Les nouvelles sanctions antirusses font l’objet d’une recherche méticuleuse : certains en cherchent les motifs cachés là où d’autres tentent d’en prédire les conséquences. Mais quelle est la vraie cible de cette démarche du président américain sortant ?
L’administration américaine sortante a adopté jeudi dernier de nouvelles sanctions contre la Russie, accusant les services secrets russes et plusieurs individus d’ingérence dans la présidentielle américaine par le biais d’attaques informatiques. Prompts à la réponse, les experts arrivent avec des hypothèses et certaines d’entre elles ne sont pas dépourvues de sens.
Un successeur gênant
« Ligoter » son successeur – tel est l’objectif de Barack Obama, estime Frank Buckley, professeur de droit, dans un article pour le New York Post. Le résultat de la présidentielle de novembre n’a pas été une bonne nouvelle pour Obama : le programme de sa protégée Hillary Clinton a été rejeté et le public lui a préféré le milliardaire qui est, suprême outrage, bienveillant envers la Russie.
Ainsi, Obama a pris la décision de riposter par des sanctions à l’encontre de la Russie au crépuscule de sa présidence, ciblant non la Russie en premier chef, mais plutôt le président élu. Une fois plébiscité, ce dernier s’est retrouvé au cœur d’une excitation médiatique – la presse parle tellement de lui que le président sortant semble relégué au second voire au troisième plan – ceci, alors qu’il est toujours au pouvoir.
Garder la mainmise
Du coup, l’hystérie médiatique a poussé Obama à reprendre son activité diplomatique. Mais il ne s’agit pas seulement d’une rancœur.
« Les attaques d’Obama contre la Russie et Israël représentent une tentative pathétique de ligoter la nouvelle administration et de prolonger de cette manière sa présidence au-delà des deux mandats qu’il a eus », estime l’expert.
En diabolisant la Russie et en refusant le soutien à Israël, le président sortant a essayé de créer une barrière insurmontable pour deux principales initiatives de la politique extérieure de Donald Trump. De même, l’ensemble de règles et normes imposé récemment est censé passer la corde au cou des conseillers de Trump en matière de politique intérieure.
« Les nouvelles sanctions ont pour cible aussi bien Trump que la Russie » – fait écho Slate dans un récent article. D’ailleurs, le journal propose une explication à la réaction bienveillante de Vladimir Poutine qui a refusé d’expulser les diplomates américains : Poutine partage visiblement l’avis répandu selon lequel Trump mènera vis-à-vis de la Russie une politique plus amicale qu’Obama. Du coup, à quoi bon riposter à un président qui remettra son siège dans deux semaines ?
Des peaux de banane pour Trump
Cette version est également partagée par l’équipe de soutien de Trump, avec l’ex-maire de New York Rudolph Giuliani à sa tête, lequel n’a pas reçu de poste à responsabilités dans l’administration du président élu en dépit des pronostics, mais continue à l’appuyer.
« Ce que fait Barack Obama, je le trouve sans précédent », a déclaré Guiliani sur Fox News. « Je n’ai jamais vu de président au pouvoir créer tant d’obstacles pour le futur ».
Pour The Hill, plateforme qui couvre la cuisine intérieure du Congrès, le président sortant cherche à lier les mains du président élu par une série de mesures unilatérales. Les sanctions antirusses sont les derniers rejetons de cette liste, mais elles ont été précédées par bien d’autres mesures. Ainsi, quelques jours avant, les États-Unis ont permis au Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter la résolution condamnant la colonisation israélienne, un document qui pourrait encore envenimer le conflit israélo-palestinien.
Ensuite, Obama a imposé l’interdiction permanente de la production de pétrole et de gaz dans de vastes zones en Arctique et en Antarctique, a interdit l’aménagement de plus de 1,5 millions d’acres de terre dans l’ouest du pays…
Toutes ces démarches, ainsi que sa récente déclaration selon laquelle il serait sorti gagnant de la présidentielle s’il y avait participé, n’ont pas laissé de marbre Trump : « Je fais de mon mieux pour ignorer les propos provocateurs du président O. et les obstacles qu’il crée. Je croyais que la transition du pouvoir se passerait sans encombre – MAIS NON ! », a-t-il écrit sur Twitter.
De fait, Trump peut toujours lever les sanctions car elles ont été introduites par la voie d’un décret présidentiel, mais les républicains risqueraient de s’y opposer, ayant reproché à Barack Obama d’avoir trop traîné à les imposer.
En tout cas, la riposte du président russe, ou plutôt l’absence de riposte, est « stratégiquement brillante », selon le New Yorker : Poutine a décidé de ne pas expulser les diplomates américains de Russie et a même invité leurs enfants à participer à la fête de Noël au Kremlin. D’après Diana Johnstone, journaliste américaine résidant à Paris depuis 1990, c’est une politique de tête brûlée qu’a choisie Washington.
« Là, à mon avis, Poutine prouve sa réputation d’être un homme très intelligent. C’est une excellente réponse parce que ça montre qu’on ne s’abaisse pas à ce niveau, on n’entre pas dans ce cercle fou. C’est vraiment une folie qui s’empare de Washington dans les derniers jours de l’administration Obama après l’échec d’Hillary Clinton. Ils sont devenus fous et il est bien qu’à Moscou il reste un chef d’État qui n’est pas fou, qui est intelligent. Franchement, c’est très soulageant et c’est prometteur pour l’avenir », a-t-elle estimé.
Pour le futur porte-parole de la Maison-Blanche Sean Spicer, les nouvelles sanctions antirusses décrétées par Washington suite à la soi-disant implication de la Russie dans des cyberattaques ne sont pas une mesure proportionnelle : « La question est de savoir s’il s’agit d’un châtiment politique ou d’une réponse diplomatique », estime Spicer.
Le futur porte-parole a en outre pointé que le président élu américain voulait que les renseignements américains lui livrent des informations sur les attaques informatiques et ce afin d’évaluer la pertinence des sanctions adoptées.
Affaire à suivre…