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Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

Un article de Youssef Hindi (exclusivité E&R)

Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

Un article de Youssef Hindi en exclusivité pour le site E&R

 

Sommaire

 

- Le choc des civilisations selon Huntington

- Un choc anthropologique

- Un choc géographique, un choc des éléments

- Un choc religieux

 

*

 

Lors de son discours du 30 septembre dernier, Vladimir Poutine a de nouveau pointé du doigt le « satanisme » de l’Occident ayant promu et autorisé l’homoparentalité, l’enseignement de la théorie du genre et, dans certains pays, le changement de sexe des enfants.

 

L’opposition entre l’Occident et la Russie n’est pas exclusivement géopolitique, elle est civilisationnelle, elle oppose deux modèles : celui de la société fondée sur la loi naturelle et celle qui dégénère. C’est un antagonisme entre un monde voulant conserver l’essentiel des valeurs traditionnelles et un autre qui promeut leur inversion systématique. C’est la guerre entre un occident athéiste qui se suicide, et une Russie renaissante qui refuse le modèle de société mortifère que cherche à lui imposer l’oligarchie occidentale, et dont la Russie a subi les conséquences dans les années 1990. Le libéralisme économique avait alors menée le pays au bord de l’abîme où se trouvent aujourd’hui les Européens.

Cette guerre russo-occidentale est pluridimensionnelle, elle a plusieurs facettes et degrés. Elle ne se résume pas à l’opposition entre deux cultures différentes ; cette guerre est le point historique culminant d’un antagonisme anthropologique, géographique, élémentaire, religieux, idéologique, eschatologique [1] et même juridique.

Or, la théorie du choc des civilisations, telle que présentée au grand public par les néoconservateurs et leurs réseaux, visait à diaboliser les sphères culturelles politiques des ennemis de l’Amérique et ainsi justifier leur destruction à court ou moyen termes.

 

Le choc des civilisations selon Huntington

Dans son fameux ouvrage, Le Choc des civilisations (1996), Samuel Huntington avance que dans « le monde nouveau qui est désormais le nôtre, la politique locale est ethnique et la politique globale est civilisationnelle. La rivalité entre grandes puissances est remplacée par le choc des civilisations ».

Il considère que la géopolitique mondiale est animée par une « violence entre les États et les groupes appartenant à différentes civilisations » avec un risque « d’escalade si d’autres États ou groupes appartenant à ces civilisations se mettent à soutenir leurs "frères" » [2].

C’est une vision unidimensionnelle des relations internationales, par définition partielle. Elle peut expliquer certains conflits mineurs, localisés, mais ne peut en aucun cas prétendre présenter une vision globale et macro de la géopolitique mondiale.

Prenons l’exemple du conflit russo-ukrainien.

En 1993, le géopolitologue de l’école réaliste John Mearsheimer faisait la prévision de l’éclatement d’un conflit entre la Russie et l’Ukraine :

« La situation entre la Russie et l’Ukraine est mûre pour qu’éclate entre elles un conflit de sécurité. De grandes puissances que ne sépare pas une longue frontière naturelle, comme c’est le cas pour l’Ukraine et la Russie, craignent pour leur sécurité et en viennent donc souvent à devenir concurrentes. La Russie et l’Ukraine devraient dépasser cette dynamique et apprendre à vivre en harmonie, mais il serait étonnant qu’elles y parviennent. » [3]

Mearsheimer annonçait ainsi une possible guerre de conquête russe contre l’Ukraine.

Huntington, tenant de l’approche civilisationnelle, était en désaccord avec Mearsheimer. Il affirmait, en 1996, contredisant Mearsheimer et le paradigme étatique :

« À l’inverse, l’approche civilisationnelle met l’accent sur les liens culturels, personnels et historiques qui unissent la Russie et l’Ukraine et le mélange de Russes et d’Ukrainiens qui vivent dans les deux pays. Elle attire l’attention sur la frontière civilisationnelle qui sépare l’Ukraine orthodoxe à l’est de l’Ukraine uniate à l’ouest. Mearsheimer, conformément à la théorie « réaliste » de l’État en tant qu’entité unifiée et séparée, néglige totalement cette donnée historique ancienne. Tandis que l’approche étatique évoque la possibilité d’une guerre russo-ukrainienne, l’approche civilisationnelle montre qu’elle est peu vraisemblable. » [4]

Si l’on s’en tient aux faits, Mearsheimer a eu raison contre Huntington. Toutefois, ce dernier à précisé la possibilité que « l’Ukraine se divise en deux. Les facteurs culturels qui expliquent cette éventuelle séparation conduisent à prédire qu’elle serait plus violente que celle qu’a connue la Tchécoslovaquie, mais moins sanglante que l’éclatement de la Yougoslavie » [5].

C’est effectivement ce qu’il s’est passé. Mais Huntington, focalisé qu’il était sur son paradigme ethnico-religieux, n’a pas anticipé l’implication de la puissance russe – liée culturellement et ethniquement à l’Ukraine de l’est – et des États-Unis (et de son bras armé, l’OTAN), qui n’a jamais abandonné le projet de détruire la Russie. En conclusion, les deux approches, réaliste et civilisationnelle, ne s’excluent pas, comme le prétend Huntington, mais elles se complètent.
Comme dit plus haut, l’erreur d’Huntington a été de réduire la géopolitique à une lecture ethnique et culturelle des relations internationales. Cette approche peut permettre de comprendre et d’anticiper des conflits locaux, comme dans le cas de la guerre civile ukrainienne qui a fini par éclater, mais elle ne lui a pas permis d’anticiper le conflit alimenté par l’OTAN avec la Russie.

