Que faut-il pour être accepté en tant que membre pleinement qualifié de la gauche à une époque dominée par des politiques d’identité progressistes ?
Jane est une avocate londonienne qui s’identifie politiquement en tant que femme et manifeste avec enthousiasme pour les droits de l’homme. Peut-elle rejoindre la gauche ? Je pense que la réponse est oui, elle le peut.
George est un médecin qui se trouve également être noir et s’identifie en tant que membre de la « classe moyenne noire ». Peut-il souscrire à un groupe de messagerie progressiste afin de contribuer à la discussion ? J’espère et je crois qu’il le peut.
Et qu’en est-il de Julie ? Elle dirige une agence immobilière dans le quartier chic de la ville, mais elle se définit également comme homosexuelle, peut-elle se joindre à la parade ? Quelle question ! Bien sûr qu’elle le peut.
Quant à Abe, il est comptable et très attaché à son héritage juif. Abe s’identifie en tant que juif laïc. Peut-il rejoindre le mouvement anti-guerre ? C’est plus que probable, en fait, il se pourrait même que dans les heures qui suiveraient son adhésion, il se trouverait en position de leadership.
Mais qu’en est-il d’Hammed, un ouvrier métallurgiste de Birmingham ? Hammed s’identifie en tant que musulman. Peut-il se joindre à une manifestation de gauche contre la guerre en Syrie ? C’est une bonne question et la réponse n’est pas immédiatement évidente car ce n’est pas un secret que beaucoup de ceux qui souscrivent à l’idéologie « progressiste », et même à l’activisme, sont plutôt troublés par la religion en général et l’islam en particulier.
Ainsi, alors qu’Hammed s’identifie avec un précepte universel et humaniste, Jane « la Femme », Julie « la Lesbienne » et George « le Noir » adhèrent ouvertement à des identités politiques biologiquement déterminées. En outre, Abe, en s’identifiant en tant que juif laïc, s’affilie lui-même à une identité tribale ethnocentrique basée sur le sang. De toute évidence, la gauche n’a aucun problème avec ces identités politiques marginales et exclusivistes.
Alors, comment est-ce possible que le discours contemporain de gauche soit soutenu par des gens qui souscrivent eux-mêmes à des politiques identitaires biologiquement déterminées, et qui cependant rejettent fréquemment des semblables – venant souvent des classes populaires – qui soutiennent en réalité des questions d’égalité et de droits de l’homme ? Se pourrait-il que la gauche se soit en fait éloignée des politiques de la classe ouvrière pour se rapprocher de certains discours pseudo-empathiques, vagues et contradictoires, principalement engagés dans des combats sectaires ?
Et ce n’est pas tout…
Uri est un écrivain et militant pour la paix israélien qui se définit également comme gauchiste israélien. Uri est-il bienvenue au sein du réseau progressiste ? La réponse est oui, sans réserve. Mais John Smith, un chauffeur de bus anglais de Liverpool est fier d’être anglais et en tant qu’Anglais, il s’oppose à la guerre parce qu’il croit réellement que la paix est patriotique. Peut-il se joindre à une manifestation anti-guerre et, durant celle-ci, porter un drapeau britannique ? Je vous laisse répondre.
Tony est un « juif socialiste » – certainement pas un juif religieux, mais ethnique, qui s’identifie en tant que juif racialement et ethniquement. Et soit dit en passant, Tony opère également politiquement au sein de groupes antisionistes réservés aux juifs. À présent, Tony est extrêmement bienvenu dans la plupart des rassemblements de gauche et progressiste. Mais peut-on en dire autant de Franz qui s’identifie en tant qu’« aryen socialiste » ? Encore une fois, je vous laisse répondre.
Une fois de plus, nous constatons une contradiction essentielle de la pensée de gauche et progressiste. Alors que l’ethnocentrisme juif et même l’exclusivité raciale juive est acceptée, d’autres formes d’ethnocentrismes sont carrément rejetées. Est-ce une contradiction ? À vous de juger.
