La réforme du politique, du figé que porte son apparent « dernier » discours, ne viendra pas s’il n’est pas question de l’homme, et de l’objet, pente cloué, imposé à la cécité qui le guide, auquel il ne sait que consentir. Cette pente qu’il accepte avec les yeux troués de maladies, qu’il cajole de temps à autre par quelques apologies chafouines pathétiquement habillées d’épaisses terminologies sans épaisseur, est celle qu’il descend, content, animé par le rire que réclame le tragique pour signer sa fin. Un rire, proprement schizophrénique, que les déracinés s’arrachent au prix de leur raison. Ce pour les faveurs d’un monde mauvais. Courir après ça, monde sans arbre, pieds lacérés à force de clous qui trouent ; appliquer des rustines, panser les plaies, changer les guides, les moyens, mais préserver l’essentiel, la vision, panorama de termes subtiles d’où se dévoile, à mesure que nos pieds se déchirent, les premiers contours d’un indomptable précipice. Alterner les manières de s’adapter aux formes que doit prendre notre chute dans l’espoir de voir triompher l’anonyme standardisé, bouffi d’un lucre versé par le sang, est le dernier fond vide dont se réclament nos paroles, ou le cahier des charges misères, cadre limite duquel s’exerce l’adaptation de nos bouches tapineuses aux queues bien grasses des marchands d’épices. Avec la Révolution, sa négativité, ses promesses, l’idéal cartésien d’une maîtrise absolu des sujets sur le monde n’était plus un murmure, chuchotement lointain recroquevillé dans les précautions d’usage, apeuré par le dogme du faux christianisme, mais un cri, assumé, la promesse d’une possibilité réelle. Voir la France de Descartes courir après le monde, à défaut de le défaire ou de le refaire, en dit trop long de la culture précaire ingurgitée par nos élites à l’occasion, probablement, de quelques beuveries post-lycéennes. A l’alternative politique s’est substituée l’alternance du semblable et la réforme de l’homme, celle des moyens d’adaptation. Au fond, dans ce monde, c’est bien l’homme qu’il s’agit de changer, et son enracinement qu’il s’agit de reconstruire.