Le contexte immédiatement post-soviétique des années 1990 se caractérisait par une régionalisation des politiques de défense [6], contrairement à la période précédente qui était celle de l’opposition des blocs. La décennie 1990 était une séquence transitionnelle ; l’histoire de longue durée pouvait permettre d’anticiper la recomposition de blocs, la réémergence et l’émergence de grandes puissances et leur coopération militaire et économique sur une base non pas culturelle, mais réaliste. L’alliance entre la Russie et la Chine, et les pays qui s’agrègent aux BRICS, n’est pas de nature civilisationnelle.

Mais Huntington ne s’est pas trompé quand il écrivait que l’adoption par la Russie d’une idéologie venue d’Europe, le marxisme, avait rapproché plus que jamais l’Occident et la Russie.

« Bien que les idéologies démocrate, libérale et communiste diffèrent beaucoup l’une de l’autre, les deux camps, en un sens, parlent le même langage. La chute du communisme et de l’Union soviétique a sonné le glas de cette interaction politico-idéologique entre l’Occident et la Russie. L’Occident espère et croit que la démocratie libérale triomphera dans tout l’ex-empire soviétique. Ce n’est pas dit. En 1995, l’avenir de la démocratie libérale en Russie et dans les autres républiques orthodoxes restait incertain. En outre, les Russes ayant cessé d’agir en marxistes pour agir en Russes, le fossé entre l’Occident et la Russie s’élargit. Le conflit entre la démocratie libérale et le marxisme-léninisme opposait deux idéologies qui, malgré leurs importantes différences, étaient toutes les deux modernes et laïques, et se donnaient pour finalité la liberté, l’égalité et le bien-être matériel. Un démocrate occidental pouvait débattre avec un marxiste soviétique. Ce serait impossible avec un nationaliste orthodoxe russe. » [7]

Cette divergence entre l’Occident et la Russie est à situer dans le clivage fondamental modernisme/tradition, progressisme/conservatisme. C’est une tension qui existe au sein même de la Russie depuis les réformes d’inspiration européenne de Pierre le Grand (1672-1725). Au XIXe siècle, cette tension au sein de la Russie s’incarnait dans l’opposition entre slavophiles et émules de l’Occident ; une confrontation qui a repris après la décomposition de l’Union soviétique et qui se poursuit aujourd’hui, entre les traditionalistes orthodoxes et eurasistes, représentés par Alexandre Douguine, et les libéraux pro-occidentaux. L’on peut ainsi parler d’un choc des civilisations intra-russe si l’on définit ce choc comme l’opposition entre tradition et modernité qui transcende toutes les frontières.

L’historien et homme politique libéral russe Sergei Stankevich (qui a conseillé Eltsine) préconisait, en 1992, un abandon de la voie atlantiste, et le développement des relations de la Russie avec la Turquie et les pays musulmans, et de « redéployer ses ressources, ses orientations, ses relations et ses intérêts en faveur de l’Asie, en direction de l’est » [8].

L’élargissement de l’OTAN et la menace qu’elle fait peser sur la Russie contraint celle-ci à renoncer à l’occidentalisation. Les États-Unis ont d’ailleurs récemment tranché le lien géo-énergétique entre l’Europe et la Russie.
Les pro-occidentaux de Russie, quant à eux, doivent choisir entre le patriotisme ou la trahison. La radicalisation (au sens du retour à la racine) de Dimitri Medvedev est en ce sens tout à fait révélatrice.
La tension Russie/Occident pousse le vieil empire orthodoxe à se débarrasser, progressivement, des avatars du progressisme qui l’ont infesté.

 

Un choc anthropologique

La guerre actuelle oppose le monde anglo-américain et la Russie. L’Europe continentale n’étant pas un sujet géopolitique autonome mais l’objet des États-Unis.
Outre la dimension géostratégique, ce sont deux visions du monde qui s’affrontent, deux anthropologies, deux façons d’être dans le monde.

L’anthropologie [9] russe est communautaire. L’individu est entouré, les liens de solidarité sont solides à l’intérieur de la famille et à l’extérieur de celle-ci, la société étant une famille élargie. L’autre spécificité anthropologique russe est l’égalité dans les rapports ; une égalité dans le partage de l’héritage au sein de la fratrie dont découle l’idée que les hommes sont égaux. Ajoutons à cela la valeur autoritaire. Une verticalité de la structure attribuant au père de famille, et par suite au chef de l’État, un pouvoir fort assurant l’encadrement, la stabilité et la continuité, dans le temps, de la famille et du peuple. Les ancêtres sont au cœur du discours officiel russe.

Cette anthropologie va façonner la façon d’être dans le monde des Russes et leur empire. Un empire terrestre qui va s’étendre en agrégeant les autres peuples considérés comme égaux, condition nécessaire à la pérennité d’un empire. L’agrégation et l’intégration des peuples, dans l’histoire des empires, se fait rarement de façon douce.

Le peuple russe est fondamentalement terrestre, il vit géographiquement dans le grand continent, sur « le toit du monde » pour reprendre l’expression de Mackinder.

L’Empire russe s’étend à partir d’un noyau central, comme jadis l’Empire romain ; il ne cherche pas à s’accaparer des terres à des milliers de kilomètres de ses frontières.

Cette anthropologie, cette façon d’être dans le monde, a modelé sa géopolitique et sa diplomatie. Un autoritarisme qui s’exerce au sein de l’empire – d’autant plus qu’il est ethniquement et confessionnellement composite – et dans sa zone d’influence, et des relations internationales fondées sur la valeur d’égalité, l’idée que les peuples sont égaux, bien qu’ils n’aient pas tous le même poids sur la scène internationale.