Et, pendant que nous y sommes, que penser de Laura ? C’est une musulmane convertie qui cache souvent son visage derrière un voile. Se sent-elle à l’aise dans les rassemblements « progressistes » ? Pas vraiment. Mais Laura soutient certainement les droits de l’homme et l’égalité presque autant qu’elle aime Allah. Mais la tolérance de gauche et progressiste envers les adorateurs d’Allah est particulièrement limitée tandis que, d’autre part, les fidèles du Talmud qui sont prêts à s’opposer à Israël sont non seulement tolérés, mais accueillis de façon positive. Les Juifs orthodoxes, par exemple, sont souvent invités à des rassemblements progressistes ? bien qu’il faille reconnaitre qu’ils rencontrent aussi une certaine animosité, venant surtout de militants juifs (C’est sûrement parce que les juifs progressistes n’aiment pas être associéS avec des personnes portant des caftans).
Il semblerait donc que l’adhésion à un club progressiste ne soit pas une chose simple, car nous avons ici à faire à un discours qui est loin d’être ouvert ou complet. Au contraire, il s’agit d’une opération très sélective qui est loin d’être cohérente, universelle ou fondée sur des principes. Ce club n’est plus dévoué aux membres de la classe ouvrière – à moins que ces derniers ne démontrent d’abord une adhésion à une palette prédéterminée de « politiques correctes ».
Alors, quelles sont ces politiques correctes ? Où sont-elles définies et par qui ?
Afin de répondre à cette question, nous devons d’abord nous plonger dans l’étrange seuil « progressiste » qui laisse le musulman et le nationaliste dehors tout en adoptant joyeusement des politiques biologiquement déterminées et même des catégories raciales. Curieusement, cette combinaison qui forme l’alliance de gauche est étrangement similaire à la combinaison qui maintient le pouvoir politique sioniste libéral.
Est-ce une coïncidence ? Est-ce vraiment surprenant que la gauche, traditionnellement définie comme un discours humaniste universel, soit désormais soutenue politiquement et financièrement par une combinaison d’identités politiques qui prêtent également leur soutien à Israël et son idéologie rabiquement ethnocentrique, capitaliste et nationaliste ? Non, ce n’est pas un hasard, donc je suppose que la similitude croissante entre la gauche et l’alliance du sionisme libéral exige quelques explications. J’ai réussi à trouver trois réponses possibles.
1/ Le baratin : la similitude entre l’alliance sioniste libérale et la gauche est une coïncidence parfaite et ne révèle rien sur le sionisme ou l’idéologie de gauche.
2/ Une réponse consciencieuse : la gauche et le sionisme libéral sont essentiellement deux faces de la même médaille.
3/ Une enquête approfondie : en suivant la piste de l’argent, on s’aperçoit que la plupart des groupes de gauche et du sionisme libéral (comme le groupe J-Street et pratiquement tout l’ensemble du réseau progressiste) sont financés par les mêmes organisations, l’une des plus éminentes étant l’Institut Open Society de George Soros.
Si la dernière réponse est vraie (et je pense qu’elle l’est), cela pourrait aussi bien dire qu’une grande partie du réseau « dissident » est soutenu par des fonds spéculatifs provenant de Wall Street. En d’autres termes, nous sommes en présence d’un appareil de contrôle d’opposition institutionnel et bien financé. Cela pourrait expliquer ce qui semble être si souvent un dysfonctionnement complet et une impuissance totale de la part de la gauche et du discours progressiste en général – que ce soit dans le domaine du travail, de la politique intérieure, des Affaires étrangères, des guerres dans le monde et, bien sûr, de la Palestine.
Si la gauche envisage de se sauver – et c’est vraiment avec un gros « si » – il lui faudrait d’abord se racheter de son avidité et de son attachement au fric. Elle pourrait avoir à redéfinir exactement pour elle-même ce que signifient le travail et « la politique de la classe ouvrière » pour un chômeur.
Bien sûr, il se peut simplement que la gauche ait mis fin à son rôle politique et idéologique, que fondamentalement elle appartienne au passé. En d’autres termes, notre capacité à penser universellement et éthiquement est maintenant complètement libérée du matérialisme dialectique ou de la division de classe.
En fin de compte, je doute que quiconque au sein du réseau progressiste possède la capacité intellectuelle et l’endurance idéologique pour supporter une telle discussion sérieuse.
Je suppose que nous devrions passer à autre chose.