La Syrie déplore un nouveau village martyr : al-Treimseh (ou Treimsa), dans les environs de Hama : de 100 à 150 civils auraient péri selon l’OSDH qui, bien sûr, accuse l’armée. De son côté, le gouvernement impute le massacre dont l’ampleur reste à préciser – aux bandes terroristes. Dans un premier temps, l’OSDH avait avancé le chiffre de 17 villageois tués.
Un air de déjà vu
Il y a en tous cas des similitudes entre ce drame et celui de Houla-Taldo, en mai dernier :
- Il survient au moment d’une réunion du Conseil de sécurité, et l’opposition CNS a exigé de celui-ci des mesures à la hauteur du drame contre le gouvernement syrien, soit une « résolution contraignante » dans le cadre du désormais fameux chapitre VII de la charte des Nations-Unies qui prévoit jusqu’à un recours la force :
- C’est, comme à Houla, la thèse d’un « bombardement » du village par les chars et canons de l’armée qui est avancée par Rami Abdel Rahmane ; rappelons qu’en ce qui concerne Houla, les observateurs de l’ONU avaient dû abandonner cette version au bout de 24 heures seulement, pour privilégier celle d’assassinats rapprochés par balles ou armes blanches ; à noter qu’à toutes fis utiles, qu’un « militant », interrogé par l’AFP, nous refait le coup des chabihas venus finir le travail des soldats avec leurs couteaux.
- Comme à Houla, des combats opposaient en fait les militaires à des groupes armés et le village s’est transformé en champ de bataille. Et l’agence Sana et les médias syriens parlent de « lourdes pertes » infligées aux insurgés (nous y reviendrons par ailleurs).
- Comme à Houla, les habitants d’al-Treimseh, en tous cas une partie d’entre eux, soutenaient le gouvernement. Et ils ont accueilli de façon ostensiblement favorable l’entrée des soldats dans le village.
Le CNS et les Frères musulmans contre Annan
Bref tout cela a une forte odeur de déjà vu. Il va y avoir une enquête, sans doute avec participation des casques bleus du général Mood, pour l’heure consignés, depuis deux semaines, dans leurs hôtels. Mais on notera, en parlant de l’ONU, cette vive attaque des Frères musulmans syriens contre Kofi Annan, accusé par eux d’une responsabilité das cette tuerie.
Les Frères, et donc le CNS, voient d’un très mauvais oeil les derniers développements de l’action diplomatique de l’émissaire de l’ONU : accord de Genève sur un gouvernement de transition ne demandant pas le épart de Bachar ; accord Annan/Bachar sur une réduction progressive des zones de confrontation ; visite d’Annan à Téhéran et, plus largement, désir de celui-ci d’associer l’Iran aux négociations sur la Syrie.
Tout ceci, et le rôle grandissant de la Russie dans le dossier, fait craindre au CNS sa marginalisation. Dès lors, tout lui est bon pur essayer de torpiller – à l’instar de ses mentors occidentaux – un processus qui l’obligerait à reconnaître un part de légitimité à l’actuel gouvernement et, concrètement, l’obligerait à négocier avec lui.
Inébranlable Russie
Le drame d’al-Treimseh intervient donc alors que le Conseil de sécurité est à nouveau réuni à la demande du trio États-Unis/Grande-Bretagne/France, rejoint pour le coup par l’Allemagne, lesquels prétendent adresser un ultimatum à Damas, lui donnant dix jours pour retirer ses armes lourdes des zones de confrontation sous peine de nouvelles sanctions diplomatiques et économiques.
La Russie a d’ailleurs fait savoir dès jeudi qu’elle jugeait « inacceptable » ce nouveau texte euro-américain. Moscou pointe le vice récurrent de ce genre de texte occidental : « Il ne prévoit des obligations que pour le gouvernement syrien et il n’y est pratiquement rien dit des obligations de l’opposition ». Même motif, même punition : la Russie et la Chine appliqueront leur véto à ce projet s’il est soumis au vote du Conseil de sécurité.
Bien sûr, la tragédie d’al-Treimseh va être exploitée dans cette enceinte pour faire pression sur les Russes. Mais lors du drame de Houla ceux-ci ne s’étaient pas laissé impressionner, attendant d’en savoir plus. La suite a prouvé qu’ils avaient raison : le gouvernement syrien n’a pas eu de mal à établir que les victimes de Houla-Taldo appartenaient à la communauté alaouite et que certaines d’entre elles étaient apparentées à un député pro-Bachar, une enquête – entre autres – d’une télévision russe avait incriminé les bandes armées islamistes et la commission Pinheiro de l’ONU a prudemment conclu que les responsabilités dans ce drame étaient partagées, façon onusienne de dire que la culpabilité du pouvoir ne pouvait être établie.
Il est plus que probable qu’il en est allé d’al-Treimseh comme de Houla : les bandes armées religieusement sectaires et politiquement extrémistes sont prêtes à tout – des mois et des mois de terrorisme généralisé le prouvent assez – pour « punir » les civils qu ne les suivent ou approuvent pas, quitte à faire endosser leurs crimes au gouvernement.
De son côté, le gouvernement syrien, en phase de reconquête militaire, et en meilleure posture diplomatique, a moins que jamais intérêt à laisser commettre de pareilles tuerie de femmes et d’enfants.
Et, peut-être, justement, la « jurisprudence Houla » va–t-elle inciter certains « aboyeurs » médiatiques à plus de prudence…