L’anthropologie russe est diamétralement opposée à celle de son ennemie historique, l’Angleterre, qui a accouché des États-Unis auxquels fait face l’Empire russe aujourd’hui.

L’anthropologie anglaise est individualiste. Le jeune homme anglais, traditionnellement, quitte le foyer dès qu’il atteint l’âge adulte. Il se sépare de ses parents et va fonder sa famille ailleurs. Contrairement à l’homme russe de la famille paysanne qui demeure dans le foyer du patriarche avec sa femme et ses enfants. Le père anglais ne considère pas ses enfants comme égaux dans le droit à l’héritage. Il peut, par testament, les déshériter ou choisir un héritier exclusif, au détriment des autres frères. La continuité de l’héritage familial sur la durée ne fait pas partie des priorités anglaises.
La société anglaise se caractérise par la liberté de l’individu dans la recherche de ses intérêts privés, terreau de l’idéologie libérale. Un libéralisme inégalitaire, les individus étant considérés comme inégaux, de même que les peuples. Les impérialismes anglais et étasuniens, sont fondés sur le capitalisme libéral et l’idée que les autres peuples ne sont pas leurs égaux et encore moins leurs semblables. Ces valeurs vont structurer toute la géopolitique anglo-américaine qui a laissé derrière elle des millions de cadavres, des pays détruits et des peuples entiers appauvris.

L’individualisme et le libéralisme se sont répandus dans le monde et ont pénétré également la Russie. Mais il a surtout atteint les couches supérieures de la société russe, la haute bourgeoisie et la bourgeoisie des villes. L’on peut établir le parallèle avec le protestantisme (religion inégalitaire) qui n’a été embrassée que par une partie de la noblesse et de la bourgeoisie françaises au XVIe siècle.

L’anthropologie russe et la longue durée ont eu raison de l’idéologie exogène. La greffe ne pouvait pas prendre. Le libéralisme économique sauvage n’a pu perdurer qu’une décennie en Russie ; la structure anthropologique communautaire, autoritaire, incarnée par l’étatisme continental, a rapidement repris le dessus et stabilisé le pays. Avec la guerre contre l’Occident moderne progressiste et décadent, le conservatisme devrait définitivement prendre le pas sur les tendances libérales en Russie.

Dans la confrontation géopolitique contre les anglo-américains, la Russie a un désavantage anthropologique. Sa structure familiale solide, communautaire, qui lui offre cette stabilité sur la durée, exerce une pesanteur, une lourdeur face à la vélocité anglo-américaine de sa structure familiale nucléaire absolue. On le constate dans le temps de réaction de l’État russe, qui prend tout son temps pour réagir aux attaques occidentales, notamment sur le plan militaire.

Le rapport au temps et à l’espace des peuples terrestres n’est pas non plus le même que celui des peuples marins, surtout lorsqu’ils ont une anthropologie aussi légère, une adaptabilité aquatique aux circonstances et aux terrains.

 

Un choc géographique, un choc des éléments

Un coup d’œil sur le globe terrestre fait apparaître la différence géographique entre la Russie et l’Angleterre. Leur distinction géographique est aussi nette que celle de leur anthropologie respective.
Le peuple russe vit dans la terre du milieu eurasiatique ; les Anglais sur une île excentrée, ne faisant pas véritablement partie du Vieux Continent : England is of Europe, not in Europe.

De la terre de Russie est sortie la puissance tellurique, l’Empire continental, et de l’île anglaise, le Léviathan, l’Empire maritime. Tout oppose ces deux empires et tout les destinait à s’affronter, dans la mesure où la puissance anglo-américaine, contrairement à la Russie, est en essence sans limite (c’est la Russie qui fixe la limite, en Syrie comme en Ukraine), parce que maritime, tandis que l’État russe est terrestre, par définition limité et limitateur. Leur confrontation était inéluctable, car l’impérialisme maritime global vise à tout submerger, envahir et détruire. Ce n’est pas le droit international qui arrête le Léviathan, c’est le Béhémoth.

L’histoire géopolitique de l’Angleterre est unique, elle n’est pas comparable à celle de Carthage, de Rome ou de Venise.

« Sa spécificité, son caractère incomparable, tient au fait que l’Angleterre a réalisé sa métamorphose élémentaire à un moment de l’histoire tout à fait différent et de tout autre manière que les anciennes puissances maritimes. Elle a véritablement transposé toute son existence collective de la terre à la mer. Ce qui lui permit non seulement de remporter de nombreuses guerres et batailles navales, mais aussi de gagner autre chose, en fait infiniment plus : une révolution. Une révolution d’envergure, celle de l’espace planétaire. » [10]

Cette révolution, ce passage de la terre à la mer, cette transformation en empire, se font au XVIe siècle, le siècle de la réforme protestante et de l’adoption, par l’Angleterre, du calvinisme. Une religion taillée sur mesure pour la bourgeoisie, pour un empire libéral et commercial.

« Le fait que la mer soit une tend à rendre hégémonique la maîtrise des mers, de même que le commerce maritime tend au monopole », écrivait un géographe allemand à la fin du XIXe siècle [11].

