L’actualité abonde de sujets. Les acteurs politiques et les évènements défilent. Un clou chasse l’autre, comme dit le proverbe. On oublie vite. Et les médias en tous genres en font chaque jour l’illustration. Or, depuis quelques temps, ces médias nous abreuvent d’articles et de sondages de nature à nous convaincre que Dominique Strauss-Kahn, s’il est candidat aux présidentielles, a toutes les chances de battre Sarkozy. Sans jamais nous rappeler ce qu’il a fait quand il était ministre de Jospin et ce qu’il fait à la tête du FMI. Bien entendu.
Qui sont ces médias ? Pour l’essentiel, les grands hebdomadaires de droite (L’Express, Le Point, Paris-Match, le Journal du Dimanche) et de la gauche libérale (Le Nouvel Observateur) et des quotidiens de droite comme Le Figaro ou La Tribune. Les sondages qui nous désignent déjà le prochain président sont commandés par des journaux de droite.
Il semble que les patrons de ces organes de presse (Lagardère, Dassault, …), déçus par l’actuel occupant de l’Elysée, préfèrent quelqu’un qui leur épargnera, espèrent-ils, grèves et manifestations. D’où la nécessité de nous présenter un candidat de la gauche dite moderne, dite réaliste, dite responsable.
Il me semble donc important de rappeler qui est celui qu’on invite avec tant d’insistance à soutenir, avant même que le PS ait choisi son candidat. Sans doute pour que ce choix soit celui du patronat. Pour ce faire, cinq sources utiles : le numéro du 24 avril 2010 de l’hebdomadaire Marianne avec un dossier intitulé « DSK mis à nu », l’article de Jean-Jacques Chavigné consacré au FMI de DSK dans le numéro 176 de juin-juillet-août du mensuel Démocratie et Socialisme, l’organe du courant du même nom au sein du PS, le livre de Vincent Giret et Véronique Le Billon, Les Vices cachés de DSK (Seuil, 2000), quelques chroniques que j’ai publiées en son temps dans un hebdomadaire belge ou sur ce blogue et, enfin et surtout, l’excellent dossier de François Ruffin paru dans le numéro 47 (automne 2010) de Fakir (encore en vente actuellement – contact@fakirpresse.info).
Il me paraît indispensable de rappeler les choix qui furent ceux de Strauss-Kahn quand il était ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie de Jospin :
la privatisation des banques publiques : le GAN, le CIC, la Marseillaise de Crédit, le Crédit Lyonnais, le Crédit Foncier de France, le Groupe Caisse d’Epargne. Après le passage de Strauss-Kahn, il n’y a plus de secteur financier public.
les autres privatisations. Sous l’impulsion de Strauss-Kahn, le gouvernement Jospin a davantage privatisé que les gouvernements de droite présidés par Balladur et Juppé : Airbus, France Télécom, Thomson-CSF, Thomson Multimedia, Air France, …
la libéralisation du secteur de l’énergie : Strauss-Kahn, qui défend les négociations de l’OMC, soutient l’adhésion du gouvernement Jospin aux propositions européennes (Barcelone) qui vont permettre ensuite à la droite de privatiser EDF-GDF.
c’est lui qui met en place le régime des stocks options avec plusieurs mesures favorables à cette manière de rémunérer les hauts-dirigeants d’entreprises
c’est lui qui lance l’idée de fonds de pension « à la française »
c’est lui qui pousse Jospin à renier les engagements pris par le PS devant les électeurs, en 1997 : défendre et renforcer les services publics, défendre Renault-Vilvoorde, poser quatre conditions pour le passage à l’euro.
C’est Strauss-Kahn qui, en 1999, a proposé Pascal Lamy pour que celui-ci devienne le Commissaire européen au commerce international (avant de devenir, ensuite, directeur général de l’OMC).
En 2003, Strauss-Kahn déclare à Tribune Juive qu’il se lève chaque matin « en se demandant comment il pourra être utile à Israël. » En 1991, il avait déclaré : “Je considère que tout Juif de la diaspora, et donc de France, doit, partout où il peut, apporter son aide à Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est important que les Juifs prennent des responsabilités politiques. En somme, dans mes fonctions et dans ma vie de tous les jours, à travers l’ensemble de mes actions, j’essaie d’apporter ma modeste pierre à la construction d’Israël.” (Passage)
En 2005, Strauss-Kahn fait campagne pour le « oui » au TCE.
Le directeur général du FMI est fidèle à l’ancien ministre de Jospin. Sous son impulsion, le FMI instrumentalise la dette publique des pays du Nord comme du Sud.
Sous la pression du monde des affaires et de la finance, les gouvernements ont décidé de ne plus permettre aux pouvoirs publics d’emprunter auprès d’organes publics de crédit, à des taux nettement avantageux. En Europe, c’est devenu la règle depuis le traité de Maastricht. Les Etats sont tenus d’emprunter auprès des banques privées. C’est la principale cause de leur endettement, vu les taux pratiqués.
La seconde cause d’endettement, c’est le renflouement des banquiers et des spéculaterurs suite à la crise de 2008.
Pour combattre la dette, on ne pose pas de questions sur les causes de celle-ci. On affirme que le seul remède, ce sont des réformes dites « structurelles ». Le FMI de Strauss-Kahn poursuit ainsi 4 objectifs :
diminuer les salaires des fonctionnaires, remplacer les retraites par répartition par un recours aux assurances privées, réduire les investissements dans la santé, l’éducation, la culture
vendre les services publics aux firmes transnationales
flexibiliser le marché du travail en démantelant le droit du travail, en favorisant les délocalisations et en rendant les licenciements plus faciles
augmenter les profits des firmes privées en multipliant les exonérations de cotisations sociales ou d’impôts et en gelant ou en réduisant les salaires.
Ce sont ces politiques que le FMI de Strauss-Kahn impose aux pays du Sud. Avec la complicité de la Commission européenne, il fait de même avec les Etats de l’Union européenne.
Nul ne s’étonnera dès lors qu’il ait très officiellement exprimé son soutien aux « réformes » entamées par Sarkozy.
« On vit 100 ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à 60 ans , » déclarait Strauss-Kahn au journal Le Figaro, le 20 mai 2010.
Quelle différence entre Sarkozy et Strauss-Kahn ? Celle qu’on peut trouver entre un Sarkobrun et un Sarkorose. C’est toujours du Sarko.
Il me semble urgent que, dès à présent, les partis à la gauche du PS fassent savoir qu’en tout état de cause, il leur sera impossible de soutenir Strauss-Kahn en 2012. Il ne suffit pas de changer une personne. Il faut changer de politique. Cela va sans dire, me dira-t-on. Mais cela va encore mieux en le disant.