Le samedi à 21h30 heures sur France5, c’est la happy Franz hour. Une heure de poivrade avec le clown Foggy, désormais retraité du Point, dans lequel il conserve un bureau. Il conserve aussi une émission télé, un peu à l’écart (parce qu’il a perdu du poids en presse), intitulée pompeusement Les Grandes Questions, avec son audience moins pompeuse de 1 % et son budget réduit. LGQ est en effet produite par la société TéléParis, du duo Ardisson & Simon, rebaptisée en interne Manouche Prod, pour son côté hérisson du porte-monnaie. Ce 18 janvier, Franz reçoit Tapie (patron de presse), Haziza (journaliste survivant), Naulleau (écrivain polémiste), Comte-Sponville (philosophe raisonnable), Lanot (philosophe onfrayenne), et Durpaire (historien des États-Unis).
Pour ceux qui ont raté toute l’émission
Très vite, deux invités en viennent aux mains. Haziza n’a pas supporté le livre de Naulleau avec plein de Soral dedans, mais Naulleau n’a pas supporté d’avoir été traité de « naziste » par Haziza lors d’une fausse quenelle twittée. Comte-Sponville fait baisser la tension à coups de droit, Lanot évoque la complexité de l’interdiction de la liberté d’expression, et FOG, comme à son habitude, jette de l’huile bouillante sur le feu. Il faut absolument qu’un morceau de l’émission termine au Zapping, sinon… Bingo ! Tapie cloue le spectacle avec un dérapage shoatique, qui liquéfie même FOG, pourtant rompu à toutes les salades, tandis qu’Haziza finit de se vider. Tapie, ce bulldozer de 120 tonnes conduit par un enfant égocentrique et joyeux, pulvérise la bienséance, alors que les débats s’étaient apaisés, en excuses mutuelles, les dents un peu serrées.
La grande question à la con dont chacun connaît la réponse
Giesbert, c’est un mélange de grande intelligence et de méga trous noirs. Trait caractéristique majeur : il est totalement ignorant des gens, du public. C’est peut-être pour ça qu’il n’en a pas. On sent qu’il s’en fout de tout ce bordel, et en même temps, ça l’emmerde de quitter le cirque. Le pouvoir, la bouffe, le cul, le fric, c’est trop addictif.
FOG : « Est-ce qu’on peut encadrer la liberté sans la tuer, c’est ça la grande question finalement ? »
André Comte-Sponville : « Ben, il faut bien, puisque si on ne l’encadre pas, la liberté des uns, comme chacun sait, nuit à celle des autres. »
FOG : « Alors on va poursuivre ce débat en se demandant comment faire reculer les pensées abjectes. »
FOG à Naulleau : « Est-ce que vous avez l’impression que la meilleure façon de faire reculer justement cette pensée abjecte c’est, c’est de dialoguer avec elle ? Est-ce qu’on peut dialoguer avec Alain Soral, est-ce qu’on peut dialoguer avec Dieudonné ? »
Naulleau : « Moi j’ai une position extrêmement simple, la France de Dieudonné existe, la France de Soral existe, il faut décrire cette France pour mieux la combattre. »
La guerre Naulleau/Haziza
On ne présente plus Éric, qui trimbale dans les médias sa putain d’indépendance d’esprit, ce truc qui devrait plus exister normalement. En butte à trop de blaireaux en plateaux, il risque d’y laisser ou sa santé mentale, ou son système nerveux. Mais il y a les sunlights, et des gonzesses si belles...
Naulleau : « Une démocratie qui a peur de la confrontation d’idées, est-ce que c’est pas contradictoire dans les termes ? »
Naulleau : « L’affaire Dieudonné/Soral… ça teste toutes nos limites. Les limites de la démocratie, de la liberté d’expression. »
Haziza, c’est le chiffon rouge du lobby. Agité devant les Gaulois énervés, il a pour mission d’augmenter artificiellement la température de l’antisémitisme, afin de remplir les charters d’aliah vers Tel-Aviv. Netanyahu veut un paquet de juifs français en 2014, quel qu’en soit le prix, même s’il faut pour ça péter la France en deux avec une nouvelle affaire Dreyfus M’Bala. Les Arabes font trop de gosses. Ça urge.
Haziza à Naulleau : « Dieudonné et Soral c’est les spectacles, c’est les écrits de ce, Alain Soral, mais c’est surtout Internet. C’est les vidéos d’Alain Soral, c’est les vidéos de Dieudonné, qui sont des vidéos de haine, des vidéos antisémites, racistes, et on oublie quelque chose hein, ce sont des vidéos homophobes, antifemmes, on le voit dans le livre que vous écrivez avec lui, où Soral qu’est-ce qu’i dit hein, vous savez ce qu’i dit Soral ? Vous avez fait un livre d’entretiens, vous l’avez pas beaucoup relancé, de manière, très dure, et il dit quoi sur Pierre Bergé, et Jack Lang, qu’est-ce qu’i dit ? I dit allez demander à Pierre Bergé et Jack Lang si pédophilie et homo, et si, et qu’est-ce que vous lui avez dit hein, vous êtes très, vous êtes euh, très calme quand il vous dit ça. »
Naulleau : « Je vais vous répondre de manière calme, on peut être résolu et calme. J’ai pas besoin de gueuler ou de faire des effets de manche moi. Et je parle très calmement moi, avec vous comme avec Soral.