C’est en substance ce que disait l’écrivain, officier et explorateur anglais Walter Raleigh (1552-1618) qui a vécu l’époque de la transformation de l’Angleterre en empire des mers :

« Qui domine la mer domine le commerce mondial ; qui domine le commerce mondial possède tous les trésors du monde – et le monde tout court. » [12]

Le monde de la mer, sans frontière, est un monde de l’indistinction. C’est un espace liquide, mobile, instable, tantôt calme, tantôt agitée. Il est en cela diamétralement opposé au monde de la terre, celui de la frontière naturelle ou artificielle, de la limite, de la distinction, de la stabilité, de l’ordre et donc du droit. Nous le constatons dans le rapport des États-Unis au droit international. Ils le bafouent systématiquement, ils outrepassent les règles, ils ne respectent pas leurs engagements, qu’ils soient écrits ou oraux. Quant aux promesses, notamment celle faite à la Russie sur l’OTAN qu’ils ne devaient pas étendre d’un pouce après la décomposition de l’URSS, nous avons vu ce qu’ils en ont fait : ils l’ont oubliée. Sans parler de leurs alliés et vassaux qu’ils abandonnent dans les moments les plus dangereux.

Vladimir Poutine a choisi soigneusement ses mots lorsqu’il a qualifié l’Amérique d’« empire du mensonge ». La Russie ayant été dupée à plusieurs reprises par les États-Unis. La raison en est que les Russes prennent très au sérieux le droit international, car ils sont issus de la terre, ils ont une culture de l’étatisme continental. Les États-Unis, héritiers de l’Angleterre, sont portés par les flots du relativisme. Ils ont un rapport singulier à la vérité.

C’est aussi un choc entre deux esprits juridiques et militaires, conditionnés par les éléments marin et terrestre.

« Stratégiquement et tactiquement, guerre terrestre et guerre maritime ont toujours été deux choses différentes. L’important est que désormais, leur opposition traduit l’existence de deux mondes différents, de deux conceptions antithétiques du droit.
Depuis le XVIe siècle, les pays du continent européen avaient arrêté les formes de la guerre terrestre : l’idée fondamentale était que la guerre est une relation d’État à État. Elle met aux prises, de part et d’autre, la force militaire organisée de l’État et les armées s’affrontent en rase campagne. Les adversaires en présence sont les armées : la population civile, non-combattante, reste en dehors des hostilités. Elle n’est pas l’ennemi, et n’est d’ailleurs pas traitée comme tel aussi longtemps qu’elle ne participe pas aux combats. La guerre sur mer, par contre, repose sur l’idée qu’il faut atteindre le commerce et l’économie de l’adversaire. Dès lors, l’ennemi, ce n’est plus seulement l’adversaire en armes, mais tout ressortissant de la nation adverse et même, finalement, tout individu ou État neutre qui commerce avec l’ennemi ou entretient des relations économiques avec lui. La guerre terrestre tend à l’affrontement décisif en rase campagne. La guerre marine n’exclut pas le combat naval, mais ses méthodes privilégiées sont le pilonnage et le blocus des côtes ennemies et la captures de navires de commerce ennemis et neutres selon le droit de prise. Par essence, ces moyens privilégiés de la guerre sur mer sont dirigés aussi bien contre les combattants que contre les non-combattants. Un blocus, par exemple, frappe sans distinction toute la population du territoire visé : militaires, civils, hommes, femmes, enfants, vieillards. » [13]

Ce texte, écrit en 1942, et qui présente les pratiques guerrières des puissances maritimes, est un portrait-robot des États-Unis. Nous l’avons vu avec les embargos frappant les peuples cubain, irakien, iranien et bien d’autres pays. L’Amérique et ses alliés qui ont adopté les pratiques thalassocratiques, y compris la France, ont écrasé les populations et les infrastructures civiles sous les bombes en Irak (la France de Mitterrand a participé à la guerre du Golfe), en Libye, en Serbie…
La Russie en Ukraine fait la distinction entre les civils et les militaires et se garde de raser les villes avec des tapis de bombes comme le font les anglo-américains.

 

Un choc religieux

La religion des Russes est elle aussi attachée historiquement à la terre. Moscou est l’héritière de Constantinople, elle-même héritière de Rome, trois capitale politico-religieuse d’empires terrestres. L’Église romaine, les patriarcats de Constantinople et de Moscou, sont des autorités religieuses établies sur le modèle de la structure impériale de Rome.

Quant à l’Angleterre, elle se coupe de l’autorité cléricale de Rome en 1534, elle largue les amarres durant une réforme religieuse qui la mène à adopter le calvinisme. La rupture avec le Vieux Continent est consommée. Thomas Cromwell, ministre principal du roi d’Angleterre Henri VIII déclare alors que « ce royaume d’Angleterre est un empire » [14].
Sous le règne d’Élisabeth Ire (de 1558 à 1603) émergea et s’imposa en Angleterre le puritanisme, courant du calvinisme qui visait à « purifier » l’Angleterre du catholicisme.

Le calvinisme était tout à fait approprié à l’Empire du commerce anglais. Calvin et les calvinistes « abordèrent l’économie comme des hommes d’affaire ».

Le calvinisme est en grande part un mouvement urbain, et « il fut transporté de pays en pays par des commerçants et des ouvriers émigrants… »
Le calvinisme a son quartier général à Genève, et, plus tard, ses adeptes les plus influents dans les grands centres d’affaire, comme Amsterdam et Londres.

« Ses chefs adressèrent leur enseignement, non pas exclusivement, mais principalement aux classes engagées dans le commerce et l’industrie, qui formaient les éléments les plus modernes et progressistes de la vie du siècle.
Ce faisant, ils commencèrent, de toute évidence, par reconnaître franchement la nécessité du capital, du crédit et de la banque, du grand commerce et de la finance et des autres données pratiques du monde des affaires. Ainsi rompent-ils avec la tradition qui, tenant pour répréhensible tout souci des intérêts économiques "au-delà de ce qui est nécessaire pour la subsistance", avait stigmatisé l’intermédiaire comme un parasite, et l’usurier comme un voleur. » [15]

Le calvinisme était une doctrine religieuse bourgeoise, taillée pour le commerçant et le banquier. Calvin enseigna à cette bourgeoisie « à se sentir comme un peuple élu, la rendit consciente de sa grande destinée à accomplir selon le dessein de la Providence, et résolue à l’accomplir » [16].
La prédestination était un équivalent de l’élection divine du judaïsme. Elle prit une forme socio-économique et impériale en fusionnant avec l’anthropologie anglaise au moment de la transformation de l’île en empire maritime.

