Éric Verhaeghe : "Nous basculons d’une société de droits vers une société d’autorisations"
16 février 2022 19:27, par SamWang[ Caractérisation de la société d’autorisation et différence avec la société de droit ]
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Je discute ici d’une grosse maladresse d’Éric Verhaeghe dans la caractérisation qu’il propose de la société d’autorisation.
Dans l’entretien présenté, il traite notamment des concepts suivants (cf. citation et chronométrage en note [1]) :
« société de droit » (dans une société de droit traditionnelle, le droit à faire telle chose est automatiquement impliqué par l’absence d’interdiction formelle à la faire dans le corpus juridique, et le corpus des devoirs explicités positivement est typiquement restreint) ;
« société d’autorisation » (où faire telle chose nécessite une autorisation formelle) ;
« égalité de droits »
« égalité de devoirs »
Il présente le projet de basculement d’une société de droit vers une société d’autorisation (avec le principe du passe vaccinal, voire du crédit social à la chinoise), puis il caractérise la seconde avec une grosse maladresse.
Il caractérise d’abord la société d’autorisation avec une certaine justesse en expliquant que les bons citoyens sont récompensés et les mauvais pénalisés. C’est juste en ce que, en société de droit traditionnelle, il n’y a pas automatiquement de récompense pour les bons comportements, même si les mauvais sont aussi pénalisés. Cependant, la grosse différence caractérisante tient au fait que, d’une part, la surveillance y est limitée, et que, d’autre part, tout n’est pas comptabilisé pour aboutir à une détermination des droits, qui plus est de façon automatisée.
Ensuite, il prétend très maladroitement caractériser la société d’autorisation par le fait qu’ « il n’y [aurait] plus d’égalité de droits, [mais une égalité de devoirs », et que « ceux qui refusent d’obéir aux devoirs qu’on prétend leur imposer [seraient] petit à petit privés de leurs droits ».
C’est très maladroit en ce que, en société d’autorisation, il y a prétention à maintenir et même accroître l’égalité de droits : les algorithmes qui servent à comptabiliser le crédit social de chaque individu — et à l’autoriser où non à telle action — ont vocation à être les mêmes pour tous. Il est faux de dire qu’il n’y a plus d’égalité de droits. Encore une fois, le problème est la surveillance se généralisant, accompagnée d’une comptabilisation (automatisée) du crédit social et d’une détermination (automatisée) des droits associés, ce qui constitue le ferment d’une dérive totalitaire.
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