Egalité et Réconciliation
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Vers une oumma française 1/2

Manifestations le 2 mai 2010, contre l’islamophobie à Lyon, et quelques autres villes françaises, organisées par les Indigènes de la République, soutenues par d’autres associations musulmanes.

Youna marre !

On retiendra une fois de plus la faible implication des principaux concernés, c’est à dire les victimes médiatiques de cette islamophobie organisée, les fidèles de cette religion.

Une religion que les médias s’évertuent à nous présenter depuis 1979, comme une menace de premier ordre pour la civilisation occidentale. En général, les musulmans se bougent peu, leur propension à la mobilisation est inversement proportionnelle à l’expression publique de leurs revendications.

Il faut souvent en arriver au sang et aux bombes, de préférence avec missiles arborant une ou cinquante étoiles, pour susciter leur mobilisation. Mobilisation passionnelle conforme à nos mentalités et cultures majoritaires, issues des pays d’immigration.

Un mois à peine après nos larmes pour Gaza, l’aspirateur du quotidien consumériste nous a déjà avalé, dans son sac à poussière du réel, morne et triste, comme notre course journalière aux biens de ce monde. Métro, boulot, dodo, mac-do, hallal si possible ; les musulmans héritiers de l’immigration post-coloniale sont en définitive des modernes comme les autres. Ces petits combats, ces luttes sociales et politiques qu’affectionnent tant nos militants du bitume, ne soulèvent plus autant d’enthousiasme que les marcheurs de 1983.

Les musulmans de France, seraient-ils des veaux, des français comme les autres ?

Bien plus préoccupés par leur pouvoir d’achat et l’acquisition du prochain écran plasma, que de lutter contre la construction politico-médiatique de l’islamophobie d’État, dont ils sont pourtant les premières victimes.

En tout cas, on retiendra que des clichés du drapeau tricolore associé à des sourires musulmans sincères, deviennent de plus en plus courants. C’est ce que je conserverai de plus notable dans ces manifestations, le reste étant du déjà vu ou plutôt déjà entendu : Youna mare ! Quand les uns, souchiens visiblement, se torchent avec l’emblème national – ce qui au pays de mes ancêtres vaudrait presque la peine de mort – d’autres, affublées d’un fichu censé avoir disparu depuis la loi de 2003, se drapent tout sourire, d’une cape tricolore assumée. Trois couleurs, trois postures possibles. Rouge comme le sang, soit la culpabilisation comme modèle militant. Blanche, semblable à la neutralité que certains affichent pour mieux dissimuler leur rôle de manipulation et enfin ma préférée, la bleue tel l’espoir d’une nouvelle oumma française régénérée.

De la culpabilisation.

Une stratégie empruntée par nombre de mouvements, comme axe principal ou secondaire de leur discours. Des juifs aux gays, des féministes aux noirs, des sans papiers français aux minorités « visibles ». Sous prétexte de régulariser un passif historique post-colonial, qu’ils posent comme préalable au débat, ces militants empêchent en vérité toute évolution dans les rapports sociaux sur le terrain. Cette posture emprunte à de nombreux groupes la stratégie victimaire, constitués en lobbies pour victimes éternelles, leur esthétique et leurs procédés, sans pour autant assumer leur condition de victimes. Ils nous disent « on ne quémande rien, tête haute nous proposons notre propre autonomie politique loin de tout paternalisme », mais ils ne peuvent éliminer la dimension victimaire de leurs revendications, au risque de ne plus mobiliser. On ne pleure pas, mais on a besoin des larmes comme carburant pour notre lobbying militant ! La culpabilisation procède d’une rhétorique rodée. Les minorités agitées ont toutes emprunté les mêmes méthodes, qui consistent à souligner une injustice plus ou moins avérée historiquement, sans entrer dans la nuance ni le complexe qui est le propre de l’histoire humaine. Il s’agit de marteler par un procédé fondé sur une litanie médiatique, cette vérité dérangeante afin d’anesthésier tout contradicteur en le culpabilisant. Ainsi, la France est prise comme un collectif responsable des malheurs des héritiers de l’immigration, dont il faut se détacher et condamner en tant que souchien toute filiation. La France fut esclavagiste, elle a colonisé l’Afrique, a envoyé des juifs à Auschwitz, elle a organisé la ségrégation spatiale des immigrés et de leurs familles sur son propre territoire, etc. C’est la fabrique de la rancune, très efficace pour soulever les sentiments de frustration et mobiliser des troupes. Peut-on aboutir à une transformation sociale, avec des acteurs gorgés de révolte sentimentale ? Peut-on établir du lien social de qualité avec son voisin de souche, en partant d’un tel préalable ? Bien sur que non, cette approche contredit intégralement les règles de la communication humaine universelle. Que notre interlocuteur soit un enfant, un conjoint, un voisin ou le concitoyen, on ne peut démarrer une relation de progrès en créant de la culpabilisation. La fabrique du rancunier, par la culpabilisation du blanc de souche, voila la recette. Stratégie extrême, typiquement propagandiste et gauchisante dans ses méthodes, donc immorale, injuste et éloignée de nos références célestes, à nous les croyants.

