Présent à New York à l’ONU lundi 19 septembre, Alain Juppé en a profité pour dénoncer le « silence inacceptable » du Conseil de Sécurité sur la situation en Syrie, pays où, selon, lui ne se commettent pas moins que des « crimes contre l’humanité« .
Sur le « silence inacceptable » du Conseil de sécurité, on objectera au ministre franco-atlantiste des Affaires étrangères que ce silence est quand même troublé depuis des semaines par les incantations répétées de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis acharnés à arracher au dit conseil une résolution condamnant officiellement Damas.
On sait que la Russie, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud font preuve de la même détermination à s’opposer à tout projet de résolution allant dans ce sens, car l’exemple de la Libye a démontré ce que les Occidentaux étaient capables de faire d’un tel texte estampillé « ONU ».
Ministre des Affaires étrangères à l’intérêt de la France
Et c’est là que nous revenons à Alain Juppé et à ce qu’il faut bien appeler ses impostures. On pourrait, pour commencer, évoquer son « silence inacceptable » sur l’attitude des autorités israéliennes qui poursuivent la colonisation dans les territoires palestiniens et à Jerusalem Est, assiègent littéralement – quand ils ne les bombardent pas – un million et demi de Gazaouis confinés dans un territoire de 360km2, attaquent le Sud-Liban, tirent sur des manifestants désarmés au large de Gaza et, d’une manière générale, ignorent tranquillement depuis des années les résolutions du Conseil de sécurité les concernant.
Silence « inacceptable » aussi de Juppé sur la situation de l’Irak, détruit et livré à un chaos persistant par ses amis américains, ou sur la situation des droits de l’homme – et de la femme – chez ses bons amis saoudiens, koweitiens, bahreiniens. Silence inacceptable encore sur le chaos libyen et les milliers (50 000 ?) de morts occasionnées par la guerre civile attisée puis entretenue par la France et l’OTAN, pour le plus grand profit non des Libyens ou des droits de l’Homme, mais du Département d’Etat américain et des compagnies pétrolières occidentales.
Et, en parlant du coup d’Etat otanesque de Libye, on aimerait entendre Alain Juppé sur le rôle d’un Bernard-Henri Lévy dans cette triste histoire, savoir ce qu’il pense du fait de se voir « coiffé » par un histrion influent qui a « vendu » en quelques minutes cette guerre à Sarkozy, par-dessus son crâne chauve ?
On aimerait qu’il nous explique comment un ministre des Affaires étrangères qui se prétend gaulliste et pénétré du sens et des prérogatives de l’Etat a pu s’incliner devant l’initiative d’une sorte de « Madame de Pompadour » sioniste, imposant ses caprices géostratégiques à Sarkozy-Louis XV. Et ce pour s’ingérer dans les affaires d’une nation indépendante – une nation arabe – et bombarder ses villes, et armer des bandes aux motivations mal connues (encore que…).
Oui, si Charles De Gaulle revenait, tel la statue du Commandeur, il y a fort à parier qu’il jugerait l’attitude de Juppé « inacceptable » politiquement, diplomatiquement et moralement.
Il est vrai qu’il devrait passer à l’Elysée avant le Quai d’Orsay. Autant de palais de l’Etat devenus de véritables écuries d’Augias…