Le calvinisme, religion de l’intérêt personnel et de la lutte pour la réussite économique, était l’outil idéal du commerçant et de l’aventurier des mers. Il y a une osmose entre calvinisme et élément marin, une « complicité géopolitique entre le calvinisme institué et le sursaut des énergies maritimes de l’Europe. Même les fronts religieux et les slogans théologiques de cette époque portent en eux l’antagonisme des forces élémentaires qui ont provoqué ce glissement de l’existence historique du continent à la mer » [17].

Les puissances anglo-américaines, judéo-protestantes et maritimes, l’Angleterre et les États-Unis, sont les vecteurs de la globalisation économique, du consumérisme individualiste, de la société liquide, sans frontière ni attache, du capitalisme libéral financier sauvage, étendu par le système de libre-échange… Tout ce qu’ils ont imposé au monde. De tout cela, le judéo-protestantisme a été le moteur.

Et la Russie, dont l’anthropologie, la religion et la structure politique sont continentales, a été frappée dans la décennie 1990 par ce libéralisme judéo-protestant qui promeut aujourd’hui le LGBTisme.
Depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir, et donc du retour de l’étatisme continental, la Russie se tient à l’écart du système de libre-échange anglo-américain. La Russie n’a pas mis son peuple au service des multinationales occidentales, comme l’a fait la Chine.

La religion judéo-protestante et le messianisme des Pères pèlerins, qui se considéraient comme un peuple élu, entrent en confrontation directe avec la culture chrétienne égalitaire russe. Les dirigeants russes, à commencer par Vladimir Poutine, critiquent régulièrement cet exceptionnalisme américain ; cette idée selon laquelle le peuple américain – en fait ses élites – est l’élu parmi les nations et dont la destinée manifeste est de nous imposer à tous son modèle, fût-ce par le bombardement atomique comme au Japon. Un impérialisme inégalitaire et envahissant qui ne pouvait finalement qu’entrer dans une guerre violente avec la puissance continentale orthodoxe, qui, si elle ne joue pas son rôle de limitateur, condamnera le monde à subir une tyrannie anglo-américaine judéo-protestante plus infernale que jamais.

Youssef Hindi

 

Notes

[1] https://strategika.fr/2022/08/18/le...

[2] Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, 1996, édition français, 1997, Odile Jacob, pp. 21-23.

[3] John J. Mearsheimer, « The Case of a Nuclear Deterrent », Foreign Affairs, 72, été 1993, 54.

[4] Samuel Huntington, Le Choc des Civilisations, pp. 38-39.

[5] Samuel Huntington, Le Choc des Civilisations, p. 39.

[6] Samuel Huntington, Le Choc des Civilisations, pp. 185-186.

[7] Samuel Huntington, Le Choc des Civilisations, pp. 204-205.

[8] Sergei Stankevich, « Russia in Search of Itself », National Interest, été 1992, pp. 48-49.

[9] Sur les structures familiales, voir Emmanuel Todd, La Troisième Planète, Seuil, 1983.

[10] Carl Schmitt, Terre et Mer, 1942, Le Labyrinthe, 1985, Pierre-Guillaume de Roux, 2017, Krisis, 2022, p. 144.

[11] Friedrich Ratzel, La Géographie politique, 1897, Fayard, Paris, 1987, p. 174.

[12] Cité par Carl Schmitt, op. cit. p. 173.

[13] Carl Schmitt, op. cit. pp. 173-174.

[14] G. R. Elton, The Tudor Constitution : Second Edition, Cambridge University Press, 1982, p. 353.

[15] R. H. Tawney, La Religion et l’Essor du capitalisme, Londres, 1926, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1951, p. 103.

[16] R. H. Tawney, op. cit. p. 110.

[17] R. H. Tawney, op. cit. p. 110.

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  • #3044042
    Le 9 octobre 2022 à 11:14 par nicolasjaisson
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    "L’individualisme et le libéralisme se sont répandus dans la monde et ont pénétré également la Russie. Mais il a surtout atteint les couches supérieures de la société russe, la haute bourgeoisie et la bourgeoisie des villes."

