Ayant croisé, il y a bien longtemps, un dealer qui trafiquait au Rose Bonbon, je savais que les musiciens qui traînaient dans cette boîte ne carburaient pas à la limonade. Mais pour nous, provinciaux, Artefact (groupe de Dantec) et bien d’autres étaient des poseurs, rarement de bons musiciens. Et pourtant si on se retourne sur cette scène, on trouve parfois des perles.
Alors évidemment quand Dantec a réapparu en écrivain et surtout à ce niveau cela fut la grosse surprise. J’en avais, en plus de ses livres, profité pour me procurer le disque de Schizotrope (avec Pinhas).
Quoique l’on pense des prises de position et des délires de Dantec, il faut quand même reconnaître qu’il est un écrivain, pas un imposteur, pas un truqueur. Et les médias lui ont fait la peau pour cette raison. Je n’ai pas dit un immense écrivain, ni un mauvais... juste un écrivain. J’ai aimé les romans.
Dantec a eu droit à un bûcher dès qu’il est sorti du triangle Canal+, Télérama, Le Monde.
Ces écrivains-là, ces personnages-là, ces vies, ces hommes, ces révoltés sont ce qui peut arriver de meilleur à nos routines. Après, on parle...
Un jour, pendant les années 2000, Arnaud Viviant traversait une salle de spectacle branchée, pas loin du Canal Saint-Martin. Autour de lui un aréopage de courtisans. Viviant critique historique aux Inrockuptibles, au Masque et la Plume (France-Inter)... Viviant écrivain reconnu, publié ! Tout ce petit monde (de "culturels") l’abreuvait de flatteries, de compliments... espérait tirer un avantage.
Un type modeste qui branchait sa guitare et s’apprêtait à faire des réglages d’avant un petit concert, descendit de scène et tenta de gifler la boursouflure, le provoqua en duel (authentique !), lui dit en face à quel point le moindre de ses livres était une escroquerie. Il fut jeté à la rue par les tenanciers et les courtisans.
Ce guitariste qui n’avait rien à perdre sauf l’honneur était Jean-Pierre Théolier, ex guitariste-chanteur de Seconde Chambre (groupe années 80) et auteur de Résidence (Calmann-Levy).
Il faut aimer les écrivains, les vrais, avant qu’ils ne meurent, souvent seuls et pauvres, à bout de maladie et de tristesse.
Maurice Dantec (qui d’ailleurs reconnaissait un pair en Jean-Pierre Théolier, mêmes influences Burroughs, Phillip K Dick et psychédélisme actif...), Maurice, comme Jean-Pierre, était un frère chrétien.
Je m’incline devant ce poète qui est maintenant près du Père Éternel.