Ce qu’il faut comprendre de la Tradition, c’est que lorsque l’usure est proscrite — comme ce fut le cas dans l’islam ou dans le christianisme médiéval — le riche ne peut plus se contenter de vivre de la rente.
S’il souhaite accroître son capital (grand bien lui fasse…), il lui faut s’associer à des projets utiles, repérer les talents, participer à l’économie réelle.
Le riche n’est alors plus un rentier oisif, mais un acteur engagé : mécène, partenaire, mentor, parfois même figure morale.
C’est là une vision aristocratique de la richesse, bien plus exigeante que celle de la bourgeoisie comptable.
Ajoutons à cela la zakât — impôt religieux obligatoire en islam, versé chaque année aux pauvres — et les caprices des riches deviennent secondaires : qu’il le veuille ou non, une part de sa fortune est destinée à ceux qui n’en ont pas.
Prélevée à hauteur de 2,5 % par an sur les biens dormants, cette zakât agit comme une érosion douce mais implacable : si la fortune reste immobile, elle est divisée par deux en moins de trente ans !
C’est une forme de redistribution structurelle particulièrement efficace : elle ne repose ni sur la charité, ni sur un État redistributeur, mais sur une obligation morale, sociale et spirituelle, pensée pour préserver la cohésion du corps social.
Autrement dit, le riche est conduit à investir, à faire circuler son argent, à s’entourer de personnes capables de le faire fructifier de façon légitime et constructive.
C’est un système d’une redoutable logique, où morale, responsabilité et efficacité économique se rejoignent.
Dans ce cadre, le riche cesse d’être un parasite : il devient un notable impliqué, que l’on peut convaincre — par la raison, la vision et l’intérêt collectif — de financer des projets utiles à tous.
L’inimitié de classe s’efface, remplacée par une dynamique d’entraide, de complémentarité.
Il n’est pas nécessaire d’abolir les riches pour faire apparaître la justice : il suffit de les replacer dans un cadre qui les lie au bien commun.
Alors, est-ce cela, finalement, le cœur du "gauchisme" contemporain ?
Entretenir l’inimitié de classe, attiser les divisions, plutôt que penser des formes concrètes d’unité populaire ?
L’idée d’une alliance entre le prolétariat et les classes moyennes contre les véritables dominants — que Soral a formulée à sa manière — n’a rien de nouveau :
c’est une évidence que nous portons tous depuis toujours….