    C’est une redite de la logorrhée marxiste-léniniste a présidé à la destruction de la culture russe dite "petite-bourgeoise", qui devait être remplacée par la culture socialiste prolétarienne, visant à transformer l’homme nouveau socialiste en zombie obéissant au doigt et à l’oeil aux directives du Parti. Vous confondez l’effet et la cause. Ce n’est parce que la culture patriarcale russe a disparu pour être remplacée par un individualisme petit-bourgeois d’origine anglo-saxonne, que la Russie actuelle se doit de rejeter, que les "Russes" ne sont pas directement responsables de la destruction de leur culture slave orthodoxe, dont vous rejetez la responsabilité sur les Anglo-saxons. Au contraire, ce sont bien les soviétiques des républiques populaires soviétiques composant l’URSS qui dont détruit scientifiquement la société bourgeoise patriarcale russe, en ratissant au passage la culture orthodoxe, dont les clercs ont été assassinés en masse avec l’intention clairement affiché de détruire radicalement le patriarcat orthodoxe. J’en veux pour preuve que les paysans propriétaires qui ont été démultipliés par dizaines de milliers, lors des réformes de la propriété agraire dans l’empire des Romanov, depuis les années 1890. Les koulaks ont été proprement éliminés par les escouades internationalistes bolcheviks pour faire place nette à la propriété collective sous forme de kolkhozes ou de sovkhozes. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas d’héritage sans propriété privée, a fortiori quand il s’agit de la terre dont le capital productif réclame d’être préservé dans son unité, au lieu d’être morcelé au fil des générations. Or la "Nouvelle Russie" n’a jamais renié l’héritage de l’URSS, bein au contraire, et particulièrement dans l’agriculture dont le modèle poutinien consiste dans des très grandes exploitations destinées à alimenter le marché mondial en céréales. Sans cela on verrait réapparaître la paysannerie et les structures socials patriarcales qui y sont attachées. Comme souvent, vous manquez totalement de cohérence dans vos analyses ,en voulant démontre une chose et son contraire.

     

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    • #3044138
      Le Octobre 2022 à 14:43 par De Bonald
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      Il faut quand même savoir qui était derrière la Révolution bolchévique : les capitalistes de l’Ouest. Soljenitsyne a d’ailleurs souvent affirmé que c’était des étrangers et pas des Russes qui avaient oeuvré pendant toute cette période réellement bolchévique. Donc au final, ce sont bien les Anglo-saxons qui ont fait cette destruction que vous attribuez aux Russes. Que Poutine ne soit pas revenu au modèle ancien en terme d’agriculture est un autre point qui reste à éclaircir.

       
    • #3044241
      Le Octobre 2022 à 18:46 par Pépé
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      https://www.egaliteetreconciliation... la Russie de Poutine ou des Romanov dégénère depuis l’émergence de cette puissance de dingue que sont les USA. Les USA ont développé l’industrie à mort ce que les Romanov ont recopié, le fordisme et le taylorisme où l’ouvrier ne concevait plus une voiture de lui-meme mais à la chaine, ce qui à diminuer les couts de production mais à dégénérer la classe ouvrière. D’ailleurs, si l’ouvrier concevait lui meme sa propre voiture, la classe ouvrière de ses années-là (de nos jours, c’est différent) à dégénérer et cette classe émergente a tout rejeté sur la classe naissante elle aussi, la classe bourgeoise.
      A partir de là, la révolution russe ne pouvait qu’éclore. Disons que Poutine comme les Romanov se sont fait arnaquer et ils sont loin d’etre les seuls ! D’ailleurs, Poutine a eu l’intelligence d’interdire les OGM qui ne servent à rien à part à modifier les cellules humaines et à provoquer le cancer car ce sont DES ORGANISMES GENETIQUEMENT MODIFIES !
      les OGM donne le cancer, le métissage biologique donne un autre race : le cancer racial, le mondialisme donne un autre monde et à la fin, à part le judaisme qui parle d’unification mondiale et de domination planétaire, il n’y a plus rien !

       
    • #3044475
      Le Octobre 2022 à 09:24 par Cul du loup
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      @ Bonald :
      Quand Soljenitsyne parlait des ’’étrangers’’ il parlait des juifs, pas des anglo-saxons...
      Soljenitsyne avait bien compris que les juifs n’étaient pas des russes, mais qu’ils étaient des étrangers...

       
  • #3044072
    Le 9 octobre 2022 à 12:09 par Turican
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Si l Occident n a pas de barril russe sur les 15 prochaines années, alors l Occident est dans une merde macro et surtout je ne vois pas un ratio de résilience que l Europe pourrait impactée tellement la proportion récessionniste serait titanesque pour tenir un a propos sur ce que l on appelle les lumières développées.

     

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  • #3044076
    Le 9 octobre 2022 à 12:13 par De Bonald
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Ceci étant, ceux qui sont véritablement derrière l’Empire anglo-saxon n’ont, eux, aucune origine insulaire mais ils ont néanmoins choisi ce bord car cela convenait à leur nature perfide. Donc invoquer une fatalité géographique pour expliquer leur comportement ne paraît pas adéquat. Les insulaires de Grande Bretagne se sont alliés à eux (dans une position néanmoins de subalternes) uniquement pour des raisons purement économiques. Quant à leur extension aux USA, elle n’a, elle, rien de plus géographiquement insulaire que notre propre continent ou celui des Russes.

     

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    • #3045354
      Le Octobre 2022 à 14:28 par Alain Soral
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      Avec un tout petit peu plus de jugeote, donc un peu moins d’arrogance, tu aurais toi-même fait le lien entre vision maritime et peuple sans terre : soit une même démarche fondamentalement sans frontière...
      Quand tu ne sais pas, tu te tais ou tu demandes !
      AS.

       
    • #3045530
      Le Octobre 2022 à 19:09 par De Bonald
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      Oui ça peut être une explication même si un peu tirée par les cheveux puisqu’ils revendiquent quand même une terre chérie et on sait où. Et qu’ils en ont vraisemblablement eu une autre il y a longtemps entre la Mer Noire et la Caspienne. Donc à l’origine ils ont bien une base bien terrestre. Et pour le reste, l’absence de frontières est également un projet bien terrestre pour eux puisqu’ils les abolissent là où ils le veulent et le peuvent. Donc le non-frontière n’est pas spécialement un élément maritime pour eux : la CEE n’est pas une mer à ce que je sache et pourtant on y circule aussi librement que sur mer. Voilà Maître Soral.

