Cette zone maritime que les Européens ont eu la malheureuse idée de dénommer "Mer de Chine" (comme aussi d’ailleurs "Océan Indien" !) n’appartenait traditionnellement à personne. Et la raison en est qu’elle était très peu fréquentée en raison de la multitude des récifs dangereux pour les navires qui, pour relier les côtes chinoises aux pays de l’Asie du Sud-Est péninsulaire ou les détroits malais préféraient donc longer les côtes de l’actuel Viêtnam. Sans compter que, la plupart du temps, les courants marins et les vents y poussaient du nord-est au sud-est. En d’autres termes, sauf accident, les Chinois ne l’avaient jamais fréquenté avant l’époque contemporaine. D’ailleurs, on l’ignore souvent, les Chinois n’avaient commencé à naviguer vers le sud qu’à partir du Xe siècle, avec l’apparition des grandes jonques de mer. Auparavant, pour ses échanges avec les pays du sud et de l’ouest, la Chine recouraient au service des navigateurs malais (dits "kunlun"), auxquels s’ajoutent à partir du VIIIe siècle les commerçants arabo-persans.
Historiquement donc, les seuls qui peuvent démontrer qu’ils avaient sporadiquement traversé cette mer étaient effectivement les malais des Philippines. D’ailleurs, au XVe siècle les Tausug des îles Sulu (dits "moros") allaient régulièrement commercer en Chine en passant pas cette mer. On sait aussi qu’au XII-XIIIe siècle, ils avaient entretenu des liens avec les Dampau ou Campa, le royaume malais de l’actuel Viêtnam central. D’ailleurs, les textes arabes contemporains dénommaient cette mer "Mer de Sanf", c’est-à-dire du Campa, appellation que nombre de géographes français ont essayé de réutiliser dans les années 1920 et 30.
Si on considère ces faits, en plus de la logique géographique, la Chine n’a effectivement aucun droit sur cette mer. Mais elle a de son côté les apparences de la force, servie par une implacable volonté de domination. Et on comprend aussi pourquoi en Asie du Sud-Est, la Chine, et les Chinois sont si unanimement rejetés...