Manama, et d’autres villes du Bahreïn ont connu des mouvements. Les manifestants répondaient à l’appel d’un dignitaire religieux chiite, cheikh Issa Kassim.
Les banderoles dénonçaient la dictature de la dynastie al-Khalifa et réclamaient la libération des détenus politiques. Le cheikh Kassim a pris la parole pour dire que les manifestants ne transigeraient pas avec ces revendications. Des incidents avec les forces de l’ordre ont suivi, qui auraient duré une heure.
D’autres incidents seraient intervenus dans un quartier de Manama et dans un village avoisinant. Le gros des manifestants s’est dispersé sans incident, mais le mouvement chiite a pris la mesure de sa force.
D’autant que le même jour, un démonstration des partisans du pouvoir n’a réuni que quelques centaines de personnes ! Des milliers de personnes avaient déjà manifesté le 4 mars, réclamant ouvertement la chute de la dynastie au pouvoir.