Entretien avec le Professeur Xavier Ducrocq, l’un des experts qui ont examiné Vincent Lambert
29 juin 2014 22:40, par amélieEffrayant. Aujourd’hui en France, on peut être condamné à mort pour avoir le tort d’être gravement handicapé suite à un accident. Même si vos parents veulent continuer à vous alimenter, même si vous survivez à un mois de non-alimentation.
C’est la suite logique de la loi Weil : si un embryon n’est pas une personne digne de vivre dès lors qu’il dérange, pourquoi les non-productifs (vieux, handicapés) auraient-ils le droit de vivre ?
Il vaut mieux être un tueur ou un violeur en série : là, les assoces gauchos vous défendront au nom de la lutte contre la barbarie, parce que, quand même, chacun a le droit de s’épanouir dans les activités de son choix.
A ceux qui diront : "pfff, à quoi bon vivre quand on est vieux, sénile, ou loué sur un lit d’hôpital...", je les attends quand ils seront à leur tour vieux ou handicapés, et qu’ils découvriront qu’ils ont quand même envie de vivre. Car alors, la loi sur l’euthanasie qu’ils auront soutenue permettra à leurs héritiers d’abréger (par gentillesse et compassion, bien sûr) leur existence inutile et indigne (cf. les dérives épouvantables en Belgique, où beaucoup de patients sont euthanasiés sans leur accord).
La valeur de la vie (sauf peut-être quand il ne s’agit pas d’innocents mais de criminels qui mettent en péril la vie des autres) et celle de la personne humaine ne peuvent pas se négocier, sinon tout part en vrille. Elle doit être un principe absolu, ou nous tombons dans la barbarie.
Saint-Exupéry disait qu’on surestimait bien trop le courage physique, car quand on se trouvait réellement en danger de mort, finalement on vivait la situation mieux qu’on ne l’aurait pensé. Les anciens disaient aussi que la pensée de la mort était plus douloureuse que l’agonie elle-même. Nous, qui sommes en bonne santé, disons facilement "Je préférerais mourir que d’être comme un légume qui ne peut pas bouger", mais nous ignorons ce que nous ressentirions réellement dans cette situation. Le polyhandicapé Pozzo di Borgho a dit que si on lui avait posé la question avant son accident, il aurait facilement signé pour être euthanasié en cas de handicap grave. A présent, il est très heureux d’être en vie, parce que la vie ne se limite pas à pouvoir bouger, piquer un cent mètres, faire des repas plantureux, avoir des relations sexuelles, etc. Tout cela est agréable mais ce n’est pas l’essentiel. Et rappelons que la loi actuelle permet tout à fait de refuser l’acharnement thérapeuthique, qui vient de la même ambition prométhéenne.