Alexis Tsipras, le nouveau Premier ministre de la Grèce, sera le 8 avril à Moscou. Or, le 9 avril, la Grèce doit effectuer un payement au Fond monétaire international.
Les déclarations sur ce point du ministre des Finances de la Grèce ne laissent planer aucune ambiguïté : la Grèce honorera sa créance [1]. Mais, le 14 avril, la Grèce doit simultanément émettre pour 1,4 milliards d’euros de bons du Trésor, renouvelant la dette à court terme (ce que l’on appelle faire « rouler » la dette) et le gouvernement doit payer 1,7 milliards en pensions et salaires. Or, la Banque centrale européenne a « déconseillé » aux banques privées grecques d’accepter de nouveaux bons à court terme émis par l’Etat grec [2]. On voit que cette visite d’Alexis Tsipras à Moscou va donc bien au-delà de la traditionnelle amitié entre la Grèce et la Russie. Elle pourrait signifier, à relativement court terme, l’amorce d’une bascule à l’échelle de l’Europe.
I. La situation de la Grèce
On sait que la Grèce a conclu un accord de nature provisoire avec ses créanciers (l’Eurogroupe mais aussi le FMI). Aujourd’hui, le pays fait donc face à des difficultés importantes de court terme comme la fuite des capitaux hors du système bancaire (12 milliards d’euros pour le mois de février) ainsi que l’incertitude financière sur sa capacité à effectuer les remboursements de sa dette. Cette incertitude financière est une arme à la fois politique et économique sur le nouveau gouvernement. Les investissements sont aujourd’hui fortement ralentis en Grèce, et les investissements directs étrangers (IDE) sont au point mort. Dans ces conditions, l’Eurogroupe (la réunion des ministres des Finances de la zone euro) a pris la responsabilité d’exercer des pressions politiques et économiques de plus en plus fortes sur le gouvernement grec.
On sait aussi que les politiques d’austérité sont un échec non seulement en Grèce mais dans bien d’autres pays. Les effets destructeurs de ces politiques d’austérité, non seulement dans le cas de la Grèce mais aussi dans celui du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie, sont aujourd’hui évidents et parfaitement avérés. D’un point de vue technique, on peut dire que le multiplicateur des dépenses fiscales, ce multiplicateur qui lie les mouvements du PIB et celui des dépenses budgétaires, a été grossièrement sous-estimé par les autorités de l’Union européenne, et cela même après la publication de l’étude fameuse de Blanchard, réalisée au FMI, et datant de janvier 2013 [3]. Il est évident que les politiques mises en œuvre en Grèce sous le nom de « Mémorandum » ne fonctionnent pas et ont de plus des effets destructeurs très importants sur l’économie. Ces politiques, et il faut insister sur ce point, n’ont pas été mises sur pied pour « aider » la Grèce, mais bien uniquement pour permettre aux pays créditeurs d’être remboursés. Ceci a été reconnu dernièrement dans une note du FMI. Mais, sur ce point aussi, elles se révèlent contre-productives. En effet, il est clair que la Grèce, à la suite des divers Mémorandums, ne pourra pas rembourser sa dette. La politique mise en œuvre pour sortir ce pays de l’insolvabilité l’a, au contraire, fait plonger dans l’insolvabilité.