Résumé de l’affaire : Dans Le Supplément de Canal+, diffusé ce dimanche 1er novembre 2015, l’ex-conseiller de Nicolas Sarkozy s’en prend au ministre de la Justice, Christiane Taubira. Qui réplique le soir même sur BFM TV. À E&R, on croyait naïvement que la politique c’était fait pour améliorer la vie des gens.
« Toute sa vie, elle a détesté la nation, détesté l’État, détesté l’autorité. Regardez sa vie de militante, elle ne s’en est jamais cachée. Elle a un passé, elle a une idéologie. [...] Elle a d’ailleurs milité pour l’indépendance de la Guyane, pardonnez-moi, ce n’était pas un amour immodéré pour la France. [...] Elle a le droit d’avoir son idéologie, mais pour venir me donner des leçons après sur les institutions de la République et sur le sens de l’État, c’est un peu fort. »
Avant cela, le mercredi 28 octobre, Guaino s’était livré à une charge violente contre la magistrature, suite à sa condamnation à 2000 euros d’amende pour diffamation à l’encontre d’un juge d’instruction. À l’Assemblée, il s’en prend aux juges, en qualifiant certain d’entre eux de « pervers » et de « psychopathes ».
« Dans la magistrature, comme partout ailleurs, il y a des gens qui honorent leurs fonctions, il y a aussi des pervers, des psychopathes, des militants aveuglés par leur idéologie. »
La réaction de Christiane Taubira ne se fait pas attendre :
« C’est un propos absolument indigne d’un parlementaire (...) C’est simplement scandaleux, c’est simplement honteux, lorsqu’un parlementaire n’est pas en capacité de respecter les institutions en général, et en particulier l’institution judiciaire, qui est une autorité constitutionnelle. »
On en était là de ces échanges, qui font le sel de la politique politicienne stérile de la Ve République et le beurre des médias qui se jettent sur le futile pour faire oublier l’essentiel, lorsque BFM TV invite Taubira dans son émission BFM Politique. Animée par Apolline de Malherbe, la Ruth Elkrief du dimanche.
On a alors le droit à une éminente leçon de morale et d’indépendance de la pasionaria guyanaise, qui rappelle, à juste titre, que jamais Matignon et l’Élysée n’ont remis en cause la magistrature, comme la droite a pu le faire sous Sarkozy.
Cependant, c’est un peu normal : la magistrature est à gauche, le Mur des cons le montre bien, le pouvoir socialiste n’a donc pas grand chose à craindre de juges majoritairement à gauche.
« Nous avons adopté un texte de loi qui interdit au Garde des Sceaux d’intervenir dans les affaires personnelles des uns ou des autres. »
On sait très bien que le pouvoir juridique dépend quasi complètement du pouvoir politique, entre autres à travers le Parquet. De tous temps, ces deux pouvoirs ont été mêlés, de Giscard à Hollande, en passant par Chirac et Sarkozy, chaque président de la République prenant bien soin qu’on ne lui mette pas ses casseroles odoriférantes sous le nez pendant son mandat.
C’est pourtant sous le règne de Taubira que la soumission de la justice au politique a été la plus évidente, la plus indécente : on ne l’a pas entendue lorsque, le 9 janvier 2014, le Conseil d’État s’est réuni à la vitesse de l’éclair, sous la pression du lobby sioniste – qui ne s’en est même pas caché –, pour empêcher un humoriste de se produire. Depuis ce jour, plus rien venant de la place Vendôme ne peut être pris au sérieux.
Il reste de cet échange droite/gauche une impression de temps perdu, d’énergie déployée en vain dans le dispositif (caméras, micros, déplacements, articles, un bilan carbone assez désastreux), de fin de la politique à l’ancienne. La Ve est morte, ses acteurs continuent à jouer, en roue libre, alors que le rideau est tombé. La seule chose qui fait encore croire à ces « politiques » qu’ils sont pris au sérieux, c’est l’environnement médiatique, qui les maintient dans une lumière artificielle, et surnaturelle. Il ne leur reste plus que ces lumières-là.
Le public est parti, le débat est ailleurs.
Pour les derniers curieux des joutes stériles et des faux débats droite/gauche de la Ve république, Taubira chez BFM Politique, c’est ici :