Egalité et Réconciliation
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Vive l’Europe à 35 ?

A lors que l’application du traité de Lisbonne sensé garantir le bon fonctionnement de la machine européenne à 27 est enlisée, Bruxelles planche déjà sur une Europe à 35.

Les fonctionnaires de la Commission européenne ont encore frappé un grand coup. Alors que, frôlant l’indigestion, l’Europe a absorbé dix nouveaux États entre 2004 et 2006, ils ont accouché début novembre d’un rapport de soixante-dix-sept pages préconisant l’accélération en 2009 des discussions avec tous les pays qui toquent à la porte de l’Union européenne (UE). Pour conjurer le coup de mou créé par la non ratification du traité de Lisbonne, il faut poursuivre « l’élan de l’intégration », disent-ils.

Cette hâte à continuer d’élargir l’Union européenne ne remplit guère de joie ceux qui, à Bruxelles, ont les mains dans le cambouis de l’Europe à 27. « Au Parlement, on doit fonctionner avec une armée de traducteurs et l’organisation des réunions à 27 est un vrai cirque. Il faudrait faire une pause dans l’élargissement à d’autres États » ronchonne un euro-fonctionnaire français.

Que nenni ! rétorque, par rapport interposé, Olli Rhen, le Commissaire finlandais chargé de l’élargissement. Idem pour le Premier ministre Tchèque (après la France, son pays assure la présidence de l’Europe à compter du 1er janvier 2009) qui, sur le tout nouveau site officiel de la présidence européenne souhaite « poursuivre le processus d’intégration des pays des Balkans occidentaux ».

Turquie et Albanie font partie des heureux élus

Parmi les pays qui ont toutes les chances d’intégrer l’Europe de demain figure la Turquie. Au travers de son rapport, la Commission à l’élargissement (de la Commission européenne) confirme que ce poids lourd de plus de 70 millions d’habitants a vocation à trouver sa place dans le giron européen. Et pour ne pas faire de jaloux, la même promesse est formulée envers tous les pays de l’ex-Yougoslavie et envers l’Albanie.

Évidemment, tous n’en sont pas au même stade de rapprochement. La Croatie est la plus avancée et « devrait atteindre la phase finale des négociations d’adhésion d’ici la fin de 2009 si les mesures préparatoires nécessaires ont été adoptées » lit-on dans le document de la Commission. « Quant aux pays candidats potentiels, les progrès accomplis pourraient se traduire par l’octroi du statut de candidat lorsqu’ils auront démontré leur aptitude à assumer ce statut ». Et les heureux élus sont : le Kosovo, la Serbie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Montenegro, la Croatie et l’aimable Albanie, plaque tournante mafieuse réputée.

Pax europeana

Pour justifier un tel appétit, Bruxelles met en avant l’argument imparable de la paix et, à ce sujet, la crise géorgienne de cet été a représenté une aubaine pour les partisans de l’élargissement. Pour ces derniers, intégrer des zones géostratégiques importantes, revient à limiter le risque de guerres périphériques.

Quant à la Turquie, son « importance stratégique (…) pour l’Union européenne s’est encore accrue dans des domaines clés tels que la sécurité énergétique, la prévention et la résolution des conflits, ainsi que la sécurité régionale dans le Caucase du Sud et au Moyen-Orient, estime la Commission. L’engagement d’Ankara vis-à-vis de l’UE, concrétisé par les négociations et les réformes correspondantes actuellement en cours, fait de ce pays un facteur de stabilité plus important dans une région confrontée à de nombreux défis » continue le document.

Même raisonnement pour les Balkans : « la situation actuelle en Europe dans le domaine de la sécurité requiert également la consolidation de la stabilité et le renforcement du processus de réforme dans les Balkans occidentaux ».

7,5 milliards d’euros d’aides à l’intégration

Les auteurs du rapport soulignent aussi l’aubaine économique et commerciale que représente un élargissement de l’Europe à huit nouveaux pays. Intégrer les Balkans et la Turquie, c’est repousser très loin les frontières du supermarché intérieur et du libéralisme… Peu importe de savoir comment articuler le fonctionnement politique d’une Europe à 35. Ce n’est pas le propos de la Commission à l’élargissement. Quant au fait que le traité de Lisbonne censé garantir le bon fonctionnement d’une Europe à 27 ne soit pas encore validé par tous les États membres, cela figure comme le cadet de ses soucis.

De plus, eu égard aux folles sommes d’argent engagées par Bruxelles au travers de « l’instrument d’aide à la pré-adhésion », il est bien trop tard pour faire marche arrière, veulent démontrer les auteurs du rapport. Sur la période 2007-2011, l’Union européenne aura distribué un total de 7,58 milliards d’euros aux pays des Balkans et à la Turquie pour aider « à la transition et au renforcement des institutions » !

Et pour hâter le pas, entre 2009 et 2011, Bruxelles compte augmenter progressivement les versements annuels à chaque candidat. L’aide à la Turquie passera ainsi de 566 millions l’an prochain à 781 millions d’euros en 2011. Dans les Balkans, personne ne sera laissé sur le carreau : la Serbie touchera 202 millions d’euros contre 194 l’an prochain ; la Croatie 157 contre 151 millions, la Bosnie 108 contre 89 millions ; la Macédoine 98 millions contre 81 ; le Kosovo 68,7 contre 66 millions. Cerise sur le gâteau, l’Albanie va, elle aussi, bénéficier de la générosité des Européens : ses aides passeront de 81 à 98 millions d’euros.

La Bulgarie privée de 220 millions d’euros pour cause de mafia

Pourtant, à Bruxelles, on reconnaît bien volontiers que tout n’est pas rose dans les Balkans et qu’il faudra fournir de sacrés efforts pour changer les mœurs afin de transformer ces peuples en consommateurs dociles. « En Albanie, le phénomène de la corruption reste généralisé et constitue un problème particulièrement sérieux » écrit dans son rapport la Commission à l’élargissement. Idem pour la Serbie, où « la réforme du système judiciaire et la prévention de la corruption constituent toujours des défis majeurs ». En clair : le risque que l’argent distribué soit détourné n’est pas mince.

Et cela arrive même chez des nouveaux membres de l’Union européenne. Pour la première fois, Bruxelles vient de sucrer 220 millions d’euros de subventions à la Bulgarie. En cause ? Cet État est sous l’influence d’organisations criminelles et, pour certains, son intégration a été mal préparée et quelque peu précipitée…

Pour télécharger le rapport de la Commission européenne sur l’élargissement de l’Europe, cliquer ici .

Et pour parfaire sa culture sur les généreux subsides distribués par Bruxelles aux pays désirant rejoindre l’Union européenne, cliquer ici .