Et c’est Newsweek, le magazine américain tout ce qu’il y a de plus grand public qui le dit.
L’Amérique change décidément bien vite. Alors qu’il y a un an encore, il n’était pas rare de traiter de socialiste ou de communiste -injure suprême outre-atlantique- tout porteur d’un discours économique un peu sceptique sur les bienfaits du capitalisme financier, la crise a généré une onde de choc intellectuelle qui change les lignes du débat politique américain.
Dans un article du magazine hebdomadaire Newsweek, il est ainsi écrit que l’Amérique est dans le même état de dévastation qu’un champ jonché de cadavres après la bataille tandis que son commandement en chef a traversé la guerre (la crise) indemne. Wall Street contemple les ravages de la crise du haut de son balcon en ne se préoccupant que de ses bonus de fins d’années et pas du tout de l’état de l’économie réelle.
Et Michael Thomas, l’auteur de l’article, de rappeler que lui-même a fait une carrière de banquier d’affaires, commençant chez Lehman Brothers avant de s’embarquer dans 30 ans de "deals", de "léchages de culs" et de mensonges qui lui ont permis de s’habiller sur mesure et d’avoir le numéro privé de Madame Claude à Paris. Tout en parvenant pas à atteindre le sommet du management de Wall Street parce qu’il était incapable de développer vraiment une indifférence absolue à l’intérêt général, ce qui selon lui, est la clé de toute réussite dans l’industrie financière new yorkaise.
Dans les années 60, G. Keith Funston était le président de la bourse de New York et selon Michael Thomas avait l’habitude de répéter que "le grand public a toujours tort. Toujours". Et c’était avant même que ne s’installe à Wall Street dans les années 70 une culture du mensonge généralisé et de l’appât du gain sans scrupule quels que soient les moyens employés pour gagner de l’argent ! Et le papier de Newsweek de parler du grand mensonge de Wall Street, ce grand mensonge aussi vieux que le capitalisme lui-même, "tout ce qui ne va pas, tout ce qui a provoqué la crise, tout ça est de la faute des gouvernements", pas des banques ni des marchés.
Mais il se pourrait bien que les banquiers et hommes d’affaires new-yorkais voient leur arrogance se retourner finalement contre eux car la crise de 2011 est bien plus profonde que les récessions précédentes. Cette fois-ci la colère populaire ne pourra pas être détournée et malgré les réserves philosophiques ou politiques qu’on peut concevoir au sujet d’Occupy Wall Street, le mouvement a eu le mérite de lancer la boule de neige qui pourrait bien se transformer en avalanche. L’Amérique est en train de prendre conscience du processus sinistre par lequel les richesses ont été concentrées dans un nombre toujours plus réduit de mains. Et même si le gouvernement a pu laisser s’installer le phénomène, il n’a fait que l’accompagner mais c’est bien Wall Street qui l’a engendré.
Pour Thomas, il faut cependant que les 99% de protestataires apprennent à faire la part des choses entre ceux dans le 1% des plus riches qui sont de véritables créateurs de richesses dont l’action bénéficie à tous et ceux qui n’ont fait que prélever indûment des sommes énormes sur des richesses produites par d’autres au mépris de toutes les souffrances causées au passage.