Quarante ans après la fin de la guerre du Vietnam, le géant américain McDonald’s y a ouvert samedi son premier restaurant, espérant convertir au Big Mac la classe moyenne grandissante du pays communiste.
La chaîne aux plus de 35 000 restaurants à travers plus de cent pays fait figure de petit dernier au Vietnam : ses concurrents comme KFC, Burger King et Pizza Hut se disputent déjà les 90 millions de consommateurs vietnamiens. Des centaines d’entre eux ont néanmoins fait la queue dès samedi matin à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du pays, certains bien avant l’heure d’ouverture.
A l’intérieur, les commandes fusent et les consommateurs prennent des photos. "Aller au McDonald’s au Vietnam, c’est chic. Aux États-Unis, c’est juste un restaurant normal", relativise Nguyen Hoang Long, 25 ans, revenu travailler au pays après des études en Californie. Au "drive-in", les consommateurs à scooter font aussi la queue pour des Big Mac facturés deux euros. Parmi eux, Nguyen Phuong Thao, est séduite par le concept. "Si nous avions plus de drive-in comme cela au Vietnam, ça marcherait bien, parce que c’est vraiment très pratique", dit-elle.
La cible des jeunes urbains L’an dernier, Starbucks avait franchi le pas et ouvert à Ho Chi Minh-Ville, l’ancienne Saïgon, devenant le lieu de rendez-vous privilégié des jeunes urbains. Malgré une croissance ralentie et des craintes sur le secteur bancaire, "c’est le bon moment" pour ces grandes enseignes internationales de la restauration rapide pour s’implanter au Vietnam, estime Sean Ngo, du cabinet de consultants Vietnam Franchises. Le Vietnam, certes tenu par un régime à parti unique où toute contestation est réprimée, s’est largement ouvert à l’économie de marché depuis des réformes économiques mises en place au début des années 1990. La croissance a été de 5 à 6% sur les dix dernières années et le revenu moyen annuel a dépassé les 1 100 euros.
L’arrivée de McDonald’s dans ce pays qui évoque surtout la guerre du Vietnam en Occident reste un symbole fort. Des marques américaines comme Coca-Cola y étaient accessibles après la guerre du Vietnam, achevée en 1975 sur la chute de Saïgon et la réunification du pays. Mais les entreprises américaines avaient déserté un Sud désormais sous la férule du régime communiste de Hanoï. Aujourd’hui, les grandes chaînes de restauration rapide espèrent bien capter les consommateurs de ce pays où le niveau de vie augmente et où les élites lisent l’édition locale de Forbes, lancée l’an dernier, même si les inégalités sociales sont importantes.
"Pour les franchises internationales, notamment les fast-food, s’ils veulent réussir au Vietnam, ils n’ont pas besoin que toute la population devienne leurs consommateurs. Ils n’ont besoin que d’un petit pourcentage qui viennent de temps en temps chaque mois", explique Sean Ngo, qui conseille des marques étrangères s’implantant au Vietnam. Car cette hausse du niveau de vie entraîne un bouleversement des habitudes alimentaires. "Les consommateurs urbains diversifient leur alimentation", explique Chris Jackson, économiste de la Banque mondiale à Hanoï. "Les Vietnamiens ont l’habitude de manger du riz et des nouilles... McDonald’s va devoir trouver une solution pour ce marché", estime aussi l’économiste Le Dang Doanh.
McDonald’s a ainsi introduit un "McPork" dans son menu, les Vietnamiens raffolant du cochon. Son entrée sur le marché vietnamien est aussi révélateur de la façon dont se font les affaires au Vietnam : la franchise a été remportée l’an dernier par le beau-fils du puissant Premier ministre, Nguyen Tan Dung. McDonald’s a assuré qu’il avait été choisi après "un processus rigoureux de sélection". Ce n’est pas la première fois que McDonald’s doit passer par une joint-venture pour s’implanter dans un pays. Pour ouvrir son premier restaurant à Moscou en 1990, un an avant la chute de l’URSS, le géant du fast-food avait dû s’associer avec la mairie de la capitale soviétique.