– Et vous parlez aussi très calmement quand dans vos propos vous parlez de Shoah business, on se demande pourquoi vous parlez de Shoah business, hein vous subtilisez, vous utilisez les mêmes, ça veut dire qu’il a contaminé, il contamine tout ça… Vous savez ce que ça veut dire Shoah business, ça veut dire les juifs ne pensent qu’à l’argent. Ben on l’ressent comme ça.
– Tous ceux qui ont lu le livre le savent, je m’oppose point par point à la pensée de Soral.
– Je vais vous dire une chose, on parle de la liberté d’expression, vous êtes complaisant.
– Je suis absolument pas complaisant.
– Si, vous êtes complaisant. »
- Quenelle ou salut nazi ? Le Conseil d’État tranchera. Vers 17 heures.
Naulleau : « On peut rentrer dans un débat personnel. Y a quelques mois vous vous êtes permis de balancer un tweet, où vous avez posté une photo de moi en train de poser à côté de Zemmour, c’est une photo de presse et je me tiens exactement comme ça, ce que le photographe me demande. Commentaire de monsieur Haziza : « Éric Naulleau exécute une quenelle, le salut nazi inversé. » Alors d’abord je n’avais jamais entendu de la queue, parler de la quenelle à ce moment-là… Mais que vous puissiez balancer, vous voyez la liberté d’expression elle est là.
– Désolé si je vous ai meurtri avec ça.
– Non mais me traiter de nazi ce n’est pas me meurtrir, vous comprenez, vous me traitez de nazi !
– Je ne vous ai pas traité de nazi.
– Si ! « Éric Naulleau exécute un salut nazi inversé ! » […] Je vous aurais bien mis un procès aux fesses mais, comme vous êtes l’objet d’attaques immondes, et chaque fois que vous serez attaqué vous me trouverez à vos côtés.
– C’est très gentil.
– J’ai fait la part des choses. Donc je serai toujours à vos côtés quand vous êtes dans le vrai, parce que ce que vous subissez est absolument immonde, mais quand vous déconnez avec cette histoire de quenelle, excusez-moi, je ne laisse pas passer. »
Des philosophes qui disent des trucs pas cons
André et Bénédicte font bien leur boulot d’intellectuels. Ils prennent tranquillement le chemin de la Raison, sans s’inquiéter des dingos ou des flippés. La vraie tradition de la pensée française. Ouf.
FOG : « La liberté d’expression, est-ce qu’il faut faire confiance au public ou pas ? »
Comte-Sponville : « Oui il faut faire confiance, oui on a le droit de dialoguer avec tout le monde.
– Et le public est assez intelligent… ?
– Ce qui est insupportable c’est le soupçon perpétuel porté sur tout le monde. Chacun fait ce qu’il veut… La question c’est le respect de la loi. »
Comte-Sponville : « Personne ne peut juger à la place d’Eric Naulleau ce qu’il a le droit de dire moralement ou pas ! Soit il a violé la loi et alors il faut le sanctionner, soit il ne l’a pas violée et il faut lui foutre la paix ! »
Naulleau : « J’ai envie de vous embrasser ! J’ai envie de vous embrasser Pic de la Mirandole !
– Bref la morale n’est légitime qu’à la première personne. Arrêtons de nous servir de la morale pour juger les autres, je dis toujours, la morale elle est légitime à la première personne, pour les autres, le droit et la miséricorde suffisent. »
Bénédicte Lanot : « Ce dialogue avec Soral c’est vraiment très important. »
FOG : « On fait confiance à l’intelligence du public… ?
– Absolument… Il faut comprendre quel est le public de Soral… Que vont-ils chercher ? […] Dans l’ironie il y a par définition une polyphonie, c’est-à-dire qu’on ne sait pas qui parle. Et ça évidemment c’est quelque chose sur lequel il est d’autant plus facile de jouer que notre culture est marquée par une tradition qui est une tradition de l’ironie comme vertu émancipatrice et iconoclaste. »
Tapie pète le vase de la Shoah avec les cendres dedans !
Bernard, quand il lâche ses énormités, personne ne l’accable, parce qu’il est capable de mettre un pain dans la gueule. C’est une espèce de Dieudonné blanc, sauf que lui, la provocation, il fait pas exprès. Ses fulgurances, elles sortent dans un langage personnel, puéril et populaire. Sinon, il chouine en permanence à cause des injustices qu’on lui ferait subir, alors qu’il a touché le pactole, un peu comme les, les, enfin bon. C’est notre Calimero milliardaire national.
Tapie : « Maintenant il y a une capacité de compréhension du grand public qui est presque au niveau des intellectuels, voilà, tout le monde comprend tout. »
FOG à Tapie : « Les spectateurs de Dieudonné c’est des salauds aussi ?
– Mais la preuve que non puisqu’i z’y viennent alors qu’on parle plus des juifs ! C’est plein ! »
Tapie, sans rire : « Si y a quelque chose qu’on doit jamais importer des États-Unis, je peux vous le dire, c’est la justice. Parce que là, c’est la justice du fric. Aux États-Unis vous êtes riche vous faites tout ce que vous voulez. »
Tapie, en conclusion : « Quand un grand titre d’un grand journal, peut-être celui qui est considéré comme le plus grand, titre « La preuve de l’escroquerie », avec un contenu qui vaut rien, ça émeut personne, vous voyez. Eh ben il serait temps que ça, ça crée autant d’émotion que quand on s’attaque à la Shoah, vous voyez ce que je veux dire ? Même si c’est pas tout à fait pareil. »
Adieu, Bernard. Tu peux commencer à faire ta valise. Ou ton cercueil.
L’émission :
Voir aussi, sur E&R : « Manuel Valls : "La Shoah est un sanctuaire, on ne peut pas le profaner" »