Deux tonnes de pilules de Captagon et des poussières de cocaïne, le tout dans 40 valises. Au Liban, les Stups ont fait mouche avec cette saisie record. Au Royaume wahhabite en revanche, l’arrestation lundi à Beyrouth du prince saoudien Abdel Mohsen ben Walid ben Abdelaziz pour trafic de drogue fait tache. L’émir a été pris la main dans ses (gros) sacs, en partance pour Riyad à bord d’un jet privé.
Les frasques du jeune souverain de 29 ans lui vaudront-elles la décapitation dans son pays ? Probablement pas, Sa Majesté a des relations. Et au pays de toutes les interdictions, le Captagon est légion. Cinquante-cinq millions de ces comprimés supprimant la douleur et la fatigue tout en boostant les performances sexuelles sont saisis chaque année en Arabie saoudite, selon un rapport des Nations unies.
Très prisée dans les pays du Golfe, cette drogue stimulante produite à partir d’une molécule amphétaminique nommée Fénéthylline est aussi très appréciée des djihadistes du groupe État islamique (Daech). Plus de coups de barre, plus de sentiments (des fois qu’ils en aient encore), plus faim, plus mal et même plus peur. Idéal pour commettre l’indicible tout en restant de bonne humeur. Daech, qui prohibe pourtant officiellement le recours aux paradis artificiels, en a fait l’une de ses spécialités.
Production « délocalisée » en Syrie
Créé dans les années 60, le Captagon était prescrit pour traiter notamment l’hyperactivité et la narcolepsie, avant d’être considéré comme substance fortement addictive et interdit dans plusieurs pays dès les années 80. Depuis, elle est devenue très populaire au Moyen-Orient où, selon l’OMS, les deux tiers des saisies mondiales ont été effectuées.
Jusqu’en 2011, le Pays du Cèdre était le principal producteur de ce psychostimulant. Aujourd’hui, le Liban n’est plus que la plaque tournante du trafic de Captagon. Sa fabrication a été « délocalisée » en Syrie, expliquait cet été un responsable de l’unité de contrôle des drogues libanais interrogé par l’agence Reuters.
Juteux trafic
En plus de doper les combattants de tous bords, en Syrie et en Irak, cette drogue a créé une véritable économie de guerre dans la région, affirme pour sa part Radwan Mortada, journaliste libanais et spécialiste des groupes djihadistes, devant les caméras d’Arte. Il ajoute que l’argent généré par le trafic de Captagon sert aussi à financer le conflit syrien. Si une partie de la production est consommée sur place par les milices, l’autre part à l’exportation, notamment vers les pays du Golfe, (Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis) où la pilule miracle se revend plus de 20 francs suisses à l’unité, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC).
Un sac de 200 000 pilules rapporterait un demi-million de dollars et il ne suffirait que de quelques milliers de dollars pour le produire. De plus, l’élaboration de la « potion magique des djihadistes », comme on la surnomme, ne nécessite qu’une maîtrise des bases de la chimie et peu de matériel, précise encore Radwan Mortada.
Le Captagon offre donc une source de revenu considérable au groupe État islamique. Qui plus est quand on a les princes du pays de l’or noir comme principaux clients. De là à parler de sponsoring, il n’y a qu’un pas que l’on serait tenté de franchir.