Michel Clouscard (1928-2009) est un sociologue et philosophe français, proche du parti communiste, professeur de sociologie à l’université de Poitiers.
Marxiste, il fit une critique radicale du libéralisme en prenant en compte les changements de processus de production d’abord, l’évolution de l’objet même de la production ensuite. Cette métamorphose qui aboutit à la production massive du gadget et du « jouir sans entrave » permet de comprendre pourquoi la société occidentale est passée, avec Mai 68, d’une doctrine morale répressive à une doctrine morale permissive – ce que Clouscard a nommé la société libérale-libertaire –, condition de survie et d’extension du capitalisme.
Avec le Traité de l’Amour-fou, Michel Clouscard s’éloigne de la dimension purement économique et politique pour introduire la psyché dans une genèse de l’Occident tout entière contenue dans le mythe de Tristan et Yseult. En dépassant l’œdipe grâce à la « famille inversée », point de départ du mythe, il met en scène l’antinomie de la liberté individuelle et de la nécessité politique, dont la force dialectique engendrera la civilisation occidentale. L’amour-fou a été la condition de la sortie de l’endogamie polygamique tribale, du Même vers l’Autre, pour entrer dans le système exogamique monogamique féodal. Les barbares conquérant l’Empire romain vont ainsi intégrer des composantes chrétiennes – pardon, acceptation de l’Interdit, sublimation de la mort – pour fonder le système féodal. Dans une thèse à l’opposé de celle défendue par Denis de Rougemont dans L’ Amour et l’Occident, Clouscard démontre que contrairement au principe de la culture bourgeoise pour laquelle l’amour se vit contre le pouvoir, l’amour-fou est « l’engendrement réciproque du politique et de l’affectivité ».
Loin de n’être qu’un épiphénomène à portée individuelle, l’amour-fou est ainsi simultanément effet et cause de l’Histoire.