       
    • #3045560
      Le Octobre 2022 à 20:05 par De Bonald
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      "Peuple sans terre"....Mouais.....quand on est solidement installés partout sur les terres des autres et que l’on est souvent les plus riches de ces pays, est-on vraiment sans terre ou en a-t-on au contraire plus que les autres ? Pour le reste, beaucoup d’empires immenses se sont construit via la terre et celle-ci n’a pas semblé imposer ni de limites ni de frontières dans le mental de ces conquérants. Concernant les Anglais c’est différent : dés qu’ils mettent un pied en dehors de leur pays, ils se retrouvent sur l’océan donc il est naturel qu’ils associent plus l’océan que la terre à leurs rêves d’expansion. Pour des gens venant au départ soit du Moyen Orient soit de Khazarie, je ne vois pas pourquoi ils auraient cette tendance naturelle. Qui plus est, quand on arrive via l’océan dans le port d’un autre pays, il y a toujours eu des formalités à remplir donc ça n’est pas si sans frontières que cela et ça atténue donc encore cette idée.

       
    • #3045604
      Le Octobre 2022 à 21:30 par ProtégeonslaPalestine
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      @De Bonald : On te fait remarquer affectueusement que ton esprit n’a pas saisi certaines connections géophysiques, métaphoriques, et symboliques. Et toi, au lieu de te piquer de curiosité et de te lancer pour défi de comprendre le fil directeur entre le mammifère, sa terre et sa pensée, tu développes un embrouillamini digne d’un gamin de CE2. La honte.

       
  • #3044093
    Le 9 octobre 2022 à 12:41 par Vladimir Vaxine
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Je veux bien qu’on parle de théorie du choc, mais je demande à comprendre pourquoi dans ce cas là :

    - ils ont totalement validé la fausse pandémie de COVID avec les mêmes éléments de langage qu’en Occident
    - ils fournissent le prétexte qui permet la poursuite du Great Reset ( y’a rien de spontané là-dedans, Schwabb a annoncé les pénuries depuis 2020, on savait que ça allait nous tomber dessus ).

    Moi j’y vois plus un accomodement qu’une lutte à mort.

     

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    • #3044140
      Le Octobre 2022 à 14:46 par Grz
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      Je veux bien parler de choc entre l’Union soviétique et l’Allemagne nationale-socialiste dans les années 40, mais quand même ! Les deux pays étaient financés par Wall Street.
      Alors, pour la Seconde Guerre mondiale, parlons plutôt d’"accommodement".

       
    • #3044229
      Le Octobre 2022 à 18:27 par Vladimir Vaxine
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      @Grz

      Très bonne remarque, rebelote.

      D’ailleurs les deux seuls acquittés Allemands d’après-guerre sont des banquiers Schacht et Von Shroder.

      Mais on se rapproche plus du faux antagonisme USA/Communisme de la guerre froide.
      Sutton a d’ailleurs écrit National Suicide, qui a jamais été traduit. Il a retrouvé des documents prouvant que les USA continuaient de financer l’URSS pendant la guerre froide, et que l’antagonisme entre les deux était largement surjoué.

      Très éclairant pour comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui.

      Sinon, on peut répondre aux deux objections soulevées dans la premier commentaire ?

       
    • #3044593
      Le Octobre 2022 à 11:35 par jean
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      - L’ URSS n’était pas " financée " par le capitalisme occidental. Elle était au contraire considérée comme l’ennemi mortel par le grand patronat qui pour cela a collaboré massivement avec Vichy, l’Allemagne nazie étant le rempart contre le communisme : Renault, Lesieur, Lafarge, L’Oréal etc..( lire le très éclairant " Le choix de la défaite " d’ A.Lacroix-Riz ). Idem pour le patronat/banques US ou suisses ,grands financeurs du réarmement de l’Allemagne.
      - Par contre, il est vrai que de grandes entreprises occidentales ont participé à la NEP établie par Lénine en 1921, pour développer l’industrie russe très en retard sous le régime tsariste. C’était un marché très rémunérateur pour ces entreprises ( surtout américaines) et une planche de salut face à la crise/chute des ventes en occident. Mais Staline mettra fin à la NEP en 1929.

       
    • #3045042
      Le Octobre 2022 à 06:15 par Vladimir Vaxine
      Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

      L’ URSS n’était pas " financée " par le capitalisme occidental. Elle était au contraire considérée comme l’ennemi mortel par le grand patronat qui pour cela a collaboré massivement avec Vichy, l’Allemagne nazie étant le rempart contre le communisme : Renault, Lesieur, Lafarge, L’Oréal etc..( lire le très éclairant " Le choix de la défaite " d’ A.Lacroix-Riz ). Idem pour le patronat/banques US ou suisses ,grands financeurs du réarmement de l’Allemagne.



      Pourquoi faire ne pas utiliser les bons termes ?
      Pourquoi faire semblant de confondre le patron de Renault avec la Haute-Banque qui fabrique de la fausse monnaie ?

      Le Communisme a été intégralement financé par Wall Street ( notamment Jacob Schiff ) et n’a jamais été une menace pour eux.

      Tu cites Lacroix-Riz, mais Soral l’a déjà démolie y’a dix ans.
      Pour le paraphraser, si c’était une menace pour le Capital, qu’on nous explique pourquoi c’est Staline qu’on retrouve à Yalta, et pas Hitler.

      C’est toute l’arnaque de la gauche, de faire semblant de confondre le Grand Capital, la banque, avec des petits patrons ou même des capitaines d’industrie.

      ’’ Le Capitalisme ’’ ça veut absolument rien dire, on se croirait au NPA.



