Pour la presse, le fondateur de Canal+ est mort. Si André Rousselet, le monsieur « médias » de François Mitterrand, a effectivement été son premier PDG, d’autres s’étaient penchés avant lui sur le projet de chaîne culturelle diffusée en crypté. Ce dont Mitterrand ne voulait pas au départ, parce que le péage ne profiterait pas aux pauvres.
Deux équipes ont travaillé en parallèle, dès 1982 : celle de Michel Dahan et Gérard Rabbinovitch, tous deux issus du cabinet du ministre de l’Industrie de l’époque, Pierre Dreyfus (gouvernement Mauroy I), et celle du troublant Léo Scheer chez Havas, qui a importé des États-Unis l’idée d’une chaîne payante. Un an auparavant, les ingénieurs de TDF avaient déjà créé la version alpha d’un décodeur. Sous pression du président de la République – qui sauvera le projet fragile en débloquant de l’argent – une partie de Canal+ sera offerte en clair. Cela coûtera de l’argent à la jeune chaîne, mais cette contrainte sera habilement retournée en… vitrine publicitaire pour les programmes payants !
- Les animatrices de Canal+ possédaient plusieurs cordes à leur arc
Avec un max de sport et de cinéma, plus le porno, qui viendra un peu plus tard, le succès était assuré. Il durera 20 ans, jusqu’à ce que les caisses soient vides, et Lescure viré. Messier, le banquier de Balladur, viendra y mettre de l’ordre quatre jours avant le 21 avril 2002, mais finira crucifié par la gauche culturelle, qui ne voulait pas qu’on touche à son bijou, ou son joujou. Depuis, Canal+ a reconstitué ses marges avec Méheut, mais la fête est finie. On a remballé le matos, la coke et les putes, oublié les fêtes, le cash et Cannes, Bolloré le tueur de coûts est passé par là. Du projet subversif initial, il ne reste plus grand-chose. Les animateurs historiques ont raccroché les gants ou ont été remplacés par des clones sans saveur. Le grand business a eu la peau du rêve d’une télé différente.
Pour le public, pas forcément au fait des cuisines financières du système médiatico-politique, Canal c’est Gildas, Denisot, Jamel et le foot. Justement, le trublion de Trappes vient de faire une sortie remarquée dans le magazine France Football :
« Sportivement, comment fait-on pour se priver de joueurs extraordinaires comme eux ? Benzema est l’un des meilleurs attaquants du monde. Ben Arfa, lui, est le meilleur joueur français de la saison en Ligue 1, c’est incontestable tout le monde l’a vu. Il n’a pas sa place en réserve. Ces gamins représentent en plus tellement de choses, notamment en banlieues. N’avoir aucun de "nos" représentants en équipe de France… (...) Tant qu’on ne permet pas aux quartiers d’évoluer et qu’on en fera pas des Sillicon Valley, qu’on ne leur permettra pas de s’épanouir humainement, socialement et économiquement, on "leur" en voudra toujours d’être ce qu’ils sont. Karim Benzema, et par extension Hatem Ben Arfa, payent la situation sociale de la France d’aujourd’hui. »
Une déclaration politiquement osée de celui qui est devenu le monsieur « ziva débrouille-toi pour récupérer le vote de banlieue » au profit de la paire Hollande/Ladreit de Lacharrière. Sauf que le racisme supposé du sélectionneur n’est pas la raison de la non-sélection des deux ex-pépites de l’Olympique Lyonnais, qui ont connu deux destins très opposés. L’un trône (avec CR7) sur l’attaque du Real de Madrid, 11 fois champion d’Europe, l’autre a souffert de problèmes d’adaptation, pour être polis.
Dans la série documentaire diffusée par Canal+ en 1999 et intitulée À la Clairefontaine (le centre de sélection des futurs jeunes internationaux), Ben Arfa montre des aptitudes supérieures à la fois en football et en foutage de bordel. Un des encadreurs du centre aura d’ailleurs des mots visionnaires à son sujet. 15 ans plus tard, Ben Arfa émerge à peine d’une carrière en dents de scie, tandis que Benzema se débat avec la justice pour des faits relativement graves. Il n’est pas question de banlieue, ni de couleur de peau. La France n’a pas envie de revivre un second « Knysna », même si ces deux attaquants n’étaient pour rien dans le fiasco de 2010.
- Riri, Fifi et Loulou sont en train de monter un mauvais coup
Une star ne peut plus ignorer les médias aujourd’hui, qui font partie de son quotidien. Il y a ceux qui savent jouer avec, et ceux qui en sont victimes. Ben Arfa et Benzema font clairement partie de la seconde catégorie. Dans le même panier, on trouve l’ex-gloire de télé-réalité, Loana. Après une notoriété record dans la France de 2001, suite à l’émission Loft Story, dont elle sortira gagnante le 15 septembre, elle ne fera que dégringoler. Preuve que le talent, c’est ce qui fait durer. Aujourd’hui, bouffie de médicaments, ruinée par un entourage douteux, elle montre à toutes les jeunes filles qui voulaient lui ressembler ce qu’est la lessiveuse médiatique : une impitoyable machine à détruire tout ce qui est fragile, sensible, authentique.
- Voilà ce qui arrive quand on ne fait partie ni du clan Barthès ni du clan Hanouna
Que les chantres de la culture française de qualité ne crient pas victoire : Loana était un symbole, celui d’un choix populaire, et si elle a chuté si violemment, c’est parce qu’elle n’a pas les protections qu’il faut. Pourtant, elle n’a violé personne. Aujourd’hui, si tu ne fais pas partie des clans dominants, des tribus culturelles, des chapelles politiques, des réseaux de pouvoir, même si le grand public t’aime, tu peux te brosser pour conserver ton rond de serviette dans les médias.
Loana, c’était la « Blanche » qu’on pouvait mettre sans risque au bûcher médiatique.
Il faudra plus qu’une Loana pour renverser cette table des « valeurs » : une Loana politique, une Jeanne d’Arc 2.0.