On pourrait admettre, sans nuance aucune – juste pour la démonstration - que tout ce contentieux est totalement vrai. Par exemple pour expliquer la ghettoïsation urbaine, oublions l’histoire de l’urbanisation en France, faisons comme si les quartiers populaires « ghettos » d’aujourd’hui, n’étaient pas, il y a encore 35 ans le must du progrès urbain de l’après guerre. Admettons qu’on a construit ces prisons de béton, qu’on y a parqué les immigrés et leurs descendants en les abandonnant dans leurs bidonvilles. Et après ? Est-ce une raison valable pour faire de chaque blanc, de chaque français indigène en son pays depuis longtemps, le responsable éternel de ces prétendus malheurs collectifs ?

En vérité c’est une question de catégorie d’analyse. À partir de quelles clefs de lectures, de quels paradigmes lisons-nous notre réalité et notre histoire, ainsi que son évolution récente ? Si l’on parle d’islamophobie et d’islam – sujet des manifestations actuelles - la catégorie d’analyse la plus légitime pour les croyants est une approche fondée sur des clefs de lecture qui ne sont ni gauchistes, ni sociales, ni économiques, ni racialistes, ni encore marxistes. La première des grilles de lecture qui s’impose aux croyants musulmans - victimes principales de l‘islamophobie - rend toutes les autres, soit secondaires soit inopérantes, en tout cas subordonnées à cette approche principale. Le système d’appréhension du monde le plus légitime aux yeux des croyants c’est la conception coranique du monde. Pour les croyants, le Coran est la seule référence éternelle, le seul paradigme atemporel de lecture du monde et de notre condition sociale dans nos rapports avec l’Autre. C’est la principologie coranique qui fonde nos repères moraux pour envisager notre relation avec autrui quel que soit le niveau d’injustices sociales et historiques, que l’on peut avoir subi.

J’invite donc mes frères et sœurs de foi, croyants en la Révélation, à se poser trois questions essentielles :
- Quelles doivent êtres nos références légitimes supérieures, pour analyser notre réalité et notre relation avec l’Autre ?
- En quoi les générations des "de-souche", nées après 1945, devraient elles assumer les actes et paroles de leurs ancêtres ?
- Et enfin, toujours en fonction de ces références, quelle forme de discours devons-nous adopter avec autrui, avec l’Autre mon voisin, français avant moi ici sur le sol national, malgré le passif historique et toutes ces complaintes victimaires ? Répondre à ces questions par le prisme coranique, est la voie naturelle pour aboutir à la conclusion qui s’impose : les français sont un peuple, issu de la diversité humaine voulue par le Créateur, dont nous - les français musulmans - sommes frères par la terre, par la nation au-delà des autres caractéristiques identitaires. Les autres attributs d’appartenance proposés par nos militants sont insuffisants à créer un lien pérenne dans l’histoire. Tel le concept de « citoyen », incomplet et incertain - il est si jeune à l’échelle du temps - un terme médiatico-compatible et si peu engageant, qui fait la prédilection de nos militants.

Oui, nous devons aboutir à ce résultat, les français sont nos frères, quel que soit le passif ou même, j’irai plus loin encore, malgré les injustices ou la haine que certains "de-souche" expriment à notre égard. Ce n’est pas de ma part de la compromission, encore moins de « la soumission aux dominants », comme certains de ces militants s’évertuent à vouloir m’en attribuer l’attitude ! Ces analyses pseudo psycho-sociales sont désuètes et je les méprise au plus haut point tellement elles sont loin de mon état d’esprit. Ma posture tire sa légitimité d’une réflexion approfondie et accompagnée par nos maîtres, nos savants d’Orient et d’Occident. Ceux que nous considérons comme dépositaires des interprétations théologiques légitimes. Elles dépassent de loin toute analyse militante de circonstance, quand bien même ce serait Fanon, Césaire, Saïd ou Memmi qui en inspireraient les outils d’analyse.

Actuellement en consultation depuis deux mois et demi en Égypte, auprès de nos éminents savants musulmans et penseurs réformistes, j’ai eu la confirmation de mon intuition initiale : la fraternité française peut être régénérée par les âmes musulmanes. La fraternité au sein d’un peuple, fondée sur le partage d’un territoire commun, d’un destin collectif et d’une culture commune, est non seulement possible mais elle est un projet de société. Elle est le dessein divin. Je suis persuadé, que quoi qu’on en dise, la francisation de ces âmes musulmanes est en cours, que la construction du sentiment charnel avec la terre est une finalité indépassable. Je sais qu’on me répondra, le racisme Youna mare ! Soit, mais ce n’est qu’un point de détail à l’échelle de nos ambitions civilisationnelles.

Les lectures post-coloniales et antiracistes sont déjà dépassées, il faut choisir ses propres clefs de lecture. Ne pas rester dans le blanc, couleur neutre, pour la jouer perso. Aller vers le bleu couleur espoir, celle d’une oumma française régénérée, dont je dresserais les contours et préciserais les termes et la légitimité lors du prochain article.

Albert Ali Contact : mail.albertali@gmail.com