      Par contre, il est vrai que de grandes entreprises occidentales ont participé à la NEP établie par Lénine en 1921, pour développer l’industrie russe très en retard sous le régime tsariste. C’était un marché très rémunérateur pour ces entreprises ( surtout américaines) et une planche de salut face à la crise/chute des ventes en occident. Mais Staline mettra fin à la NEP en 1929.



      Rien à voir.

      Le haute banque a continué à financer l’URSS jusqu’à sa chute.

      Voir les travaux éclairants de Pierre de Villemarest, de Sutton, ou les mémoires de George Racey Jordan, officier US, qui a vu de ses yeux le transfert de la technologie US directement vers l’URSS.

       
  • #3044989
    Le 10 octobre 2022 à 23:37 par Monde en péril
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Très bon article de Youssef Hindi. Merci E&R
    Poutine bosse pour son peuple actuellement, l’élite occidentale, elle, bosse pour euh, euh, on ne sait pas.
    Poutine pousse son peuple à avoir foi en l’avenir, à espérer une vie meilleure. L’élite occidentale, elle, n’a plus foi en rien et pousse son peuple au suicide...
    Deux mondes diamétralement opposés, l’un prône la vie, l’autre la mort.
    Mon choix est vite fait !

     

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  • #3045008
    Le 11 octobre 2022 à 01:54 par Robani
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Une analyse historique du colonialisme des empires serait aussi intéresante. Je n’ai cessé d’entendre des remarques racistes envers les Français à propos de la présence Française en Afrique de la part des anglo-saxons autour de moi. Je me demande ce qu’ils diraient devant une analyse plus fine que celle qui circule sans véritable contestation dans le monde anglo-saxon, dans lequel ces mêmes anglo-saxons se croient si intélligent et font preuve de beaucoup de "courage"... Ca deviendrait encore plus intéressant si on indiquait le role joué par certains intermédiaires, tel les Rothschid et les Sasoon...

     

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  • #3045447
    Le 11 octobre 2022 à 17:12 par Lozerien
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Youssef Hindi au sommet de son art.
    Fluide , limpide , courageux.
    Un savant de notre temps.
    Merci pour tout.
    Éternelle reconnaissance envers toi et ceux dans ton style.

     

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  • #3045508
    Le 11 octobre 2022 à 18:36 par Kroutoy
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    C’est bien un choc de civilisation, observable depuis 2014 :
    https://m.youtube.com/watch?v=oXWlQ...

    Tout est dit dans cette courte video (c vraiment la tradition contre la modérnité).

    Avec cette séquence tu comprends que la russie ne va plus reculer. Et tu sais que l’Empire ne va pas s’arrêter d’avancer.

    L’opé en ukrakne n’est que la continuité de cette séquence mais dans un format plus grand.

     

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  • #3045597
    Le 11 octobre 2022 à 21:20 par ProtégeonslaPalestine
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    Le tempérament de chaque peuple, la hiérarchie de ses valeurs, et son mode de gouvernance, sont conditionnés par le climat et la géographie, qui sont des surdéterminations métapolitiques. Voilà ce que nous explique la partie la plus novatrice de ce très bel exposé de Youssef Hindi.

    Les limites du politique épousent les contours de la géographie, et cette interdépendance, cette symbiose organique entre le dedans et le dehors, est en fait une trouvaille de Jean Bodin (1529-1596), théoricien de l’absolutisme monarchique, reprise par Montesquieu dans sa « théorie des climats », aux livres XIV à XIX de L’Esprit des lois. À partir de la croyance, déjà vivace dans l’antiquité grecque, que les différences de climats influent sur les tempéraments des peuples, Montesquieu élabore, à la suite de l’intuition de Jean Bodin, une extension audacieuse du principe de solidarité entre la terre et le caractère : l’axiologie des peuples et leur conscience politique se trouvent conditionnés par la géographie.

    Ainsi, un écosystème insulaire, rythmé par la fluidité des flots, sera t-il propice à l’éclosion de valeurs évocatrices de la fluidité sexuelle et morale, de la transition de genre, tandis que les zones enclavées génèreraient une épistémè encline à mimer la fixité terrienne, donc une forme d’absolutisme du pouvoir, et sa déclinaison contemporaine, le dirigisme d’État.

    Notons que si « La religion judéo-protestante et le messianisme des Pères pèlerins, qui se considéraient comme un peuple élu, entrent en confrontation directe avec la culture chrétienne égalitaire russe », le protestantisme entre aussi en conflit avec lui-même : d’une part, l’idée d’élection, parce qu’elle postule un détermisme où la volonté est invitée à se soumettre sans lutter à un arbitraire préétabli et au magistère d’un ordre qui lui est antérieur, est un déni de l’infinité pratique des combinaisons, offerte par la fluidité des mers.

    D’autre part, l’idée d’élection divine est une conspiration antinomique ourdie par une congrégation de frustres, qui inventent à Dieu des préférences au service de leur auto-couronnement sans mérite. Ainsi, ce n’est pas Dieu qui a fait Biden président, le papy s’est auto-élu. La notion protestante d’élection divine n’est que l’ancêtre du Pass VIP, une obscénité sémantique, une mystification théologique. Ce totem d’immunité brandi par le Nouveau Monde pour conjurer sa peur du Jugement Dernier n’est jamais qu’une prophétie autoréalisatrice née de la pensée magique.

     

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  • #3046604
    Le 13 octobre 2022 à 18:04 par Heisenberg
    Russie et Occident : un choc pluridimensionnel

    C’est toujours un vrai plaisir que de lire Hindi Youssef. Merci à Egalité Et Réconciliation et à Youssef pour cet article superbe.

     

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