Qu’est ce qu’être alsacien ?
Mon grand-père a été incorporé de force dans la Waffen SS, division Das Reich, à l’âge de 17 ans. Je l’ai appris bien après sa mort, car il n’en parlait jamais.
Petit, j’avais remarqué lors des repas familiaux d’été qu’il s’éloignait systématiquement du barbecue ; il ne supportait pas l’odeur de la viande brûlée.
Il avait fait le débarquement, mais du côté allemand... Il a vu et senti ses camarades brûler vifs.
Il se portait toujours volontaire pour les patrouilles, dans l’espoir de déserter. Un jour, il a réussi à se planquer dans une cave, et a attendu de voir les Alliés prendre possession du village où il attendait depuis des jours. Avec un de ses camarades (Alsacien lui aussi), il s’est rendu à une patrouille anglaise dans l’espoir de rejoindre les Forces Française Libres. Ils ont eu droit à une dérouillée mémorable, et ont été envoyés dans un camp de prisonniers en Ecosse. Il y a passé un an au milieu de purs nazis allemands, d’autres allemands qui ne demandaient qu’à survivre, et d’autres incorporés de force alsaciens, polonais, ou tchèques.
Au bout de cette année infernale, on lui a finalement donné un uniforme français, et l’ordre de ne plus parler alsacien, rentrer chez lui, trouver un boulot et fermer sa gueule.
Suis-je supposé demander des réparations à la République Fédérale d’Allemagne ? à la Grande-Bretagne ? à la République Française, à la Pologne, aux Etats-Unis, à la République Tchèque ?
Pour ma part je préfère honorer la mémoire de mon grand-père dans l’humilité et la discrétion, car comme lui je méprise l’obscénité et la vulgarité mémorielle.