Ceux qui ont vu Spectre, le dernier James Bond (sorti 7 jours avant les attentats du 13 novembre 2015), se souviendront peut-être de ce passage :
« Ne vous laissez pas convaincre qu’il nous faut moins de surveillance. Il nous en faut plus. Bien plus. Je le redis : Le comité 9 Sentinelles aurait un accès illimité aux flux de renseignement de tous les pays membres. Donc plus de données. Une meilleure analyse. Un risque amoindri d’attentats terroristes. Il est urgent que les services de sécurité de la planète s’unissent. Chacun de notre côté, nous sommes vulnérables. Ensemble, nous sommes une puissance mondiale… »
Les enquêtes sur les attentats de Bruxelles n’en étaient encore qu’au tout début que les responsables de l’Union européenne (UE) faisaient déjà pression pour une formidable extension des pouvoirs d’espionnage de la police et du renseignement. Les ministres de la Justice et de l’Intérieur de l’UE se sont réunis jeudi pour planifier l’intensification de la collecte de renseignements et la coordination des opérations de police sur tout le continent.
Le premier jour d’enquête avait déjà soulevé les questions les plus sérieuses sur le rôle de l’État belge dans l’attaque. Déjà il est clair que, comme dans les attaques de l’EI l’an dernier à Paris, les auteurs étaient bien connus de la police et des agences de renseignement. Malgré les preuves de plus en plus nombreuses du contraire, les gouvernements européens de toutes tendances affirment que les attaques ont pu se produire parce que l’échec à échanger les renseignements a empêché les autorités d’identifier les assaillants. Sur cette base frauduleuse, ils exigent qu’on intensifie l’espionnage policier de la population.
« Le meilleur remède contre de telles attaques est l’échange d’informations », a déclaré le ministre allemand de l’Intérieur Thomas de Maizière. « Le point principal est cependant que nous avons des réservoirs de données séparés, pour le trafic des visas, pour l’information des enquêtes et pour les données des passagers aériens. Nous devons relier tout cela ».
De Maizière a carrément déclaré que la vie privée et les droits de protection des données étaient sans importance, disant : « Ces attaques et la situation de la sécurité actuelle, la situation de la terreur, doivent nous amener à mettre ces considérations de protection des données en fin de liste ».
Paris pousse à l’adoption d’un système controversé paneuropéen, le Passager Name Record (PNR), pour centraliser les données de vol en Europe et les remettre aux agences de renseignement internationales. « Le PNR est un symbole. Le Parlement européen doit montrer pleinement son engagement dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré le premier ministre français, Manuel Valls.
Le 22 mars, le premier ministre italien Matteo Renzi a demandé une « structure de sécurité européenne unitaire » de la police et des agences de renseignement et déclaré : « Ensemble, les services secrets travaillent plus et mieux ».
Renzi a cité en exemple les opérations policières des « années de plomb » marquées entre 1968 et 1980 par une violence sanglante impliquant des groupes d’extrême droite et des groupes petits-bourgeois « de gauche » comme les Brigades rouges. « L’Italie, hélas, dispose d’expérience. La police italienne a été confronté à la mafia, au terrorisme et aux Brigades rouges », a-t-il dit, ajoutant : « l’Europe vaincra le terrorisme djihadiste de la façon dont l’Italie a vaincu le terrorisme ».
Le commissaire aux affaires intérieures de l’UE, Dimitris Avramopoulos, a insisté pour dire qu’il ne fallait pas s’inquiéter d’une conduite antidémocratique et secrète des agences de l’État à qui on accorde ces pouvoirs massifs. « La logique de l’État profond n’existe plus de nos jours, tout est mondialisé, tout est internationalisé », a déclaré Avramopoulos.