Nonobstant hésitations et dénégations, la Russie s’embarque bel et bien dans une ambitieuse expansion de sa présence syrienne, qui peut bouleverser les règles du jeu dans ce pays en lambeaux.
La base navale russe de Tartous, petite, obsolète, servant aux réparations, va être agrandie, tandis que Jablleh, près de Latakia (jadis Laodicée) va devenir la base aérienne russe et une base navale à plein régime en Méditerranée orientale, au-delà des minces détroits du Bosphore. Les multitudes djihadistes qui assiègent Damas vont pouvoir être contraintes à l’obéissance et à la soumission, et le gouvernement du président Assad connaîtra la délivrance, hors de danger. La guerre contre Daesch (ISIS) fournira la couverture pour cette opération. Voici le premier rapport sur ces événements décisifs, sur la base de sources confidentielles russes à Moscou, des sources habituellement fiables.
Le journaliste d’investigation, dissident et bien informé Thierry Meyssan [1] a signalé l’arrivée de nombreux conseillers russes. Les Russes ont commencé à partager leurs images par satellite en temps réel avec leurs alliés syriens, ajoutait-il. Un site d’information israélien a ajouté : « la Russie a commencé son intervention militaire en Syrie », et a prédit que « dans les semaines qui viennent des milliers militaires russes se préparent à atterrir en Syrie » [2]. Les Russes ont promptement démenti.
Le président Bachar Al Assad y a fait allusion [3] il y a quelques jours en exprimant sa pleine confiance dans le soutien russe à Damas. Six premiers jets de combat MIG-31 ont atterri à Damas il y a deux semaines, selon le journal officiel RG [4], et Michael Weiss dans le Daily Beast d’extrême-droite [5] a offert une description saisissante de la pénétration russe en Syrie. Le journal Al-Quds al-Arabi mentionne Jableh comme le lieu de la deuxième base.
Nous pouvons maintenant confirmer que, pour autant que nous puissions le savoir, malgré les dénégations (souvenons-nous de la Crimée), la Russie a fait son choix et pris la décision très importante d’entrer en guerre en Syrie. Cette décision peut encore sauver la Syrie de l’effondrement total et par ricochet éviter à l’Europe d’être noyée sous les vagues de réfugiés. L’armée de l’air russe va combattre Daesch ouvertement, mais va probablement aussi bombarder (comme David Weiss en fait le pari) les alliés des USA de l’opposition al-Nosra (autrefois appelée al-Quaeda) et d’autres extrémistes islamiques pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas moyen de les distinguer de Daesch.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Serguéï Lavrov, a proposé d’organiser une nouvelle coalition contre Daesch incluant l’armée d’Assad, les Saoudiens et certaines forces d’opposition. L’émissaire US en Russie a dit qu’il n’y avait aucune chance que les Saoudiens ou d’autres États du Golfe acceptent d’unir leurs forces avec Assad. La Russie continue à projeter de bâtir cette coalition, mais, vu le rejet américain, apparemment le président Poutine a décidé de passer à l’action.
La Russie est très ennuyée par les victoires de Daesch, parce que cette force combat et chasse les chrétiens de Syrie, alors que la Russie se considère comme le protecteur traditionnel de ceux-ci. La Russie redoute aussi que Daesch mette en place des opérations dans les régions musulmanes de Russie, dans le Caucase et sur la Volga. Et la coalition anti-Daesch dirigée par les US n’a pas fait le travail.