Emmanuel Ratier sur l’affaire Dieudonné
15 janvier 2014 20:58, par AndréeEmmanuel Ratier se trompe totalement sur la jurisprudence Benjamin qu’il qualifie de "jurisprudence délirante". C’était en 1933 (et non 37) et dans cet arrêt le Conseil d’État a défendu la liberté de réunion contre l’interdiction du maire de Nevers qu’il a jugée illégale. Il a établi aussi à cette occasion le principe d’un contrôle poussé du juge, considérant que le maire avait tous les moyens pour assurer le respect de l’ordre public sans interdire la conférence littéraire de René Benjamin.
Cette jurisprudence s’inscrit dans la tradition libérale du Conseil d’État posée par le commissaire du gouvernement Corneille (arrêt Baldy, 1917), à savoir qu’en matière d’ordre public, " la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ".
La jurisprudence Benjamin est la référence en matière de protection de la liberté de réunion !
Dans les suites de l’affaire Benjamin, le Conseil d’État a aussi reconnu que le maire avait commis une faute lourde qui engageait la responsabilité de la commune (arrêt de 1936, Syndicat d’initiative de Nevers et Benjamin).
Plus intéressant encore, suite à l’interdiction par le gouvernement des ligues d’Action française en 1936 (en application de la loi du 10 janvier 36 sur la dissolution administrative des associations et groupes de combat - dernière application en juillet 2013 pour Troisième Voie de Serge Ayoub...), le Conseil d’État a protégé à nouveau la liberté de réunion contre l’interdiction administrative (il s’agissait d’un "banquet lyonnais" présidé par Charles Maurras - arrêt de 1937, Bujadoux).
Ce n’est qu’à la toute fin des années 30 et sous Vichy que le Conseil d’État a abandonné cette jurisprudence libérale, pour la reprendre après la guerre.
Ce qui est donc choquant dans l’ordonnance du Conseil d’État du 9 janvier sur Dieudonné, c’est que le juge des référés rappelle le principe de la jurisprudence Benjamin... pour aussitôt s’assoir dessus. Et pour ce faire, il a eu recours à la jurisprudence dite du lancer de nains sur la dignité humaine. Or il s’agit d’une jurisprudence qui a eu peu d’applications et que presque tous les grands juristes trouvent grotesque.
Raison pour laquelle, et de façon tout à fait scandaleuse, il ne s’est pas contenté de cela. Croyant assoir juridiquement son ordonnance, il a alors inventé ex nihilo une catégorie inexistante, "l’atteinte à la cohésion nationale" pour justifier la restriction d’une liberté fondamentale. Et c’est cela le plus grave !