L’Arabie saoudite, l’un des acteurs clés du conflit syrien, est en pourparlers avec le Pakistan pour leur fournir des armes anti-aériennes et anti-chars capables d’inverser le rapport de forces sur le terrain, selon des sources proches du dossier.
Lors d’une visite éclair la semaine dernière dans le nord de la Syrie, le chef de la coalition nationale de l’opposition, Ahmad Jarba, a promis aux rebelles que « des armes performantes vont bientôt arriver ».
« Les États-Unis pourraient permettre à leurs alliés d’équiper les rebelles d’armes anti-aériennes et anti-char, après l’échec des négociations de Genève et le regain de tension avec les Russes », estime Abdel Aziz Al Sager, directeur du Gulf Research Center.
« Permettre aux alliés des États-Unis de fournir de telles armes (aux rebelles) réduirait la pression sur les États-Unis à court terme. Mais le principal souci à long terme est que ces Manpad (système d’arme sol-air portable) ne tombent entre d’autres mains et soient utilisés pour abattre un avion civil quelque part dans le monde », explique pour sa part Simon Henderson, directeur du programme Golfe et politique énergétique au Washington Institute for Near East Policy.
Une source proche du dossier indique, sous couvert d’anonymat, que l’Arabie saoudite va se procurer ces armes auprès du Pakistan, qui fabrique sa propre version de ces systèmes sol-air à très courte portée (Manpad) nommés Anza et des armes anti-chars.
Elle souligne que le chef d’état-major de l’armée pakistanaise, le général Raheel Sharif, s’est rendu début février dans la première visite de ce genre en Arabie saoudite, où il a rencontré le prince héritier Salman ben Abdul Abdel Aziz.
Le prince Salman, accompagné d’une importante délégation, s’est à son tour rendu la semaine dernière au Pakistan.
Aucun commentaire n’a pu être obtenu dans l’immédiat auprès de l’armée pakistanaise et des autorités saoudiennes.
Selon cette même source, la fourniture d’armes serait accompagnée de facilités de stockage en Jordanie.
Partage en zones d’influence
L’Arabie saoudite jouit d’une forte influence sur le front sud, où elle coordonne son action avec la Jordanie, et a encouragé l’unification des combattants rebelles dans cette zone, selon des opposants syriens.
Par contre, le Qatar et la Turquie sont chargés de la coordination avec les rebelles sur le front nord, frontalier de la Turquie, indique un responsable de l’opposition syrienne qui ne veut pas être nommé.
Il assure que ce « partage en sphères d’influence » a été décidé par ces pays qui sont les principaux soutiens de l’opposition, tout en reconnaissant que les divergences entre Doha et Ryad « affaiblissent » les rebelles.
La perte d’influence de Doha au profit de Ryad avait déjà été illustrée par l’élection en juillet dernier d’un proche du royaume, Ahmad Jarba, à la tête de la Coalition nationale de l’opposition.
Elle est aujourd’hui consacrée par la mise à l’écart du chef du conseil militaire suprême (CMS), qui chapeaute l’Armée syrienne libre (ASL), le général Selim Idriss, le 17 février, indique cet opposant.
Selon une source de l’opposition, le principal reproche fait au général Idriss était « la mauvaise distribution des armes » ainsi que « des erreurs dans les combats ».
Le général Idriss, considéré comme proche du Qatar et qui a refusé son limogeage, a été remplacé par le général de brigade Abdel Ilah al-Bachir, chef du conseil militaire rebelle pour la région de Qouneitra, dans le sud de la Syrie.
Sur le plan intérieur, le royaume a par ailleurs retiré la gestion du dossier syrien au chef des services de renseignement, le prince Bandar, et en a principalement chargé le ministre de l’Intérieur le prince Mohammed ben Nayef, selon un diplomate occidental en poste dans le Golfe.
La gestion par le prince Bandar du dossier syrien avait été critiquée par les États-Unis, selon des sources diplomatiques.
Ce changement, dont il est pour le moment difficile d’évaluer l’impact sur le terrain, devrait apaiser les États-Unis, à l’approche d’une visite en mars du président Barack Obama dans le royaume, qui reproche à son allié américain son absence de fermeté sur le dossier syrien, d’après les analystes.
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